PIB et décibels : le heavy metal, indicateur quasi infaillible de la richesse d'un pays <!-- --> | Atlantico.fr
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Le groupe de heavy-metal Metallica en concert
Le groupe de heavy-metal Metallica en concert
©Reuters

Cri de colère des pays riches

On s'imagine toujours que ce sont les ados des classes défavorisées qui écoutent du heavy metal. Et pourtant... Une carte, basée sur des données extraites de l'Encyclopedia Metallum, montre que c'est surtout dans les riches pays d'Europe du Nord que ce genre musical est le plus populaire.

Les genres de musiques populaires naissent souvent en fonction de situations sociales précises. Le jazz est né au début du 20ème siècle des Afro-américains de la Nouvelle Orléans qui l'ont ensuite exporté dans les grandes villes. Le rock'n'roll, mélange de jazz, de blues et de country a été créé par les Américains à la fin de la seconde guerre mondiale. Des décennies plus tard, le hip-hop et le rap ont vu le jour dans les ghettos noirs et latinos de New-York. Le heavy metal, lui, est un cas à part. Né en 1960 des enfants des classes ouvrières qui vivaient dans des villes désindustrialisées comme Birmingham en Angleterre. Aujourd'hui encore, le cliché selon lequel seuls les enfants des classes défavorisées écouteraient du heavy metal à fond les oreilles est tenace. 

La carte ci-dessous se base sur des données extraites de l'Encyclopedia Metallum. Elle référence le nombre de groupes de heavy mal pour 100 000 habitants. Et il s'avère que le genre n'est pas si populaire que ça dans les lieux désindustrialisés où il est né. En revanche, il est extrêmement apprécié dans les pays scandinaves, pourtant réputés pour leur richesse et leur niveau de vie aisé. La Finlande, notamment, est très réputée pour ses groupes de heavy metal dont beaucoup sont aujourd'hui des réferences dans le monde entier. Lors du concours de l'Eurovision en 2005, le pays avait même envoyé le groupe de heavy metal Lordi pour le représenter ! Et Lordi a gagné. 

Il y a quelques années, la plupart des commentateurs se plaisaient à expliquer que le heavy metal était un reflet des longues et froides nuits d'hiver des pays d'Europe du Nord. La furie de la musique et la violence des paroles évoquait pour eux le passé païen des Scandinaves. Quelqu'un expliqua même que c'etait dans les lieux où le taux d'alcoolisme était le plus élevé qu'on écoutait le plus de heavy metal.  

Mais un article a fait la différence. Dans “Black Metal Nation: What do Norwegian Dirtheads and Richard Perle Have in Common?”, le journaliste Mark Ames présente le heavy metal comme l'identité des ados scandinaves qui frémit derrière la légendaire civilité de l'Europe du Nord. "La Norvège n'est pas seulement une société sans aucun sens de l'humour, c'est aussi une société profondément oppressante, d'une façon fade, pieuse, social-démocrate", écrit-il sans détour, ajoutant que les métaleux vivent leur ennui comme une "véritable souffrance". Si l'on suit cette logique, le heavy metal pourrait en fait être le produit des sociétés riches. Il serait une sorte de contrecoup culturel pour les privilégiés.

Richard Florida, du CityLab, et sa collègue Charlotta Mellander, ont étudié les connexions entre le heavy metal et les facteurs sociaux économiques. Charlotte Mellander, qui est Suédoise, attribue notamment la prolifération de groupes de métaleux en Scandinavie aux efforts des gouvernements pour enseigner la musique à l'école. En effet, ce programme scolaire aurait engendré une génération disposant de capacités musicales à la hauteur des exignces techniques du métal. (Comme l'a écrit The Atlantic en octobre dernier, cela a également aidé l'Europe du Nord à exceller dans la music pop).

Par ailleurs, Richard Lab et Charlotta Mellander ont découvert que le nombre de groupes de heavy metal pour un pays donné était corrélé avec la richesse et l'abondance. Attention, cela demeure une simple corrélation ! A un niveau national, le nombre de groupes de heavy metal par habitant est positivement associé avec le rendement économique par habitant (71), le niveau de créativité (71) et d'entreprenariat (66), la part des adultes qui ont été diplômés de l'université (68), le niveau de développement humain (79) , et le bien-être et la satisfaction dans la vie (60).  

Ainsi, le métal a beau être la musique préférée de quelques personnes issues de classes sociales défavorisés, il est bien plus apprécié chez les catégories développées, éduquées et tolérantes. Aussi étrange que cela puisse paraître, il ne vient pas de l'aliénation et du désespoir mais du sol limoneux de la prospérité post-industrielle. Et il y a une certaine logique la-dedans. Car si les nouveaux styles musicaux naissent chez les groupes marginalisés ou défavorisés, ce sont les sociétés riches qui disposent de médias et d'entreprises en mesure de propager les nouveaux sons. De même, ce sont les jeunes consommateurs aisés qui peuvent les acheter. 

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