Quand la tribu s’offre des cornes de vache et quand Mickey se prend pour Cupidon : c’est l’actualité des montres<!-- --> | Atlantico.fr
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Un nouveau style de « plongeuse » en prise directe sur le passé (Eska).
Un nouveau style de « plongeuse » en prise directe sur le passé (Eska).
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Mais aussi un accès pas forcément accessible au paradis des hautes mécaniques, un style vintage très générationnel, le retour très expressif d’une légende aux gros muscles, le plongeon de la seconde main et une saint-valentin pas trop mièvre…

Grégory Pons

Grégory Pons

Journaliste, éditeur français de Business Montres et Joaillerie, « médiafacture d’informations horlogères depuis 2004 » (site d’informations basé à Genève : 0 % publicité-100 % liberté), spécialiste du marketing horloger et de l’analyse des marchés de la montre.

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FRANCK MULLER : De mieux en mieux…

La maison Franck Muller se donne les chances de reconquérir un nouveau public européen avec une collection Vanguard retravaillée dans un esprit moins exubérant (boîtier de 41 mm très aminci et beaucoup plus « portable », pour une épaisseur de 3,8 mm), avec un design d’inspiration vintage dans les formes comme dans les couleurs [le choix est on ne peut plus large entre les teintes pastellisés, dans l’esprit « crémeux » des belles voitures d’autrefois et les cadrans plus expressifs, sinon plus agressifs] et avec une impeccable qualité de mouvement automatique (38 heures de réserve de marche). Du grand Franck Muller, mais à des prix moins stratosphériques, sans perdre de cette touche horlogère rétronostalgique qui a fait le succès de la marque (boîtier tonneau à bracelet métallique intégré, chiffres stylisées, petite seconde à six heures, etc.) et qui la rend si reconnaissable au poignet : il y a dans cette série un style quiet luxury très évident – on est loin des massifs boîtiers Curvex qui avaient assuré les premiers succès de Frank Muller, il y a plus d’un quart de siècle. En fait, cette collection Vanguard Slim Vintage fonctionne comme une initiation intelligente à ce que doivent aujourd’hui les montres qu’on qualifie de « luxe » : mécaniquement irréprochables et esthétiquement signifiantes – c’est-à-dire « porteuses de sens » et de significations plurielles pour exprimer une personnalité, un caractère, un style de vie et un certain niveau de culture horlogère…

GREUBEL FORSEY : Une clé d’accès…

Même si ce n’est pas la marque de haute horlogerie dont on parle le plus, la maison Greubel Forseyaffiche une des plus magnifiques trajectoires de ces vingt dernières années dans le domaine des mécaniques innovantes. Récemment reprise en main par Antonio Calce, avec le concours des deux fondateurs de cette manufacture (le Français Robert Greubel et le Britannique Stephen Forsey), cette maison est en train de revoir toutes ses collections pour les adapter aux nouveaux usages de la montre et aux nouveaux codes des beaux-arts de la mécanique horlogère. Ce qui se traduit par des boîtiers plus « portables » qu’auparavant (41 mm de carrure), plus légers (celui de cette montre Balancier 3 est en titane), plus « fluides » (13 mm d’épaisseur, avec un boîtier galbé très confortable) au porter et finalement beaucoup plus élégants – ceci sans rien sacrifier, ni des qualités mécaniques toujours aussi innovantes d’une montre bourrée de micro-innovations au seul service de sa précision et de sa fiabilité, ni de ses qualités esthétiques, repérables dans le style très architecturé de l’ensemble, dans les ponts qui structurent son cadran et dans les finitions, tout aussi peu conventionnelles par leur très haut niveau d’exigence. On est ici au sommet de ce qui se fait de mieux dans l’art de veiller aux moindres détails d’anglages, de polissages ou de réglages, avec un non-conformisme assumé dans l’affichage « inventif » du temps qui passe. Ceci pour une montre qui se définit comme la clé d’accès à l’univers Greubel Forsey et comme l’« entrée de gamme » de ses collections en cours d’apaisement. Excellente nouvelle : même si le prix de cette montre Balancier 3 reste stratosphérique (comptez au minimum dans les 180 000 euros), il reste relativement « accessible » pour les heureux amateurs qui font leur marché à ces niveaux d’exigence. D’ailleurs, les collectionneurs ne s’y trompent pas : les deux séries (noir et bleu) de 88 pièces ouvertes à la précommande sont déjà pratiquement épuisées. Comment résister à une Greubel Forsey aussi exclusive et innovante quand elle est proposée au prix d’une montre « industrielle » ?

