"Les Minions" pour les nuls (petit guide à l’usage des parents qui ne veulent pas mourir idiots)<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Minions sont des petits êtres jaunes, un peu gaffeurs, vivant en société homogène avec un langage incompréhensible.
Les Minions sont des petits êtres jaunes, un peu gaffeurs, vivant en société homogène avec un langage incompréhensible.
©Allociné / Universal Pictures International France

Petits jaunes

Ils n'étaient à la base que des personnages secondaires d'un long-métrage d'animation, ils ont maintenant leur propre film dédié. "Ils", ce sont les Minions, ces petits êtres jaunes, un peu gaffeurs, vivant en société homogène avec un langage incompréhensible. Et s'ils débordent dans la culture pop, c'est parce que leur personnalité est bien plus profonde qu'elle n'en a l'air.

Jean-Philippe Zanco

Jean-Philippe Zanco

Jean-Philippe Zanco est professeur de SES au lycée, et correcteur au concours commun aux IEP de région. Il est l'auteur de La société des super-héros : économie-sociologie-politique (Ellipses 2012)"

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Atlantico : Les Minions font leur grand retour au cinéma, avec un film prévu pour le 8 juillet 2015. Ces petits hommes jaunes captivent les plus jeunes, mais pas seulement, la pop culture se les étant également appropriés. Qui sont-ils ?

Jean-Philippe Zanco : Les Minions sont de petites créatures jaunes qu'on a découvert en 2010 dans le film de Moi, Moche et Méchant (Despicable Me). C'est Pierre Coffin, le co-réalisateur du film, qui a imaginé les Minions comme des ouvriers dociles mais maladroits qui seraient à la fois les faire-valoir du méchant, Gru, et son capital de sympathie. A l'évidence, ils tiennent pour beaucoup dans le succès du film.

Depuis 2010, effectivement, le succès grandissant des Minions a permis de les retrouver dans de multiples supports de la culture pop : figurines, jouets, cartes, bandes dessinées, jeux vidéos, publicités, sans compter les produits de consommation courante : friandises, et même nuggets. Les petits personnages n'ont pas tardé à sortir des bornes de la culture "enfants" pour être récupérés par la culture geek, en témoigne la "minionisation" de super-héros Marvel, ou de personnages de l'univers Star Wars. Il existe des dizaines de sites Internet construits sur le principe du "make your minion", où les fans rivalisent d'imagination à détourner leurs personnages favoris en zombies ou en pop-stars.

Peut-on parler d'un vrai groupe social virtuel ? Les Minions semblent être tous de sexe masculin, s'expriment dans une langue qui leur est propre et vivent en groupe. Une des clefs de la compréhension de ce phénomène ? Jamais un dessin animé n'avait à ce point touché au-delà du public qui lui était destiné en premier lieu.

Les Minions sont fortement similaires : ils pourraient incarner de façon caricaturale une micro-société construite sur ce que les sociologues appellent la solidarité "mécanique", c'est-à-dire un lien social basé sur une forte conscience collective et une faible différenciation des individus. De fait, les Minions n'existent que collectivement, ils ne se différencient que par d'infimes détails : certains ont deux yeux, d'autres un seul œil, mais ils sont tous des allures d'oeuf Kinder (je parle de l'oeuf en plastique jaune à l'intérieur de l'oeuf en chocolat). En ce sens, les Minions me font beaucoup penser aux Schtroumpfs, dont ils s'inspirent peut-être, et avec lesquels ils partagent de multiples caractères : la petite taille, la couleur de peau exotique, la similitude physique, sans compter le langage incompréhensible.

S'ils sont individuellement maladroits et passablement idiots, les Minions peuvent-ils ensemble faire naître une véritable intelligence collective ? J'aime bien imaginer que les Minions sont une métaphore de nos échanges sur les réseaux sociaux, et d'ailleurs, leur visage (yeux ronds, bouche large, pas de nez, pas d'oreilles) évoque très fortement les smileys dont on use et abuse. Il existe tout un courant actuel en psychosociologie et en siences cognitives selon lequel les nouveaux moyens de communication contribueraient, au-delà de la futilité apparente des échanges virtuels, à créer une véritable intelligence collective porteuse d'une nouvelle forme de démocratie participative. Les Minions répondent clairement à cette problématique : l'imbecilité agglomérée ne crée pas de l'intelligence, en témoignent (à voir la bande-annonce du futur film) les ratages répétés des Minions dans leurs tentatives répétées à "protéger" les grands méchants de l'histoire de notre planète.

Qu'est ce qui différencie les Minions des autres personnages de dessins animés tout aussi connus ?

Première caractéristique des Minions qui les rend immédiatement identifiables : précisément, ils ne ressemblent à rien. Vaguement humanoïdes certes parce qu'ils ont deux bras et deux jambes. Mais sont-ils des êtres vivants ? Des robots ? Des créatures clonées ? Des microbes géants ? Les films n'apportent pas vraiment de réponse. Deuxième caractéristique : leur langage. Les Minions parlent un sabir à la fois familier et inintelligible (comme le langage schtroumpf), où l'ont reconnaît des mots ou des bribes de phrases, mais dont la compréhension repose essentiellement sur l'intonation, le contexte et l'attitude physique des créatures : le comique des Minions est un comique burlesque.

J'ai déjà évoqué les schtroumpfs, mais les Minions ont des concurrents beaucoup plus proches : les Lapins Crétins. Les Lapins Crétins et les Minions partagent beaucoup de points communs : graphiquement, d'abord (yeux globuleux, bouille ronde, petite taille), mais aussi d'un point de vue culturel et comportemental : on retrouve chez les deux types de créatures le langage baragouiné, la grégarité et la propension aux blagues régressives. Comme les Minions, les Lapins Crétins se caractérisent par une forte conscience collective et sur la similarité : d'ailleurs, les uns comme les autres n'ont pas de noms à titre individuel. La différence essentielle réside précisément dans l'objectif de cette conscience collective : les Minions recherchent l'ordre, incarné par un "chef" suprême le plus méchant et le plus détestable possible, alors que les Lapins Crétins ne cherchent que le chaos. Politiquement, les Lapins Crétins ne sont pas des anarchistes, car, au sens proudhonien, l'anarchie n'est que l'absence de pouvoir central, elle n'exclut pas un ordre social construit sur la réciprocité, l'égalité des individus, et l'entraide : ce sont juste des parasites destructeurs qui ne vivent et ne jouissent que dans la désolation et le désordre. Tout au contraire, les Minions seraient les sujets parfaits pour un dictateur ou un monarque absolu : dociles, conformistes, ordonnés, leur fascination pour l'autorité les rend même un peu suspects...

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