De la difficulté (ou du choix ?) pour les femmes ultra diplômées à trouver l'amour<!-- --> | Atlantico.fr
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Une femme faiblement diplômée voire pas diplômée va "faire couple" et fonder une famille beaucoup plus tôt, 8 à 10 ans environ avant une femme qui a Bac+5.
Une femme faiblement diplômée voire pas diplômée va "faire couple" et fonder une famille beaucoup plus tôt, 8 à 10 ans environ avant une femme qui a Bac+5.
©Reuters

Bac+18

Une tendance sociologique écrasante montre que les femmes très diplômées sont plus souvent célibataires, et pour longtemps, contrairement aux femmes peu, voire pas diplômées. Pour ces femmes, les études brillantes et la vie professionnelle sont autant d'obstacles à la création d'une vie de couple.

Pascal Lardellier

Pascal Lardellier

Pascal Lardellier est professeur à l'université de Bourgogne, spécialiste du couple et du célibat. Les Réseaux du coeur. Sexe, amour et séduction sur Internet (F. Bourin, 2013) est son dernier livre paru sur le sujet.

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Atlantico : Vous avez récemment précisé que le nombre de célibataires a plus que doublé en France en trente ans, passant de 6 à 12 % de la population. Les femmes étant les premières concernées : elles sont 4,4 millions aujourd’hui contre 3 millions d’hommes. Y a-t-il donc d'abord un effet démographique ?

Pascal LardellierDisons que cela est lié à un ensemble de facteurs que l'on pourrait dire socio-historiques ou socio-démographiques. Les femmes restent beaucoup plus longtemps célibataires depuis que le salariat féminin s'est instauré. La femme a toujours travaillé mais bénévolement. Elle était liée au "chef de famille", pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Dès lors que la femme a acquis une indépendance financière et professionnelle, elle a été plus encline soit à s'assumer et à entrer en couple plus tard, soit à ne pas entrer en couple, voire à en sortir. 

Le célibat prolongé des femmes diplômées serait aussi dû à des exigences imposées par la vie professionnelle. Faire carrière et s'épanouir professionnellement demanderait-il un certain sacrifice de la vie personnelle ?

C'est un phénomène implacable d'un point de vue sociologique ; une femme faiblement diplômée voire pas diplômée va "faire couple" et fonder une famille beaucoup plus tôt, 8 à 10 ans environ avant une femme qui a Bac+5 (1). Donc on constate cette tendance incontournable, qui est que plus une femme a un niveau de diplôme élevé, plus elle a une propension à rester seule, ou en tout cas à rester seule longtemps. Plusieurs choses l'expliquent. Des critères endogènes, par exemple elle va se montrer plus difficile sur le choix du conjoint. Une femme diplômée va aussi parfois faire peur aux hommes, parce qu'à certains égards, elle va s'être attribuée ce qui faisait leur pouvoir : la liberté, l'indépendance, l'argent. Il y a des critères exogènes également : le fait qu'une femme qui fait des études va plutôt, en règle générale, se consacrer à sa trajectoire universitaire et professionnnelle d'abord. Elle va faire un stage, puis une, deux, trois années d'expérience professionnelle, avant de "faire couple" ou en tout cas de fonder une famille. De plus, il est vrai que les entreprises peuvent mettre la pression sur les femmes pour qu'elles ne partent pas tout de suite en congé maternité après l'embauche...

Peut-on considérer que l'indépendance économique et le statut social donnés par le travail rendent la vie de couple moins nécessaire et désirable ?

Le couple traverse une crise profonde, une crise socio-historique de désinstitution. On rentre dans le couple plus facilement, on n'est pas obligé de se marier pour faire couple, on sort du couple beaucoup plus facilement. L'époque où l'on restait pour les convenances ou les enfants est quasiment révolue. La montée de l'individualisme fait que les grandes institutions sont remises en cause et que les trajectoires d'autonomie des individus prévalent sur ce que l'institution pouvait cimenter auparavant. Les cadres normatifs ne sont plus les mêmes.

Dans quelle mesure le célibat des femmes diplômées est-il choisi ou subi ?

Dans le livre que j'ai écrit sur les mères célibataires (2), j'ai constaté que la plupart des femmes le vivaient comme un "sacerdoce heureux". Néanmoins c'est un sacerdoce choisi/subi. Les deux à la fois.

(1) Une étude de l'Insee, réalisée pour l'année 2006, a montré qu'à 40 ans, la proportion de femmes seules et sans enfant est deux fois plus importante chez les femmes diplômées du supérieur que chez les femmes non diplômées.

(2) Les célibataires. Idées reçues (Le Cavalier bleu, 2007)

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