FURLAN MARRI : Le fétiche tribal…

Les initiés savent qu’Andrea Furlan, le jeune designer cofondateur de la nouvelle marque indépendante suisse Furlan Marri, a plutôt mieux compris que tout le monde ce que devaient être les montres de la nouvelle génération – comprenez par là un exercice créatif, gratifiant (pour celui qui la porte), signifiant (par tous les contenus réels ou supposés attachés à la montre) et proposé à un prix accessible. Démonstration in vivo avec la nouvelle trois-aiguilles développée en partenariat avec l’équipe australienne de Time+Tide (des jeunes passionnés qui ont monté une plateforme horlogère très intelligente et qui fêtent cette année leur dixième anniversaire). D’abord, l’approche communautaire : Furlan Marri s’adresse là à une « tribu » dans laquelle se reconnaissent d’innombrables nouveaux amateurs à travers le monde [la montre est fondamentalement devenue un objet social transactionnel, quelque chose comme un fétiche générationnel, un objet culte]. Ensuite, le style de la montre : plus néo-classique tu meurs, avec ce qu’il faut de « cornes » retravaillées en goutte d’eau [certains diront en corne de vache], de boîtier en acier de 37,5 mm (très chic dans son minimalisme), de cadran « sectoriel » si délicieusement vintage dont le savant graphisme constitue un élégant habillage au grain très réussi, d’aiguilles galbées dorées, mais aussi d’intégrité mécanique (un excellent mouvement automatique La Joux-Perret, avec un rotor en tungstène et 68 heures de réserve de marche). Sans parler de la couleur, très bush australien et même très roots. Enfin, le prix très étudié, un peu au-dessus des 1 500 euros hors taxes pour une production suisse, c’est presque un cadeau et c’est beaucoup de bonheur pour les amateurs qui vont s’empresser de commander cette série limitée Outback Elegy, ouverte à la vente en ligne dès la semaine prochaine sur le site de Time+Tide. Notez bien le mot « Editions » sous le nom de Furlan Marri : une jeune marque se doit aujourd’hui d’être ouverte aux « collabs » (collaborations) et Furlan Marri prend le parti de distinguer ses propres montres de celles qui sont développées en partenariat avec d’autres créateurs…

B.R.M. CHRONOGRAPHES : La course en tête…

Une nouvelle collection chez B.R.M. (Bernard Richards Manufacture), la plus authentiquedes « manufactures » horlogères de la région parisienne, celle qui peut réaliser à peu près la totalité des composants de ses montres, mouvements compris – la maison va maintenant sur son quart de siècle. Baptisée Touring, cette nouvelle collection affiche, en 44 mm comme en 38 mm, une relative « sobriété » sans toutefois renoncer aux codes automobiles qui expriment l’ADN d’une marque conçue comme un hommage à la haute mécanique : chaque détail, de la moindre vis à la forme des aiguilles en passant par le boîtier usiné dans la masse comme un cylindre de moteur et les grands chiffres, est une citation de tel ou tel composant mécanique qui « parle » aux amateurs de belles voitures. Avantage pour les aficionados : ils peuvent personnaliser la couleur de certains de ces détails, y compris la finition du bracelet perforé « à l’ancienne ». Notez l’amusante échelle tachymétrique autour de ce cadran de ce qui n’est pas vraiment un chronographe. Au volant, la route n’a pas la même saveur avec une B.R.M. au poignet (comptez entre 6 000 euros et 7 000 euros pour accéder à ce nirvana mécanique)…

