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Le peer-to-peer, entre polyarchie sociale et planification vertueuse
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Bonnes feuilles

Pour la plupart des gens, le peer-to-peer évoque des réseaux où les utilisateurs peuvent échanger des documents. Michel Bauwens présente ici une vision bien plus large de ce concept qui est amené à s étendre à tous les aspects de la vie. En effet, pour la première fois dans l histoire, le peer-to-peer permet aux gens du monde entier de créer des choses ensemble une encyclopédie (Wikipédia), tout type d'objet (avec les imprimantes 3D) ou bien de financer des projets (avec le crowdfunding). Extrait de "Sauver le monde", de Michel Bauwens, publié aux Editions "Les Liens qui Libèrent"(2/2).

Michel  Bauwens

Michel Bauwens

Michel Bauwens est un auteur belge, spécialiste du peer-to-peer. Il figure sur la liste des 100 personnes les plus influentes pour un avenir durable et est le fondateur de la P2P Foundation.

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Le modèle de la production entre pairs est-il la démocratie ultime?

La production entre pairs n’est pas une démocratie, mais une polyarchie. C’est un système qui laisse énormément de choix à l’individu et élimine par conséquent les faux conflits, ce qui équivaut, à mon avis, à une innovation sociale importante. Les décisions sur l’attribution de ressources ne sont nécessaires que dans les domaines où il y a rareté. Pour ce qui est abondant, on n’a pas besoin de mécanismes d’attribution, donc pas non plus de marché, ni de démocratie, ni de hiérarchie. Il faut apprendre à distinguer les domaines où il y a de l’abondance et ceux où prévaut la rareté. Dans un monde d’abondance, les mécanismes post-démocratiques d’auto-attribution et d’agrégation sociale deviennent possibles, alors que dans un monde de rareté on dispose de trois manières d’attribuer des ressources: la démocratie, la hiérarchie et le marché. Dans la production entre pairs, les mécanismes suivants coopèrent généralement: la polyarchie dans les communs, la démocratie dans les associations sociales et solidaires, et le marché pour les entrepreneurs qui créent de la valeur autour des communs. C’est donc le modèle que je postule à grande échelle, car il prouve qu’il fonctionne à petite échelle.

Pour ce qui concerne le lien entre le marché et les communs, je répète ma proposition d’utiliser une licence où les commoners peuvent partager gratuitement, mais où les entités à but lucratif doivent payer. Cela crée une coalition d’entreprises éthiques autour des communs qui permet la stigmergie, donc une auto-attribution par des signaux, au niveau de la production physique. Chaque production matérielle dispose en effet d’une ramification immatérielle sous la forme de la comptabilité, de la chaîne d’approvisionnement, etc. Si des entreprises éthiques faisant partie de la coalition autour des communs rendent transparentes leur comptabilité et leur chaîne d’approvisionnement, tout le monde peut voir le niveau de production des autres entreprises et réagir en fonction. Cela permet de prendre peu à peu ses distances avec le pouvoir absolu des mécanismes du marché et des prix. Ce système n’est pas fondé sur le marché, ni sur la planification. On peut le considérer comme un mécanisme de marché spécifique du peer-to-peer, même si certains parlent aussi à ce sujet d’économie basée sur les ressources.

L’économie planifiée avait pour objectif de mettre fin à l’«anarchie» du marché, qui se caractérise par des périodes systématiques de surproduction et de crise. Pensez-vous que le peer-to-peer peut remplir cet objectif?

Je distingue trois sortes de planifications: la planification autoritaire comme on l’a connue en Union soviétique, la planification démocratique ou participative appliquée par exemple dans les pays scandinaves au niveau de l’urbanisation, et la planification stigmergique avec le p2p. On n’est plus obligé de réagir aux signaux qu’on reçoit, mais on peut aussi planifier en fonction de toutes les informations dont on dispose. Dans l’idéologie du marché qui domine, la planification est devenue un vilain mot. Pourtant, nous planifions tous dans notre vie quotidienne, et les pouvoirs publics et les multinationales ne cessent de planifier.

Extrait de "Sauver le monde" Michel Bauwens, publié aux Editions Les Liens qui Libèrent, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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