Le second souffle de l’espéranto : comment une vieille langue utopiste est remise au goût du jour par les applications Internet<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
High-tech
Le second souffle de l’espéranto : comment une vieille langue utopiste est remise au goût du jour par les applications Internet
©Gideon Tsang

"Saluton !"

Vous ne devriez pas douter de la capacité d’Internet à faciliter la transmission culturelle.

Si la communauté espérantiste vous semblait naïve, sachez qu’elle est mue par une volonté proprement révolutionnaire – et Duolingo, le site d'apprentissage de langues, y contribue.

L’espéranto, mis au point en 1887 par le médecin polonais Ludwik Zamenhof, possède la particularité d’être très facile à apprendre : pas de verbes irréguliers, ni d’exceptions grammaticales, entre autres choses. Cela tombe bien : Zamenhof souhaitait qu’elle devienne une seconde langue maîtrisée partout dans le monde, afin de permettre à tous de communiquer entre eux.

Parmi les langues artificielles, l’espéranto est la plus célèbre, et compte à peu près deux millions de locuteurs (d’après le livre d’Akira Okrent, In the Land of Invented Languages) – souvent de vieux enthousiastes de plus de 50 ans, qui se permettent à nouveau d’être un peu idéalistes.

Or, le salut pourrait venir de Duolingo. L'application, qui revendique plus de 120 millions d’utilisateurs, est censée faciliter l’apprentissage des langues par un système de points distribués dans un environnement ludique. Au sein des propositions, le cours Anglais-Espéranto dénombre 333 000 inscrits, ce qui le place notamment devant l’Hindi, le Hongrois et le Coréen. Pour l’application, c’est une petite assiette, mais pour les enthousiastes de l’espéranto, c’est un très gros un coup de pouce.

L’espéranto, langue officielle ?

L’utopie de Zamenhof n’est pas autoritaire : il ne s’agit pas de substituer l’espéranto aux autres langues. Ceux qui proposent qu’il devienne la langue officielle des institutions européennes envisagent que chacun puisse s’exprimer dans sa langue maternelle, et qu’une seule traduction soit proposée : l’espéranto.

A l’échelle individuelle, les enthousiastes remarquent que l’anglais est une langue difficile à apprendre (à ce titre, cette vidéo du Youtuber linguiste Linguisticae est éclairante). D’après un sondage Eurostat de 2005, seulement 38% des citoyens de l’Union européenne affirment avoir des connaissances suffisantes en anglais pour tenir une conversation. Or, comme un bon niveau en cette langue constitue le premier critère de recrutement au sein des institutions européennes, il est à craindre que cela se fasse au détriment d’autres qualités propres à l’exercice de l’emploi.

Zamenhof n’en était pas moins profondément politique. Bourdieusien avant l’heure, il remarquait que l’existence d’une seule langue légitime impose des rapports de force symboliques, à partir du moment où elle est mieux pratiquée par un groupe que par un autre. De fait, une meilleure équité linguistique a toujours été au programme des pays émergents : Radio Chine International, la radio étatique chinoise, diffuse ses émissions en espéranto ; le Brésil soutient officiellement son apprentissage à l’école ; la Hongrie enseigne l’espéranto (et les principaux auteurs de littérature espérantiste sont hongrois), etc.

Ainsi, les amis de Zamenhof profitent de Duolingo pour espérer, à terme, contrebalancer le poids linguistique des Etats-Unis. Ce n’est pas pour demain, mais 333 000 locuteurs supplémentaires, c’est un bon début, non ?

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !