Total débordé ? Pourquoi les gens qui pensent qu’ils n’ont plus le temps de rien s’auto-intoxiquent<!-- --> | Atlantico.fr
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Le temps c'est de l'argent
Le temps c'est de l'argent
©Reuters

Tous pressés ?

Le sentiment que le temps ne suffit plus à contenir toutes nos activités est de plus en plus commun, au point de devenir un vrai problème de société. Pas sûr pourtant que cela corresponde à la réalité.

 Odile  Chabrillac

Odile Chabrillac

Naturopathe et psychanalyste, Odile Chabrillac est l’auteur du « Petit Eloge de l’ennui » et « Arrêter de tout contrôler » (Editions Jouvence). Formatrice et conférencière, elle a co-créé le site internet thedifferentmagazine.com, un site holistique alternatif dédié au bien-être et au développement durable. Elle anime également son propre blog.

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Atlantico : Un article publié sur le site américain slate.com, revient sur un sentiment de plus en plus répandu, celui d'être débordé. Mal contemporain que cette impression d'être submergé, de ne jamais avoir de temps. Pourquoi sommes-nous si enclin à nous dire "débordés"? 

Odile Chabrillac : La première raison pour expliquer cette affirmation est qu’elle comporte une part de vérité : nous faisons beaucoup de choses, dans tous les sens, nous recevons une quantité incroyable d’informations par un nombre de canaux de plus en plus importants et notre cerveau doit faire le tri dans tout cela, déterminer ce qui est important et ce qui ne l’est pas, en évitant de faire des ratés ! La seconde raison, c’est qu’il est socialement valorisé d’être le plus occupé possible : on donne aux autres ou on se donne ainsi l’impression d’être quelqu’un d’important. Comment ferait la terre pour tourner si l’on n’était pas à la barre en permanence ?

Sommes-nous aussi débordés que nous voulons bien le croire ? Comment expliquer ce décalage entre la réalité et le ressenti ? 

Oui et non : nous avons mille opportunités pour occuper notre temps, un nombre incroyable de séries télé à regarder le soir dans son lit, un nombre d’amis, de films, d’expos à voir en croissance constante. C’est la même chose au niveau professionnel, nous pouvons toujours en faire davantage, suivre une nouvelle formation, rencontrer de nouveaux prospects, soutiens, clients éventuels… Le potentiel des possibles est quasi illimité. Et nous l’avons bien intégré. Ce qui est plutôt une bonne chose. Mais entre tous ces possibles que nous portons en nous et notre réalité, il y a souvent une réelle différence. Si l’on regarde simplement ce que l’on a à faire, en respectant les délais, sans overdose illusoire, alors cela reste dans nos cordes la plupart du temps. Il suffit de voir le temps que l’on est capable de libérer dans nos plannings surchargés lorsque l’on est amoureux… Le temps est élastique en fonction de nos priorités !

Un emploi du temps surchargé est-il considéré comme une vertu ?  L'ennui et le temps libre ne possèdent-ils pas leurs propres mérites ?

Nul doute qu’il est extrêmement valorisé dans nos sociétés de faire un grand nombre de « choses », de ne pas « perdre » son temps. La question est pourtant : à force de courir comme ça, ne le perd-on justement pas ? Vivre, est-ce s’agiter ainsi dans tous les sens, zapper d’une activité à une autre, consommer de l’action sans s’arrêter ? Comment créer dans ses conditions, comment penser, voire même intégrer ce que nous avons vécu, appris, compris ? Le temps vacant, et l’ennui, favorise de tels phénomènes psychiques : nous ne sommes pas des ordinateurs, notre cerveau a besoin de recul pour bien fonctionner, au risque de déraper ou d’imploser (c’est ce qui se passe en cas de burn-out par exemple). Et puis aussi et peut-être surtout, profiter de l’existence, la savourer, passe par un rythme raisonnable, celui du silence, du retour sur soi, de la rencontre, du partage, de la sensualité.

Même si nous ne sommes pas aussi occupés que nous le pensons, quels sont les conséquences du stress, bien réel, généré par ce sentiment ? 

Le stress est un mal naturel et nécessaire, car il témoigne avant tout du fait que nous sommes vivants et qu’en tant que tel, nous sommes aptes à nous adapter en permanence à notre environnement. Néanmoins, ici comme souvent, c’est la dose qui fait le poison et ce stress finit par devenir gênant voire insupportable au-delà d’un certain seuil, limite avec laquelle nous flirtons de plus en plus régulièrement. Or un tel comportement finit par impacter notre corps, engendrant une fatigue profonde, ce qui finit par nous vider nerveusement dans un deuxième temps et on ressent alors de plus en plus de frustrations et de tensions. C’est comme un cercle vicieux qui se met en place et dont il est difficile de s’extraire par la simple volonté.

Un certain niveau de stress est donc nécessaire à la vie, mais le dépassement d’un seuil (variable selon les individus d’ailleurs) peut devenir dangereux voire fatal, s’il dépasse les capacités d’adaptation de l’organisme, d’où l’apparition de maladies qui peuvent être parfois mortelles. La production excessive et répétée d’hormones du stress et cette impossibilité de se dérober aux agressions font que, à la longue, les organismes finissent par s’user : troubles digestifs, maladies cardio-vasculaires, sans parler des troubles psychosomatiques comme la nervosité ou les insomnies.

Comment rétablir l'équilibre entre le ressenti et la réalité ? 

Tout ce qui va faire miroir de nos comportements est ici le bienvenu : cela peut consister à établir des listes sur le papier, en parler à des proches ou à un professionnel, pour faire le tri entre le réel et le fantasmé, le possible et le souhaitable. L’objectif étant de cesser de penser en boucle, de ruminer, de se dire sans cesse « il faut », « je dois ». Pour aller davantage vers « je choisis », « je souhaite » ou « j’ai envie »… Tout ce qui va nous sortir du mental et nous remettre dans notre corps est également essentiel : se faire masser, chanter, faire du sport, faire l’amour… Autant de moyens de cesser de sortir de notre vie fantasmée pour réintégrer la (bien agréable) réalité

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