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Tous en voitures sans chauffeur dans 20 ans : l’hypothèse moins folle qu’il n’y paraît
©REUTERS/

Simone enfin tranquille

Le 27 mai dernier, Google présentait son prototype de voiture sans chauffeur. Une révolution qui pourrait bien devenir la norme un jour.

Jean-Gabriel Ganascia

Jean-Gabriel Ganascia

Jean-Gabriel Ganascia est professeur à l'université Pierre et Marie Curie (Paris VI) où il enseigne principalement l'informatique, l'intelligence artificielle et les sciences cognitives. Il poursuit des recherches au sein du LIP6, dans le thème APA du pôle IA où il anime l'équipe ACASA .
 

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Atlantico : D'après le blog de la marque, un simple bouton serait suffisant pour se rendre d'un point à un autre. Concrètement, comment fonctionnent ces véhicules ?

Jean-Gabriel Ganascia : Ces véhicules sont équipés d’agents intelligents qui font office de chauffeurs et conduisent seuls, comme des pilotes automobiles. Pour y parvenir, ils disposent de capteurs qui leur donnent des informations sur leur environnement, à savoir sur la route, plus ou moins étroite, plus ou moins droite, plus ou moins chaotique, sur la circulation, plus ou moins dense, et sur les obstacles qui se présentent ou sont susceptibles de se présenter. A partir de ces informations, ils se construisent une représentation de leur environnement, puis ils font appel à des techniques d’intelligence artificielle pour déterminer les actions à accomplir : tourner à gauche ou à droite, freiner, accélérer, mettre les clignotants, etc. Bref, ce sont des robots, au sens étymologique de travailleurs artificiels, qui, si vous leur indiquez une destination, remplacent des chauffeurs et conduisent à leur place pour vous mener à bon port.  

Quelles sont les avancées que l'on peut attendre à la suite d'une évolution pareille ? Des taxis sans chauffeur, d'ici 20 ans, cela serait possible ?

Si des scientifiques montrent, de façon irréfutable, la fiabilité des dispositifs de pilotage automobile, on peut penser que des autoroutes ou des routes à grande circulation autoriseront la conduite automatique. En effet, on sait que la plupart des accidents sont dus à des déficiences humaines : inattention, endormissement, etc. Rien ne s’oppose donc à ce que dans des conditions bien établies, le pilotage automatique, devienne plus fiable et moins générateur d’accidents que la conduite humaine. 

Quand bien même le processus est automatisé, il reste un certain nombre de situations où l'attention d'un conducteur est indispensable : quand bien même il ne s'agit que d'appuyer sur un bouton pour provoquer l'arrêt, encore faut-il être réveillé. Quelle serait, en définitive, la part de l'homme dans ces mécanismes robotisés ?

Il est bien difficile de savoir ce que sera la part de l’homme dans ces mécanismes robotisés. On peut imaginer qu’il aura toujours pour charge d’indiquer la destination. Pour le reste, tout est ouvert. On peut cependant penser que, de même que le pilotage automatique des avions remplace l’homme dans certaines phases de vol seulement, de même, la conduite automatique se fera d’abord dans certaines phases, tandis que dans d’autres, en particulier pour la conduite en ville lorsqu’il y a beaucoup d’embouteillages et de piétons, l’homme restera le maître du véhicule. D’ailleurs, dès aujourd’hui, il existe sur certaines voitures des dispositifs qui font des créneaux automatiquement, ce qui correspond à certaines phases de la conduite.

De plus en plus d'Etats américains tendent à modifier leurs lois en conséquences, pour intégrer des aspects propres aux voitures sans chauffeurs. Dans le cadre d'un accident, où se situerait la responsabilité ?

Bien évidemment, l’une des questions posées par les robots en général, et par les automobiles robotisées en particulier, porte sur la responsabilité en cas d’accident. En effet, le conducteur ne pourra plus être responsable, puisqu’il n’y aura plus de conducteur. On peut imaginer que ce soit le propriétaire de la voiture ou son concepteur, ou encore son fabriquant… Qui plus est, si les occupants de la voiture peuvent reprendre la main, ils auront alors eux-aussi une part de responsabilité pour ce qu’ils auraient été en mesure d’anticiper. Il y aura certainement, à l’avenir, beaucoup de débats sur ce point.

S'il advenait qu'un véhicule soit contraint à l'accident, par défaut d'autre possibilité, comment réagirait l'ordinateur de bord ? Une logique de "moindre dégât" ne représente-t-elle pas un danger, en plus de répondre à des règles éthiques assez singulières ?

C’est là une question passionnante pour le technicien : au cas où l’accident deviendrait inévitable, le système serait-il en mesure de se conduire comme un homme et d’arbitrer entre les différents futurs possibles, pour choisir le "moindre mal" ? Plusieurs chercheurs travaillent actuellement sur la conception d’agents intelligents capables d’affronter des conflits éthiques de cet ordre. Cela fait l’objet de mes propres recherches. Il existe même un projet de recherche financé actuellement par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) – le projet ETHICAA – et qui vise à la conception d’agents autonomes à même de prendre en considération des critères éthiques pour prendre des décisions d’action.

En 1908, la première Ford T sortait des usines, et son concepteur envisageait avant tout de banaliser le principe de voiture, pour mieux la vendre. Dans quelle mesure Google applique un tel concept à sa propre voiture robotisée, au travers de son design ?

A l’époque, les voitures étaient peu répandues et la popularisation des première Ford T eut des conséquences majeures sur la société américaine : on construisit des routes et des autoroutes, puis on déplaça les usines, les universités, etc. en prenant en considération l’existence de la voiture automobile. Je ne suis pas certain que la voiture robotisée ait un impact aussi important. Mais, même si ce n’est pas le cas, il faudra que les hommes se familiarisent avec l’idée d’une voiture autonome qui se conduit d’elle-même. Cela passera certainement par un changement de mentalité et, aussi, par un changement d’attitude vis-à-vis de la voiture. Et, je suppose que Google a déjà réfléchi au design de cette nouvelle voiture qui devra par sa forme, nous inspirer confiance au point que nous nous en remettrons entièrement à elle pour le temps du voyage…

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