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Et au fait, à part les monstres d’Halloween, quelles sont les plus grandes peurs des Français ?
©MARTIN BUREAU / AFP

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Alors que ce mardi 31 octobre est marqué aux Etats-Unis par la célébration d'Halloween, les Français - de plus en plus adeptes de cette célébration, notamment pour les enfants - sont néanmoins préoccupés par des sujets qui pèsent sur leur moral et leur quotidien comme le précise David Nguyen, de l'Ifop.

David Nguyen

David Nguyen

David Nguyen est directeur conseil en communication au Département Opinion et Stratégies d'Entreprise de l'Ifop depuis 2017. Il a été conseiller en cabinet ministériel "discours et prospective" au ministère du Travail (2016-2017) et au ministère de l'Economie (2015-2016). David Nguyen a également occupé la fonction de consultant en communication chez Global Conseil (2012-2015). Il est diplômé de Sciences-Po Paris. 
 
Twitter : David Nguyen
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Atlantico : D'après les récents travaux de l'IFOP, quelles sont les principales craintes des Français ces dernières années ? 

David Nguyen : Si on écarte un instant la question de la menace terroriste, qui domine sans équivoque tous nos classements depuis 2015, la principale crainte des Français ces dernières années est sans surprise liée à la crise économique débutée en 2008. Pour l’opinion publique, le chômage de masse et tout ce qu’il implique en matière de précarité, de perte de pouvoir d’achat, de dégradation du statut social et de désarroi collectif, constitue la crainte la plus ancienne et la plus structurante. C’est elle qui entraine la défiance vis-à-vis des politiques et de la démocratie, c’est elle qui conduit à remettre en cause la mondialisation, c’est elle qui induit un sentiment de déclassement générationnel (en septembre 2016, 69% des Français pensaient que leurs parents vivaient mieux à leur âge, contre 51% en septembre 2010) La question du chômage de masse est prégnante depuis au moins 30 ans, mais elle a gagné en intensité avec la dernière crise. En 2007, à la veille de la présidentielle, 35% des Français citaient le chômage comme le problème le plus préoccupant en France. En 2014, alors que le nombre de demandeurs d’emploi était au plus haut, ce taux atteignait 47%. Pour résumer, terrorisme et chômage occupent le haut du classement des craintes des Français, mais la première est très liée à l’actualité quand la deuxième est plus profondément ancrée dans l’opinion. 
Je pense néanmoins que sur ces deux sujets, nous sortons peu à peu d’un cycle de très haute intensité. D’un côté, la France n’a heureusement pas été frappée par un attentat de grande ampleur depuis un certain temps et l’Etat islamique a été profondément affaibli au Moyen-Orient, ce qui fait baisser le sentiment de menace terroriste. C’est d’ailleurs cette baisse d’intensité qui pourrait mécaniquement « laisser plus de place » à d’autres craintes sécuritaires liées à une délinquance plus quotidienne, plus classique. De l’autre côté, les Français ont le sentiment d’une sortie de crise progressive malgré la persistance d’un chômage élevé. Alors que, pendant tout le quinquennat précédent, entre 60% et 70% des Français estimaient que le pays était en « pleine crise », cette part est tombée à 40% en décembre 2017. Le reste des personnes interrogées par l’Ifop estime pour 35% d’entre-elles que « la situation demeure préoccupante mais que le pire est derrière nous » (contre 26% en août 2015) et pour 23% que « la situation est difficile mais elle s’améliore progressivement » (contre 9% en août 2015). Ici également, la baisse d’intensité des préoccupations liées à l’emploi (54% jugent la lutte contre le chômage comme « tout à fait prioritaire » en août 2018, contre 72% en mars 2014), peut faire remonter d’autres sujets socio-économiques comme le pouvoir d’achat ou les inégalités sociales. 

Quelles sont les craintes émergentes qui prennent plus d'importance ces dernières années ?

Au-delà de la question du terrorisme et du chômage, les inquiétudes liées à la santé sont plus diffuses, mais tout aussi présentes au sein de l’opinion (58% des Français jugent ce sujet « tout à fait prioritaire » en août 2018). Peu à peu, cette problématique devient une grille de lecture structurante. En matière alimentaire, l’essor des modes de consommation alternatifs est d’abord lié au souhait d’être en meilleure santé. Dans le domaine du travail, on se soucie davantage de bien-être et d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle que de déroulement de carrière et de réussite matérielle. Même le regain d’intérêt récent pour la question écologique (48% des Français la juge « tout à fait prioritaire » en août 2018, contre 33% en mars 2014) est profondément lié à une préoccupation sanitaire. En juin 2018, les Français classaient ainsi « l’impact des nuisances environnementales sur la santé » comme thème le plus préoccupant en matière d’écologie, devant le « changement climatique », la « disparition d’espèces animales ou végétales » ou « l’épuisement des ressources naturelles ».  

Au contraire, quelles sont celles qui n'effraient ou n'inquiètent plus autant les Français ?

Les questions liées aux finances publiques ont beaucoup perdu en intensité. Alors que 51% des Français jugeaient « la réduction de la dette publique » et « la maîtrise du niveau des impôts » comme « tout à fait prioritaire » en mars 2014, ils ne sont plus que 30% et 36% à le penser aujourd’hui. La crise grecque, la pression des agences de notation et le risque d’un effondrement de la zone euro semblent loin aujourd’hui. Bien sûr, cela ne signifie pas que les Français accepteraient facilement plus d’impôts et de dépenses publiques, mais il est clair que les craintes pour la pérennité des finances de l’Etat ne sont plus aussi pesantes. 

Qu'est-ce que disent ces craintes de notre société, selon vous ?

La place croissante des inquiétudes liées à la santé au sein de la société me semble très révélatrice. Sur le plan démographique, c’est certainement la marque d’une société vieillissante, dont la part de retraités, qui est moins directement concernée par le chômage que par la santé, augmente. Sur un plan plus politique, c’est, du côté positif, le signe d’un pays au modèle social très développé et qui va continuer à investir dans la médecine et la santé (la France est le troisième Etat membre de l’OCDE à dépenser le plus dans la santé). Mais c’est aussi, du côté plus négatif, le risque d’une société toujours plus individualiste, aux membres difficilement capables de s’inscrire dans un récit collectif qui dépasse la question de leur seul bien-être personnel. 

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