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Pourquoi est-il facile pour les enfants ayant déjà appris une langue d’en apprendre une deuxième ?
©Gideon Tsang

"Brian is in the kitchen"

Avez-vous déjà jalousé la facilité qu'avait un enfant pour apprendre une langue étrangère, quitte à être aussi à l'aise que lorsqu'il s'exprime dans sa langue maternelle ? Vous n'êtes pas le seul, et ce n'est pas perdu. Espoir et explications.

Philippe Blanchet

Philippe Blanchet

Philippe Blanchet est enseignant-chercheur en sociolinguistique et en didactique de la communication plurilingue et interculturelle. Il est responsable du Master international "Francophonie, Plurilinguisme et Médiation Interculturelle" à l'université Rennes II, mais aussi co-directeur des Cahiers internationaux de Sociolinguistiqueet rédacteur en chef des Cahiers de Linguistique, revue de sociolinguistique en langue française. 

Son dernier ouvrage, Discriminations : combattre la glottophobie (éditions Textuel, 2016), aborde, d'un point de vue original, l'instrument de pouvoir qu'est le langage. 

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Atlantico : Comment expliquer qu'à un jeune âge l'apprentissage d'une seconde langue soit facilité par la connaissance d'une première ?

Philippe Blanchet : Ce schéma fonctionne à tout âge. Un acquis scientifique solide développé ces trente dernières années enseigne que l'apprentissage d'une langue nouvelle se fait toujours en s'appuyant sur la (ou les) langues déjà apprises. Tout d'abord parce que sur le plan cognitif, nous utilisons un seul et même "centre du langage". Aussi, un transfert d'informations s'opère continuellement entre les différentes langues : les éléments communes sont identifiés, tandis que les éléments qui diffèrent provoquent des comparaisons entre les langues. Ces transfèrent rendent plus conscient et donc plus efficace l'apprentissage de la langue nouvelle. D'autre part, il faut savoir que les bilingues et plurilingues organisent une sorte de "palette" linguistique : l'ensemble des langues qu'ils parlent sont toujours en contact. Les plurilingues font des liens entre ces langues pour s'en servir en fonction de leurs besoins de communication, de relation, d'identification, sans jamais les cloisonner.

Être bilingue, ne signifie pas être deux fois monolingue. Mais tout ceci ne fonctionne bien que si on laisse les apprenants utiliser leur(s) langue(s) déjà là, et mieux si on les stimulent en ce sens, pour faciliter l'apprentissage de la langue nouvelle. si, à l'inverse, on empêche les gens, comme on l'a longtemps fait, de mobiliser leurs langues déjà là pour en apprendre une nouvelle, si on leur impose l'usage exclusif de la langue à apprendre, on empêche ces transferts et on rend l'apprentissage plus difficile, plus long, moins efficace.

Est-ce que ce schéma s'actualise infiniment : plus on apprend de langue, plus il est aisé de les maîtriser ? 

Oui, en principe il plus facile de passer de deux langues (ou plus) à davantage de langues que de passer d'une à deux.Mais il faut tenir compte du fait que si l'éducation originelle est déjà plurilingue, le schéma fonctionne d'autant mieux. C'est la raison pour laquelle il est important de faire grandir un enfant dans un environnement où au moins deux langues sont parlées, dès le début, quelles qu'elles soient. La "gymnastique" plurilingue peut alors être installée en profondeur. 

A noter aussi, le contexte de l'apprentissage est primordial : la qualité de l'apprentissage et de la performance en dépendent. Certains contextes sont facilitateurs (un lien affectif positif avec la langue à apprendre et un accompagnement bienveillant, par exemple) et d'autres font obstacles (un enseignement puriste et jugeant, par exemple).

Plus globalement, quels sont les meilleurs moyens pour maîtriser une langue étrangère ?

Une petite remarque: une langue ne se "maitrise" pas, bien que ça soit l'expression consacrée par l'idéologie linguistique française. Une langue est infinie, toujours renouvelée, et personne ne peut se l'approprier (voir la dompter!) dans sa totalité.

Pour apprendre une autre langue (étrangère ou non), le meilleur moyen c'est de vivre avec des gens qui la parlent -à condition bien sûr d'établir des relations agréables avec eux. Si cette alternative n'est pas possile, alors l'enseignement scolaire est la solution. Encore une fois, demeure un ensemble de conditions indispensables : la bienveillance, l'absence de jugement négatif, l'hospitalité de la parole de celui ou celle qui apprend... Enfin, un autre moyen peut consister à se concentrer sur l'approche "communicative", c'est-à-dire sur la langue utilisée dans des échanges courants et dans des situations de vie quotidiennes.

Pour ce qui est de l'enseignant, il doit bien répondre à des attentes, à des besoins et aux projets précis des apprenants. Et puis, il est évident qu'il lui est recommandé de s'appuyer explicitement sur la ou les langue(s) déjà apprises par chacun.

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