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Les dashcams débarquent sur les routes françaises : ces caméras embarquées qui vont changer votre manière de conduire
©Capture

Tuteur ou mouchard ?

Le nombre de dashcam – ces caméras embarquées dans un véhicule – vendues en France explose. Permettant de filmer toute sa conduite, de visionner et de partager des vidéos, elles inaugurent sans aucun doute une nouvelle approche dans la manière d'évoluer sur les routes. Mais gare cependant aux nouvelles problématiques soulevées, pour lesquelles les réponses apportées restent floues.

Eric Bataille

Eric Bataille

Eric Bataille est le fondateur de Drivepad.fr, un site pour informer l'automobiliste sur l'entretien de son véhicule : maintenance, réparations, alertes (contrôle technique, renouvellement de l'assurance...). Il a auparavant été directeur général d'AutoScout24 France, site d'annonces automobiles.

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Atlantico : Les dashcams connaissent un boom spectaculaire : près de 370 000 unités ont été vendues cette année, alors qu'il n'y en avait que 50 000 il y a trois ans. On les connait surtout parce qu'elles permettent de saisir des événements et accidents spectaculaires, à l'image du crash tragique de l'avion TransAsia début février. Mais au-delà de cet usage, quels peuvent être les avantages du recours à ces dashcams pour les automobilistes?

Eric Bataille : Les dashcams peuvent servir de coaching dans le cadre de l'apprentissage de la conduite en prenant appui sur les images enregistrées de la conduite du jeune. Un professionnel qui pourrait suivre la manière dont conduit un jeune avec cet outil lui montrera les points où il s'est trompé, a mal anticipé… Si c'est fait par des professionnels – plutôt que les parents – cela a un sens. En dehors de ça, je ne vois pas comment ça peut améliorer la conduite. Cela n'améliorera pas la conduite de celui qui conduira bien, celui qui conduira mal ne cherchera pas à se munir d'une dashcam. Donc, au-delà de la question de l'apprentissage, je ne vois pas vraiment comment cela pourrait avoir une vraie utilité quantifiable.

Aujourd'hui la législation française, n'est pas claire, mais prend en compte la dashcam comme élémént de preuve dans le cadre d'un accident, notamment car on peut de bonne foi ne plus se souvenir de tous les détails d'un sinistre. La justice peut être aussi amenée à se servir des vidéos prises par ces dashcams, à condition qu'elles soient horodatées, géolocalisées (avec les coordonnées de positionnement GPS), le tout vérifié et vérifiable avec un outil récemment contrôlé. Ce pourrait être un élément de preuve, mais dans les faits ça ne l'est que rarement. Il s'agit plutôt d'un élément encore complémentaire. Les sociétés d'assurances, elles, ne listent pas encore officiellement les images de dashcams comme un élément de référence. Au cas par cas, c'est à l'appréciation du juge ou de l'assureur.

On a un peu le mirage technologique qui peut résoudre tous les problèmes avec cette dashcam, mais la conduite c'est d'abord du comportement. Et on peut même entrevoir des effets négatifs dus à l'aspect "technologique" de cette caméra. Certes, aux Etats-Unis où de plus en plus de voiture sont maintenant équipées de dashcams, ou du moins d'une boîte noire, le phénomène "big brother" est perçu comme plus acceptable.  En Europe, et aujourd'hui en France, on ne peut pas dire que l'on ignore que les accidents de la route touchent d'abord les jeunes, et que l'alcool est l'une des principales raisons, avec la vitesse excessive ou inappropriée, sans parler des piétons ou des motos. Et ces derniers en plus, n'auront pas de dashcam par définition… Quand on parle de 3000 accidents mortels, la moitié seulement concerne des conducteurs de voitures. Et la France est déjà largement contrôlée entre les radars automatiques, les radars embarqués dont le volume va augmenter... Malgré les pics saisonniers de fin d'année, on voit bien que la sécurité s'améliore, notamment grâce à la qualité des voitures. Et les dashcams n'y sont évidemment pour rien…

Ces dashcams peuvent-elles conduire à une responsabilisation des automobilistes et induire une diminution du nombre d'accidents ?

Qui va mettre une dashcam dans sa voiture pour être plus responsable ? Sans doute quelqu'un qui conduit déjà bien. Ou alors un "voyeur" qui va apprécier de pouvoir tout filmer, et qui vont chercher à terme le sensationnel pour le publier. Je ne suis donc pas sûr que cela responsabilise plus que cela. C'est illusoire de croire que la responsabilisation va être accru par ces dashcams autrement qu'à la marge.

Quels sont les enseignements des pays étrangers où l'usage des dashcams est déjà généralisé ?

En Russie c'est devenu quasiment obligatoire. Si vous avez un accident dans ce pays, vous devez prouver que vous n'êtes pas responsable. Cela a dnc permis une rapide diffusion des dashcams notamment pour lutter contre le phénomène des gens qui se jettent sous les rues des voitures pour récupérer ensuite de l'argent. Les Etats-Unis, eux, ont rendu la boîte noire obligatoire depuis 2015, la dashcam va donc se développer assez naturellement. L'Europe est-elle aussi en train de réfléchir à la boîte noire. On voit que s'accélère la logique d'équiper les voitures d'équipements pouvant transmettre des données. Et malheureusement, on sait que ce genre d'appareils ne sont pas encore fiables à 100%. En tout cas, on a pas pour l'instant de statistiques sur l'effet des dashcams. Il semble cependant que les boîtes noires, elles, aient déjà un impact positif.

Quels peuvent être les inconvénients de ce type d'équipement ?

Premièrement, il y a beaucoup de points d'interrogation juridique. La vidéosurveillance reste quelque chose de très surveillée, et cela pose des questions sur les images des dashcams : déclaration à la CNIL, temps de stockage des images, déclaration de la zone surveillée…Vous avez le droit de filmer dans la sphère privée, mais publier sur une page Facebook nécessite de flouter les images ou d'avoir l'accord des gens montrés dans la vidéo. En principe, un particulier n'a pas à déclarer la présence de sa dashcam, alors qu'un professionnel (un taxi par exemple) si.

Il faut imaginer de plus la problématique à grande échelle : si tous les véhicules sont équipés de dashcams, cela veut dire que la route devient un espace filmé en permanence. Cela pose encore une fois la question de la vie privée : en tant que piéton ou véhicule, vous pouvez vous retrouver filmé en permanence si le dispositif se généralise. On peut imaginer ce que cela donne si l'on décide de publier la vidéo de personnes connues que l'on aurait filmé par hasard… Les images peuvent très vite se retrouver sur le web et le mal est fait. Et comme il n'y a aucune barrière pour l'instant…

L'autre gros risque ce sont les compagnies d'assurances. Quand vous êtes assuré aujourd'hui, vous rentrez dans une mutualisation du risque. Demain, on va pouvoir segmenter les comportements, définir des profils précis, et exclure des assurés au comportement inadapté. Ce n'est pas du tout l'objet des assurances actuellement, mais la dashcam pourrait tout changer. Actuellement, si vous avez un accident sans être responsable, c'est celui qui a causé l'accident qui est responsable et c'est son assurance qui paiera. Si demain, vous vous faites rentrer dedans, mais les caméras montrent que vous n'étiez pas tout à fait attentif, les images peuvent le démontrer et la partie adverse reprochera que vous n'ayez rien fait pour éviter l'accident. Et vous pourrez voir votre assureur se retourner contre vous. 

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