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Quand le robot chic nous choque et quand l’icône se retourne en vol : c’est l’actualité juniale des montres
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Atlantic-tac

Mais aussi un exceptionnel récif carpo-corallien, un cadran en quête d’Archimède, une main pleine de justice, une carpo-connexion inattendue, une révolution possible grâce au silicium et une « FrankenSpeed » qui fait causer…

Grégory Pons

Grégory Pons

Journaliste, éditeur français de Business Montres et Joaillerie, « médiafacture d’informations horlogères depuis 2004 » (site d’informations basé à Genève : 0 % publicité-100 % liberté), spécialiste du marketing horloger et de l’analyse des marchés de la montre.

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HAMILTON : Le fouet derrière le cadran…

« Indy » est de retour sur les écrans, avec son blouson de cuir, son fouet et son chapeau, pour une nouvelle aventure : Indiana Jones et le Cadran de la Destinée. Qui dit cadran, dit montre, forcément : « Indy » portera à l’écran une montre Hamilton, une Boulton qui n’était pas la mieux promue des montres de la maison Hamilton, mais elle est bien dans l’esprit de l’époque où se situe le scénario, quelque part à la fin des années 1960, comme le prouve son gentil style classique, son gentil cadran sobre, sa gentille petite seconde et son gentil boîtier « coussin ». « Indy » a des gopûtd sages ! La Boulton de notre aventureux archéologue a été modernisée sans perdre son âme : c’est appréciable. Regardez bien, dans le film, la montre de Renaldo, le fidèle compagnon de notre ami « Indy » : c’est aussi une Hamilton, modèle Khaki Navy Scuba, un choix pas forcément anachronique, mais on ne va pas chipoter pour quelques années de décalage, ni chercher des poux sous le Fedora de cet Indiana Jones qui nous attend dans les salles de cinéma dès la fin du mois. On compte sur lui pour nous entraîner à la recherche du cadran du vieux savant grec Archimède – lequel cadran n’est pas exactement celui de sa Boulton, qui va rester comme la montre des adieux au plus célèbre archéologue de l’histoire d’Hollywood…

BVLGARI : Le trésor d’un jardinage marin…

Encore Bvlgari ! Mais oui, toujours Bvlgari tant la nouvelle collection Mediterranea est porteuse de splendeurs horlogères en même temps que d’ambitions stratégiques : ces montres superlatives visent à consolider les positions de Bvlgari sur la très haute et très créative horlogerie joaillière, alors que les marques concurrentes semblent déserter ce créneau en préférant cultiver leurs icônes parfois rancies – c’est moins risqué pour faire remonter des profits vers les actionnaires ! Donc, Bvlgari prend des risques, mais le résultat est spectaculaire. Un seul exemple parmi d’autres, mais nous reviendrons par la suite sur d’autres montres de cette collection Mediterranea : la montre à secret Giardino Marino Grande est une pièce unique facturée dans les 2,8 millions d’euros – unique, mais Bvlgari compte bien en réaliser différentes versions, toutes aussi sublimes ! Il n’aura pas fallu moins de 3 900 heures de travail pour maîtriser ce vrai récif corallien posé sur le poignet, avec ses anémones montées en « trembleurs » qui semblent vibrer dans le courant, ses perles et ses 4 800 pierres précieuses, diamants et pierres colorées, qui reproduisent une étoile de mer et un coquillage amovibles [on peut les porter en boucle d’oreilles], avec d’autres coquillages comme une huître perlière et sa perle, ainsi que le cadran « secret » caché derrière le poisson central : on peut y lire les heures et les minutes, animées par un micromouvement mécanique de 12 mm de diamètre (à peine 1,3 g) qui est le plus nano-calibre du marché. On reste confondu par cette démonstration de haute joaillerie très démonstrative et par la performance de cette micromécanique particulièrement performante – mais aussi par l’esthétique très harmonieuse de ce bracelet-montre où tant de pierres et de couleurs s’offrent à profusion. Malheureusement, il est à peu près impossible de bien photographier un tel « jardin » joaillier, dont les richesses ne se révèlent qu’au cours d’un examen approfondi : mieux vaut donc l’admirer aussi en dessin. Ne manquez cette pièce – pour l’instant unique – le jour où elle sera exposée à la boutique parisienne de Bvlgari, place Vendôme…

