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Traitement comptable du chômage : et si la politique d'auto-justification de François Hollande relevait de la pathologie ?
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Pervers narcissique

La tiédeur ironique avec laquelle le monde de l'économie vient d'accueillir la manoeuvre grossière et coûteuse du Président sur le déguisement des chiffres de l'emploi s'est arrêtée à la clôture d'un terrain interdit: celui de la psychologie.

Christian Combaz

Christian Combaz

Christian Combaz, romancier, longtemps éditorialiste au Figaro, présente un billet vidéo quotidien sur TVLibertés sous le titre "La France de Campagnol" en écho à la publication en 2012 de Gens de campagnol (Flammarion)Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages dont Eloge de l'âge (4 éditions). En avril 2017 au moment de signer le service de presse de son dernier livre "Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos", son éditeur lui rend les droits, lui laisse l'à-valoir, et le livre se retrouve meilleure vente pendant trois semaines sur Amazon en édition numérique. Il reparaît en version papier, augmentée de plusieurs chapitres, en juin aux Editions Le Retour aux Sources.

Retrouvez les écrits de Christian Combaz sur son site: http://christiancombaz.com

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On dirait qu'il n'existe aucun rapport entre une dépense de deux milliards et la personnalité de celui qui fait le chèque. Dans un groupe industriel les actionnaires savent pourtant très bien que ce rapport existe. Ils surveillent les moindres foucades de leur exécutif.

Eh bien chez les éditorialistes du matin c'est le contraire. Dès qu'il s'agit d'appliquer la grille de la psychiatrie leur pudeur se hérisse. Ces intellectuels qui passent pourtant leur temps à peser leurs propres actions ou celles de leurs proches sur les balances des "motivations profondes" semblent incapables de s'apercevoir que François Hollande est gouverné par les siennes. Il est entré dans une dérive dont les dernières manifestations sont préoccupantes. Elles mettent désormais en contact direct la vie de la Nation avec le ressort intime que remontent périodiquement les narcissiques, la manipulation d'autrui à travers les faiblesses qu'on lui impute, sur le ton : "je suis le seul à savoir où je vais, mes prétendus échecs ne sont imputables qu'à l'insuffisance d'autrui".

Chez les entrepreneurs, cette attitude se traduit par l'obsession d'avoir raison contre le marché Elle les conduit à épuiser leur trésorerie plutôt que de se remettre en question. Là encore, une simple Assemblée générale parviendrait à juguler cette tendance avant qu'il ne soit trop tard. Mais en politique l'Assemblée générale n'a presque aucun pouvoir contre les dérives personnelles. L'équivalent de la trésorerie chez les politiques, c'est la popularité. Il faut préserver les apparences de l'aisance, de la stratégie, de la vision pour ne pas déchoir à titre personnel . Le tout, en déployant mille artifices comptables, en lissant les dettes d'une année sur l'autre, en reprenant les subventions que l'on vient d'attribuer aux uns pour les attribuer aux autres. Dans le cas de François Hollande, véritable Ponzi de l'aide publique, on se demande comment les as du commentaire se refusent à prendre en compte l'incroyable personnalisation des comptes de la nation dont il est coupable . Il ne s'agit plus de maquiller les chiffres du chômage, il s'agit d'employer deux milliards de dépenses à une entreprise purement personnelle d'auto-justification. On nous dit: "il veut être réélu", mais pas seulement. C'est moins banal et moins bénin qu'on ne le pense. Il veut surtout être rassuré sur lui-même aux dépens du pays ce qui est beaucoup plus grave. C'est là que le romancier, l'artiste, celui qui n'a que faire de la bienséance de l'éditorialiste, se doit de prendre le relais pour dire au Président "Non mais pour qui vous prenez-vous?"

