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"Ivresse(s)" : Jubilatoire et engagé
©Bouffesdunord.com

Atlanti-Culture

La nouvelle société générée, entre autres, par le numérique, est-elle en train de nous faire perdre le sens du collectif et le goût de la vie réelle? Une belle pièce de théâtre, pour un grand débat.

Rodolphe  de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

Voir la bio »

THEATRE 

IVRESSE (S)

de Falk Richter

Texte français : Anne Monfort

Mise en scène : Jean-Claude Fall

Avec Roxane Borgna, Jean Marie Deboffe, Jean Claude Fall, Isabelle Fürst, Paul-Frédéric Manolis, Nolwenn Peterschmitt, Laurent Rojol, Alex Selmane

INFORMATIONS

La Cartoucherie de Vincennes 
Route du Champ de Manœuvre - 75012 Paris
Salle Copi
Réservations: www.la-tempête.fr
01 43 28 36 36

Jusqu'au 17 décembre 
Du mardi au samedi 20h30 - dimanche 16h30

RECOMMANDATION 

BON

THEME

 Rausch ("Ivresse" en Français), c'est le titre allemand de cette pièce de Falk Richter, en réalité un montage de 3 textes s'inspirant de faits de société qui favorisent le débat historique et politique, d'où le "s" à Ivresse (s)

Le thème, récurrent depuis plus de 50 ans en Europe, agité périodiquement et frénétiquement à la faveur des soubresauts d'une jeunesse estudiantine et de mouvements socioculturels plus ou moins virulents, reste très actuel (cf. Nuit Debout)

Nous sommes soumis à de telles pressions multiples, pressions économiques, technologiques, médiatiques voire idéologiques (celles-ci juste effleurées par l'auteur), que nos rapports à  l'autre en sont bouleversés, souvent insidieusement : perte de sensibilité, repli sur soi, défaite de la pensée (!)

Assommés d'informations, happés par l'urgence, bousculés par l'émergence à jets continus des applications de l'économie numérique, ivres de consommation, allons-nous pouvoir résister, retrouver le sens du collectif et regoûter le sel de la vie réelle ?

Oui, certes !  Ressaisissons nous, "Cela ne peut plus durer", révoltons nous contre ce "système en crise mais qui jouit de la crise".

 Les cibles sont identifiées, la stratégie de résistance passive sera efficace si elle est "interstitielle", dit l'auteur. Le metteur en scène nous le confirme, sur le ton de la confidence, droit dans les yeux. Face book, Twitter, les Paradise Papers, le capitalisme, sont à combattre en bloc : "1% de la population détient la moitié des richesses de ce monde", "Ne mets pas tout ce qui a de bien en toi sur Face Book". Air connu, changent les paroles ....et les (bons) interprètes.

POINTS FORTS

- Une mise en scène époustouflante dans la troisième partie.
C'est mai  68 revisité devant les grilles d'un Buckingham Palace mythique assaillies par nos jeunes révolutionnaires du 21e siècle, idéalistes, vociférant tout comme leurs ainés, animés par une triplette de "penseurs " interpellant un public bienveillant.
Mise en scène choc, criante de vérité mais délirante de burlesque, boostée par la technologie numérique avec force selfies et grands écrans vidéo; mais restituant en même tant l'atmosphère bon enfant qui régnait à la Sorbonne ou à l'Odéon il y a 50 ans. On se retrouve en finale sous une toute petite tente faite d'un drap blanc éclairée en transparence d'une simple bougie vacillante. Emotion, décalage,  spectacle, une sacrée "performance"!

 - Le jeu des acteurs plongés dans la vrai vie, naturels et attachants, enthousiastes et convaincus.                                                            

- Un moment fort d'intensité dramatique et non dénué d'humour : la séance chez le psychiatre, debout face au public (à 3 mètres), entouré des deux membres d'un couple que manifestement il n'arrive pas à faire communiquer, tels deux autistes pris dans leur bulle

POINTS FAIBLES

 - Lenteur et répétitions. A force de tirer sur la corde des effets spéciaux, elle risque de se rompre. Les meilleures idées sont les plus courtes, d'autant que la litanie des mots et des cris invariants résonne comme une scie vite insupportable aux oreilles des non militants.    

- Exagération dans la déclinaison du concept...Ce qui nuit à la crédibilité. Quels points communs entre la religion catholique (et pourquoi elle seulement ?), les traders de la City, la Deutsche bank et la reine d'Angleterre ? Les Paradise Papers ont bon dos même si sur le fond on peut partager l'exaspération de l'auteur et sa démarche de salubrité

EN DEUX MOTS

 Jubilatoire et engagé. A voir, ne serait-ce que pour la scène finale, fresque foutraque de la contestation d'aujourd'hui et parce que c'est très actuel : l'optimisation fiscale a des limites.

UN EXTRAIT

 "Sincèrement j'attends avec impatience le jour où tout ça va s'effondrer, et où quelque chose de nouveau apparaîtra et on regardera le passé sans comprendre comment on pouvait vivre ainsi, ça, cette vie-là, d'aujourd'hui, ça n'aura plus de sens pour nous tous, on regardera le passé en pensant : comment on pouvait vivre comme ça, ça n'a pas de sens, pourquoi on agissait ainsi, aucun homme normal n'agirait ainsi, et on dira tout simplement : ben oui, c'était comme ça à l'époque."

L'AUTEUR

 Falk Richter, auteur, parfois acteur, traducteur et metteur en scène, est né à Hambourg en 1969. Après des études de mise en scène, il crée sa première pièce à 28 ans, "Tout. En une nuit". En 2003 il lance un projet intitulé "Le système",  paysage du monde contemporain, de ses paradoxes et de ses valeurs perdues, qui incarne bien sa démarche : une écriture de plateau, héritière du théâtre post-dramatique où le travail théâtral et l'écriture se dessinent conjointement.

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