BREGUET : Le retour en vol d’une fille de l’air…

La montre de la semaine est quasiment française, même si la manufacture Breguet est en Suisse et même si ses actuels propriétaires sont suisses (Swatch Group). L’histoire de cette montre est si liée à l’histoire aéronautique française qu’on peut considérer la Type 20 – également Type XX selon les modèles – comme une icône de l’horlogerie française : n’avait-elle pas été commandée par l’armée de l’Air française dans les années cinquante, quand il s’agissait de remplacer, pour équiper nos pilotes, les bons vieux chronographes de la Luftwaffe saisis au titre de réparations de guerre dans les manufactures de montres de la zone d’occupation française en Allemagne ? Le grand Abraham-Louis Breguet lui-même n’était-il pas, en son temps, plus français que suisse, sachant qu’il était né… prussien (!) – en fait neuchâtelois du temps où ces vallées aujourd’hui suisses étaient une principauté du royaume de Prusse ? Donc, voici le retour d’une montre légendaire, ardemment collectionnée dans toutes ses variantes civiles ou militaires et aujourd’hui retouchée [pas trop, heureusement] pour revenir au premier rang des propositions horlogères en matière de chronographe sportif. La version réf. 2067 ci-dessous est inspiré par les versions civiles de la Type XX, dont elle reprend fidèlement les codes en 42 mm de diamètre, avec de subtiles touches ivoirées pour la note vintage, un nouveau bracelet interchangeable et, surtout, un nouveau mouvement chronographe automatique de dernière génération (60 heures de réserve de marche), avec un « retour en vol » (remise à zéro instantanée) et ce qu’il faut de silicium pour la précision. C’est une vraie Type XX, avec sa lunette tournante graduée sur douze heures, ce qui permet éventuellement d’afficher un second fuseau horaire. La date ne s’imposait pas forcément : tant pis pour la sobre rigueur interne de ce cadran, un peu brouillée par ce guichet inopportun. Dommage aussi pour le prix légèrement bodybuildé de cette Type XX « civile », qui va flirter avec les 20 000 euros – soit nettement trop par rapport aux Type 20 vintage d’origine qui ont su conserver leur charme patrimonial. Nous vous reparlerons dans une prochaine chronique de la nouvelle Type 20 plus proche des codes purement militaires…

CHANEL : Le choc du robot chic…

Quand elles sont inspirées, les grandes marques ont le privilège de pouvoir jouer avec leurs propres codes, en y insufflant l’impertinence nécessaire à leur décalage – c’est ce qui fonde et ce qui prouve leur légitimité. Ainsi de Chanel, qui se permet avec sa célèbre montre Première une magistrale subversion robotique. Sans le moindre doute, c’est une Première, mais c’est une Première de dernière génération, avec des composants en céramique, en titane noir, en onyx et en diamants qui transfigurent la montre pour la muer en un singulier petit robot, lequel se permet même de reprendre les deux C de Chanel en guise de pinces de préhension. À ce stade de disruption, ce n’est plus de la subversion, mais du grand art horloger, au carrefour de la démonstration visuelle et de la provocation textuelle – n’oublions pas que le mot « robot » est issu de racines slaves qui désignent le « travail », le « travailleur » et même l’« esclave » : les Chanelistas travailleraient-elles du poignet ? Attention, ce luxueux petit serviteur horloger, prénommé H7944, est tout de même étiqueté autour des 25 000 euros, mais il donne l’heure en quinze millimètres de largeur (mouvement à quartz, réglable par le fond du boîtier), avec une étanchéité à trente mètres qui ne lui fait pas redouter la moindre douche (merci au bracelet en coutchouc « velours ») et un style incomparable. Du grand Chanel, conjugué au plus-que-parfait français – le « Swiss » apposé sur le cadran n’est qu’un label bureaucratique pour épater les clientes émergentes !

PHILIPPE DUFOUR : La main de justice…

Le plus fameux horloger traditionnel suisse, Philippe Dufour, vient de fêter ses 75 ans, mais vous n’en n’avez pas entendu parler, alors qu’il est considéré dans le monde entier comme un « trésor vivant » que toutes les nations horlogères vénèrent et envient à la Suisse. Vous n’en n’avez pas entendu parler parce que l’officialité horlogère suisse s’est bien gardée de fêter cet anniversaire de son plus grand horloger de référence : toujours bon pied bon œil et toujours créatif, notre méchanicien septuagénaire fait un peu honte à cet établissement horloger tellement il défend des principes traditionnels qui contredisent les dérives industrielles et les options du luxe massifié et spéculatif des grandes marques de montres. Avec lui, c’est la main de l’horloger qui compte (en haut de la page : sa propre main de bronze !), pas le bullshit marketing, ni la promotion socio-influencée, ni la technologie des robots d’usinage qui permettent d’augmenter le taux de profit moyen de chaque modèle. Principes qui lui valent les faveurs et la ferveur des collectionneurs du monde entier : songez que, lorsqu’il a annoncé récemment qu’il se lançait dans une ultime série de dix montres Simplicity, il a reçu… 20 000 demandes – alors même que le prix de ces montres à trois aiguilles n’était pas communiqué [on estime qu’elles seront vendues entre 700 000 et 900 000 euros !]. Du coup, pour ne pas faire de jaloux entre tous ces avides collectionneurs internationaux, dont certains ont des budgets no limit, Philippe Dufour a décidé de… tirer au sort les dix heureux bénéficiaires de ses montres ! On estime que la valeur de revente de ces Simplicity, symboliques d’un adieu horloger pas comme les autres, sera immédiatement proche des deux millions d’euros. Ce qui amuse beaucoup Philippe Dufour, qui n’est pas un homme d’argent et qui vient de fonder avec sa femme la fondation Philippe et Elisabeth Dufour, destinée à venir en aide aux déshérités de cette planète. Pour apporter des fond à cette fondation charitable, Philippe Dufour a réalisé une Simplicity exceptionnelle avec un cadran en aventurine (ci-dessous) : c’est une des plus magnifiques montres jamais créées par lui. Elle sera vendue aux enchères l’année prochaine et il n’est pas impossible qu’elle atteigne les quatre, voire les cinq millions d’euros – sinon plus, disent les amateurs. Tant mieux pour les enfants et les familles déshéritées qui profiteront de cette « folie » des collectionneurs…

