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Pourquoi les ventes d’art contemporain enchaînent les records
©REUTERS/Toby Melville

Mazette

Le marché de l'art contemporain se porte très bien et enchaîne les records. Le 13 mai, Christie’s a organisé la plus grande vente de son histoire, avec 745 millions de dollars de recettes. Les pièces maîtresses étaient signées Barnett Newman et Francis Bacon.

Philippe Herlin

Philippe Herlin

Philippe Herlin est chercheur en finance, chargé de cours au CNAM.

Il est l'auteur de L'or, un placement d'avenir (Eyrolles, 2012), de Repenser l'économie (Eyrolles, 2012) et de France, la faillite ? : Après la perte du AAA (Eyrolles 2012) et de La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? chez Atlantico Editions.

Il tient le site www.philippeherlin.com

Voir la bio »

Atlantico : Le 13 mai, Christie's a enregistré un chiffre d'affaires record de 745 millions de dollars. En mai 2013, la célèbre maison de ventes avait déjà battu des records en réalisant un chiffre d'affaires de 495 millions de dollars, surpassé par la suite par 691,6 millions de dollars de vente en novembre. Les œuvres achetées sont majoritairement contemporaines. Quelles sont les motivations des acheteurs à acheter principalement des œuvres de ce courant artistique ? S'agit-il de l'une des dernières opportunités d'investissement ?

Philippe Herlin : Le marché de l'art se porte très bien, mais tout spécialement l'art contemporain, pourquoi ? Parce qu'il agit comme un signe de reconnaissance sociale entre les multimillionnaires à travers le monde. Il a incontestablement une part de snobisme (comme les yachts). En outre, c'est essentiellement de "l'art conceptuel", c'est à dire que ça joue sur une idée, un clin d'oeil, il n'y a donc pas vraiment besoin d'une grande culture artistique pour "entrer" dans l'oeuvre. Comprendre une nature morte du XVIIIe siècle nécessite un certain bagage culturel et historique, alors que s'extasier devant une statue de Jean-Paul II écrasé par une météorite (une oeuvre de Maurizio Cattelan) relève du simple trait d'esprit ; ça convient donc tout à fait aux nouveaux riches.

Quels sont les avantages à investir dans l'art contemporain ? Quels sont les risques ? 

A moins de taper dans les grands noms déjà consacrés, c'est un marché très spéculatif. Il faut le faire si on s'intéresse vraiment à l'art contemporain, qui est extrêmement varié (il n'y a pas que de l'art conceptuel), mais pas pour des raisons uniquement financières. Comme ça, si vous perdrez de l'argent, il vous reste au moins le plaisir du collectionneur qui peut contempler ses oeuvres. C'est un "investissement-plaisir", mais si on a la fibre, il ne faut pas hésiter.

Quelles sont aujourd'hui les autres opportunités d'investissement de ce type ?

L'art appartient à la catégorie dite des "actifs réels", c'est à dire qui possèdent une valeur intrinsèque, qui ne sont la contrepartie de personne. Ceci par opposition aux "actifs papier" dont la valeur dépend de ce sur quoi ils sont adossés (l'assurance-vie adossée aux emprunts d'Etat, les actions aux entreprises). Un contrat d'assurance-vie c'est concrètement un bout de papier qui peut valoir zéro si l'Etat fait défaut sur sa dette, alors qu'un tableau vous l'avez en main propre, et il vaudra toujours quelque chose si l'artiste est reconnu. Les autres types d'actifs réels sont l'immobilier, l'or, les matières premières, les terrains agricoles. Citons aussi les voitures de collection, les planches originales de BD...

Que dit cette tendance d'investissements sur l'état de l'économie en général ? 

Il y a incontestablement un mouvement vers les actifs réels en général depuis la crise de 2008 (et même avant pour l'or ou l'art justement) et cela traduit une crainte face au système bancaire qui a été proche de l'effondrement au moment de la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008. Et nous ne sommes pas vraiment sortis de cette crise, les banques centrales ont surtout fait tourner la planche à billets, mais rien n'est réglé sur le fond, les faillites bancaires sont toujours possibles, on l'a vu à Chypre en avril 2013, et d'autres pays peuvent être touchés. Dans ce cadre, diversifier son épargne dans des actifs réels relève d'une sage précaution.

Les deux plus grosses ventes concernent deux œuvres d'artistes américains, à savoir Black Fire I de Barnett Newman et Three Studies of a portrait of John Edwards de Francis Bacon. Ces deux œuvres ont rapporté à elles seules 165 millions de dollars. Que comprend ces prix faramineux ? S'agit-il de la réelle valeur de l'art ?

Ce qui explique aussi le succès de l'art contemporain c'est un phénomène tout bête, évident : la raréfaction des oeuvres. Les grands noms du passé sont dans les musées et ceux-ci ne vendent pas ! Impossible ou presque, désormais, d'acheter un Vermeer, un Watteau, un Delacroix, etc. Alors que pour les artistes actifs après la Deuxième Guerre mondiale, nombre de leurs oeuvres se trouvent encore dans des collections privées, c'est à dire qu'elles sont susceptibles un jour de revenir sur le marché. D'où le succès en salle des ventes des grands artistes d'après guerre comme Barnett Newman ou Francis Bacon. Maintenant sur le cotes qui montent pour des artistes vivants, sur lesquels le "temps" n'a pas fait son oeuvre, il faut redoubler de prudence...

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