On a coutume de mettre tout le monde dans le même sac en politique mais, à l'aune de la perversion narcissique, François Hollande est  très loin devant les autres. Pratiquement aucune de ses interventions des deux années écoulées n'oublie de faire mention de sa silhouette "devant la glace". C'est tellement grotesque qu'on se demande comment personne, à part Laurent Gerra n'a relevé cette image accablante du type les bras ballants devant son miroir qui veut être rassuré sur lui-même. " Je veux pouvoir me regarder dans la glace à la fin de mon mandat", répète t-il, thème d'ailleurs repris par son Premier ministre qui veut que la France puisse rester la plus belle dans le miroir des valeurs universelles. Ailleurs le Président (à propos de l'Afrique) nous dit : "je prends tous les risques à titre personnel pour que vous soyez protégés". On croit rêver. Mais il l'a vraiment dit. Pour un spécialiste c'est tellement limpide qu'on se demande comment personne n'ose invoquer la psychiatrie à son sujet.

J'entends bien les objections.

On prétend que ses rivaux ne valent pas mieux mais au moins, avec eux, on n'est pas dans la pathologie. Nicolas Sarkozy cherche à plaire à l'auditoire. Il est capable comme on l'a vu de dire à une assemblée entière "vous voulez entendre ceci plutôt que cela, eh bien je vous le dis!" C'est donc un démocrate plus sincère que celui qui met l'Etat au service de son miroir . Pour sa part il tend le miroir à la foule. Ce n'est peut-être pas toujours expédient, c'est souvent démagogue mais ce n'est pas illégitime. L'expérience prouve en outre que ça peut marcher.

Alain Juppé, dont la parole n'est ni claironnante ni même claire, a choisi, lui, d'objectiver les problèmes. Il se garde de compter sur son ineffable charisme, ce qui est sage. Cette position commode lui permet d'essayer de séduire les technocrates opportunistes chez ses adversaires. Nous voyons se constituer sous nos yeux une espèce d'île flottante centriste, de continent de mousse et d'écume semblable à celui qui surnage après les chutes d'eau dans les bassins pollués. Ce sont les médias qui le font mousser comme on le voit sur la couverture des hebdomadaires ou dans l'émission de Ruquier. Mais on concèdera qu'il est difficile de bâtir quelque chose sur de la mousse.

François Fillon, Dupont-Aignan, regardent ce qu'ils appellent la vérité en face et nous invitent à les imiter. Eux donnent dans le discours: "ne vous faites pas d'illusions sur la réalité, je ne veux pas vous flatter pour vous plaire". Du coup, fatalement, cela plaît moins. Leur continent a beau être plus solide que le précédent, il reste assez étroit.

Enfin Marine Le Pen semble dominée par une vérité supérieure, un principe immanent, ce qui est fréquent dans l'histoire de notre pays. Elle nous dit qu'elle voit loin mais on ne peut pas l'accuser de ne voir qu'elle-même.

L' accusation de narcissisme n'est donc applicable qu'à un seul homme en ce moment, ce président qu'on appelle "par défaut" sans se demander par défaut de quoi.

L'affect. Voilà ce qui lui manque. Il a connu très peu d'épreuves, il a toujours vécu dans l'aisance, on estime sa retraite à plus de 30 000 euros, il n'a aucun complexe, il n'éprouve rien, il ne sent rien. Il n'est même pas agacé par Manuel Valls parce qu'il le tient pour quantité négligeable comme tous les autres et pour une fois, il n'est pas impossible qu'il ait raison. Le témoignage de cette insensibilité foncière s'est manifesté plusieurs fois lors de ses interminables rencontres avec les Français à la télévision. Pour mémoire rappelons un seul de ces épisodes : un chômeur lui explique qu'il vient de décrocher son diplôme de capacité en Droit mais qu'il ne trouve pas de travail. Le président lui répond que ça tombe bien parce qu'il vient de mettre en place une formation pour les non-diplômés.

Mille exemples de cette surdité du coeur émaillent son parcours public. Il n'écoute que lui-même. Ses oraisons funèbres sonnent faux. Sa perception de la réalité souffre d'une distorsion permanente (qu'on se rappelle sa promesse de "récupérer tous les corps" lors d'un crash alors qu'il n'en restait presque rien). Ses indignations sont téléphonées. Sa bonhomie n'est que de façade, il passe son temps à monter des coups d'échecs en envoyant des pions dans le camp adverse, de plus en plus loin du réel, de la bienséance et, pour tout dire, de la raison.

La raison d'Etat, si elle s'écarte parfois de la morale, ne doit jamais s'écarter de la raison tout court . C'est pourtant ce qui nous guette.

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