BON À SAVOIR : En vrac, en bref et en toute liberté…

•••• ICE-WATCH : la nouvelle montre connectée Ice Smart, lancée par Ice-Watch à la fin avril (Atlantic-Tac du 28 avril), tourne au phénomène de société. Sur le marché très encombré de la carpo-révolution (révolution du poignet), ses résultats commerciaux ont dépassé toutes les attentes d’Ice-Watch qui vient d’en commander à nouveau une centaine de milliers à ses fournisseurs. Explication : non seulement le prix accessible très attrayant (99 euros) pour les fonctionnalités proposées, qui sont à peu près les mêmes que celles des leaders du marché (à quelques détails de GPS près), mais également l’autonomie nettement supérieure à celle des concurrents californiens ou coréens. Surprise aussi avec la nouvelle clientèle de ces Ice Smart, qui sont souvent des acheteurs d’Apple Watch des générations précédentes, à présent frappées d’obsolescence, et qui se satisfont largement des performances d’une montre connectée peut-être un peu moins riche en capacités technologiques, mais quatre à cinq fois moins chère que ses concurrentes. Ce qui est bien suffisant pour surveiller le nombre de pas quotidien ou la réception de ses messages téléphonique. La carpo-connexion low cost, c’est très… smart !

•••• SILICIUM : l’horlogerie est peut-être à la veille d’une nouvelle révolution, comparable à celle du quartz à la fin des années 1960. On parle cette fois de micromécaniques fondées sur les propriétés de « moteurs » à base de silicium : ces « moteurs » seraient capables d’entraîner des aiguilles et de rythmer le temps qui passe avec une précision sensible. Ces « moteurs » initient une libération créative sans précédent du fait de la taille très réduite de leur « cœurs de silicium » : on aura de la place dans les montres pour imaginer de nouvelles fonctions ! Bonne nouvelle : cette possible révolution du « cœur silicium » est née en France et ces « micro-moteurs » ont été développés par des équipes françaises de Besançon. Face à la Suisse horlogère, la France pourrait ainsi reprendre l’avantage dans la course à la mesure du temps… •••• ARGON : autre excellente nouvelle pour l’horlogerie tricolore, le triomphe de la campagne de sociofinancement pour la montre Spaceone mitonnée en style nouvelle génération par l’équipe française de Guillaume Laidet et Théo Auffret. « Un grand saut horloger dans l’hyperspace », annoncait Atlantic-Tac à la mi-mai : on a dépassé le million de dollars et on devrait frôler le million d’euros. Il ne reste que quelques heures pour profiter des tarifs avantageux sur Kickstarter : après, le prix public de cet ovni horloger français sera plus coûteux…

•••• OMEGAGATE : c’est le scandale horloger de ce printemps. Une montre Omega Speedmaster de 1957, qui avait adjugée à 3,1 millions de francs suisses à Genève en 2021, vient d’être reconnue comme fausse ou du moins atrocement bidouillée. C’était un spectaculaire record d’enchères pour Omega, mais, comme Business Montres l’avait révélé à l’époque (voir notre chronique Business Montres du 7 juin), l’acheteur de cette magnifique « FrankenSpeed » (ci-dessous) n’était autre que le musée… Omega ! Ce qui péjore nettement la performance et ce qui fait désordre aujourd’hui, puisqu’on a découvert que cette forgerie horlogère – d’où le nom de « FrankenSpeed » – avait bénéficié de certificats d’authenticité bidon et d’expertises bidon accordées par une équipe de « ripoux » en place au sein du musée et des archives Omega. La marque a fait le ménage et viré quelques-uns de ces « ripoux », dont un de ses vice-présidents, complices d’une cellule mafieuse qui a bénéficié de nombreux autres faux documents d’authentification de montres vintage signées Omega. Une enquête criminelle et des poursuites pénales sont en cours. Des dizaines d’acheteurs de montres de collection Omega se demandent à présent s’ils n’ont pas été floués : c’est tout le marché du vintage horloger, des enchères et de la seconde main qui se trouve questionné par cet Omegagate…

• LE QUOTIDIEN DES MONTRES

Toute l’actualité des marques, des montres et de ceux qui les font, c’est tous les jours dans Business Montres & Joaillerie, médiafacture d’informations horlogères depuis 2004... 

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