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Non, les prix de l'art n’annoncent pas les crises
©Reuters

Projections

Et si l'augmentation du cours de l'action des objets d'art permettait d'annoncer les bulles économiques ? C'est en tout cas ce que pense Jim Chanos, vendeur à découvert, qui a étudié le cours de Sotheby's, la célèbre maison de vente aux enchères.

Philippe Herlin

Philippe Herlin

Philippe Herlin est chercheur en finance, chargé de cours au CNAM.

Il est l'auteur de L'or, un placement d'avenir (Eyrolles, 2012), de Repenser l'économie (Eyrolles, 2012) et de France, la faillite ? : Après la perte du AAA (Eyrolles 2012) et de La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? chez Atlantico Editions.

Il tient le site www.philippeherlin.com

Voir la bio »

Source : Business Insider

Atlantico : Jim Chanos, vendeur à découvert, a remarqué que dès que le cours de l'action de Sotheby's, la célèbre maison de vente aux enchères, augmente, une bulle économique n'est pas loin d'éclater, voire éclate. Les prix sur le marché de l'art sont-ils un bon moyen de prédire une crise ? Pourquoi ?

Philippe Herlin : Le cours de l'action Sotheby's suit, et a même tendance à amplifier, le mouvement général des actions. Si on prend le Dow Jones ou le Nasdaq, on obtient le même genre de figure. Mais il ne s'agit pas du marché de l'art, qui a passé sans encombre la crise de 2008. Jim Chanos interprète le cours de Sotheby's comme un indicateur de ce que font les "1%" les plus riches, les "0,1%" même, pourquoi pas.

Mais moi je ne regarderai pas le cours de l'action mais les prix sur le marché de l'art. Posons les choses, il faut bien faire la distinction entre les actifs papier et les actifs réels parce qu'ils réagissent différemment, surtout en cas de crise. Les actifs papier (actions, obligations, produits titrisés et synthétiques type subprimes) peuvent faire faillite si l'entreprise ou l'emprunteur font défaut, et à l'inverse, en période d'euphorie, surtout si la banque centrale fait tourner la planche à billets, ce qui est le cas de la Fed, leurs cours peuvent monter plus que de raison. Le Dow Jones a dépassé son niveau d'avant la crise de 2008, alors que l'économie américaine ne va pas mieux, nous sommes à l'évidence dans une bulle, attention aux dégâts... Les actifs réels (art, or, immobilier, matières premières, terres agricoles) peuvent voir leur prix baisser en cas de crise, mais pas tomber à zéro parce qu'ils ont une valeur intrinsèque. La cote de Picasso peut baisser, pas pas s'écrouler, alors que nombre de grande entreprises ou d'Etats font défaut lors d'une crise. Le fait que les prix de l'art, de l'or, des matières premières se maintiennent ou augmentent depuis 2008 indique que de plus en plus d'investisseurs passent des actifs papier aux actifs réels, et ils ont bien raison !

Dans le détail, quels sont les secteurs d'activité où la corrélation est la plus forte (cf. nouvelles technologies) ? Comment expliquer cette relation ?

Justement, il faut se méfier des corrélations, parce qu'elles changent avec le temps. Aux Etats-Unis, dans les années 50 et 60, General Motors servait de témoin de la forme de l'économie, ce n'est bien sûr plus vrai aujourd'hui. En France on aime bien la formule "quand le bâtiment va, tout va", ceci dit elle marche plutôt pas mal en ce moment, les mises en chantiers chutent, le PIB se traine autour de zéro. Nos économies d'Europe et d'Amérique du Nord sont surtout tirées par la consommation des ménages, c'est de ce côté qu'il faut regarder et, par exemple, le secteur agroalimentaire en France a connu un recul sans précédent en 2013, ce qui est très inquiétant.

Quels autres secteurs d'activités a priori déconnectés des aléas classiques du marché, comme l'art, agissent aussi comme avertisseur de crises plus globales ?

C'est l'or bien sûr, la monnaie ancestrale, la réserve de valeur universelle. Sa forte progression à partir de 2000 a clairement indiqué la bulle de crédit artificielle qui croissait alors (subprimes, baisse des taux de la Fed). Cependant le marché de l'or fait l'objet de déstabilisations récurrentes de la part des banques centrales et des grandes banques d'affaires qui leur sont liées, le cours est poussé a la baisse pour ne pas faire apparaître la perte de valeur des monnaies papier, dont le dollar. Pendant longtemps, les défenseurs de l'or qui expliquaient cela passaient pour des hurluberlus, désormais on en a la preuve, des procès sont ouverts (de même que sur le Libor et le marché des changes, tout ceci est extrêmement grave, mais c'est un autre problème). Ceci dit, sur le long terme l'or demeure évidemment un indicateur à suivre. D'ailleurs depuis quelques mois il se remet tranquillement à remonter... Conclusion, achetez un Picasso, ou un peu d'or, c'est une très  bonne sécurité.

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