ESKA : Lève-toi et marche…

L’histoire horlogère est pavée de plaques tombales gravées au nom de marques disparues, mais quelques cerveaux hardis y pratiquentdes fouilles archéologiques qui permettent – parfois, pas toujours – d’exhumer des trésors légendaires, des noms qui suscitent toujours le respect et des modèles devenus mythiques. Prenons le cas de la marque Eska, fondée en Suisse en 1918 et naufragée dans la grande « crise du quartz » à la fin des années 1980 : Eska pour les initiales S.K. de son fondateur, Sylvan Kocher. Il n’en restait qu’un excellent souvenir chez les collectionneurs, en particulier chez les nostalgiques de l’âge d’or des montres de plongée (1950-1960), qui rêvaient tous de mettre la main sur une « Amphibian 600 », modèle des années 1960 aussi légendaire qu’introuvable [on n’en connaît guère que deux exemplaires d’époque !]. Aujourd’hui, Eska se relance avec une campagne de sociofinancement à ne pas manquer la semaine prochaine sur Kickstarter : « Lève-toi et (re)marche ! ». Coup de chance, un des deux co-refondateurs, Sinicha Knezevic, a les mêmes initiales, S.K., que le fondateur de la marque. Son associé, Christophe Chevreton, est comme le nouvel S.K. un collectionneur de montres et tous deux ont bien l’intention de remettre la maison Eska à sa vraie place, quelque part en haut de la pyramide des « plongeuses » contemporaines. La nouvelle Amphibian 250 ressemble tellement à l’Amphibian 600 originelle qu’on s’y méprendrait, sauf que son boîtier a été contenu à 40 mm (contre 38 mm pour la version historique : même lunette tournante élargie à graduation « inversée », même moletage latérale de cette hyper-lunette, même chiffres épaissis aux quatre points cardinaux du cadran [on a bien entendu respecté la couleur ivoirée patinée des anciens chiffres au radium], mêmes index musclés, mêmes aiguilles puissantes et fonctionnelles et même style brutalement sportif de l’ensemble. Changements notables : le mouvement automatique (japonais), l’étanchéité à 250 m, le double verre saphir bombé, le cadran « sandwich » – à la Panerai ! – qui renforce la lisibilité des index, ici soutachés de rouge, la petite aiguille « sucette » des secondes [ce qui n’est pas forcément une bonne idée tellement elle semble fluette et fragile sur ce cadran bâti en force] et la suppression, en revanche très heureuse, de la petite réserve de marche à midi. La bonne nouvelle : la souscription sera lancée sur Kickstarter à 888 euros taxes compris [quelle aubaine pour les amateurs, surtout avec trois bracelets !], pour un prix public ultérieur de 1 250 euros, ce qui reste ultra-raisonnable pour une montre bleu-blanc-rouge assemblée à Besançon et ce qui est particulièrement tentant par les temps inflationnistes que nous vivons. Il n’y aura que 300 exemplaires de cette première série : un bon conseil pour le 24 janvier, ne trainez pas (www.legends-never-die.fr) – on veut bien parier que tout partira en quelques heures !

BON À SAVOIR : En bref, en vrac et en toute liberté

•••• SAINT-VALENTIN : nous allons vivre dans les semaines horlogères qui viennent le téléscopage de deux pressions commerciales antagonistes, celle du Nouvel An chinois, qui a généré d’innombrables dragons sur les cadrans d’une cinquantaine de marques européennes de montres [une mobilisation sans précédent pour l’Année du Dragon, alors que la célébration du zodiaque chinois tendait à se calmer] et la pression de la Saint-Valentin, célébration un peu niaise mais très commerciale dédiée aux amoureux, ce qui reste un prétexte à multiplier les cœurs sur les cadrans. Parmi les plus amusantes de ces « valentinades », on peut retenir l’amusante proposition américaine de Fossil, qui a transformé Mickey Mouse en Cupidon – la pointe en cœur de la flèche indique l’heure (mouvement automatique, boîtier en acier de 40 mm). Une fantaisie pas trop mièvre à un peu moins de 400 euros (édition limitée)… •••• SECONDE MAIN : sévère correction sur le marché de la seconde main horlogère, avec des prix en chute moyenne de 40 % par rapport aux pics du printemps 2022. Tout le problème des spéculateurs, qui avaient acheté au prix fort en espérant revendre à des prix encore plus forts, est à présent de savoir s’il vaut mieux attendre une improbable remontée des cours ou s’il vaut mieux revendre sans attendre avant que les prix ne soient ramenés encore plus bas, sachant qu’ils sont à présent au niveau ce qu’ils étaient début 2021. La spéculation sur les montres est un sport à risques de très haut niveau…

• LE QUOTIDIEN DES MONTRES

Toute l’actualité des marques, des montres et de ceux qui les font, c’est tous les jours dans Business Montres & Joaillerie, médiafacture d’informations horlogères depuis 2004...

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