Dépendance en vue : qui sont les pays qui contrôlent les minerais nécessaires à la transition énergétique ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le site de Chuquicamata, le plus grand gisement à ciel ouvert de cuivre au monde, au Chili.
Le site de Chuquicamata, le plus grand gisement à ciel ouvert de cuivre au monde, au Chili.
©AFP / MARTIN BERNETTI

Atlantico Green

Le cuivre, le lithium ou le nickel sont indispensables pour la production des équipements de la transition énergétique. L’Europe est très dépendante des importations de minerais et de métaux.

Philippe Charlez

Philippe Charlez

Philippe Charlez est ingénieur des Mines de l'École Polytechnique de Mons (Belgique) et Docteur en Physique de l'Institut de Physique du Globe de Paris.

Expert internationalement reconnu en énergie, Charlez est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la transition énergétique dont « Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle » paru en Octobre 2017 aux Editions De Boek supérieur et « L’utopie de la croissance verte. Les lois de la thermodynamique sociale » paru en octobre 2021 aux Editions JM Laffont.

Philippe Charlez enseigne à Science Po, Dauphine, l’INSEAD, Mines Paris Tech, l’ISSEP et le Centre International de Formation Européenne. Il est éditorialiste régulier pour Valeurs Actuelles, Contrepoints, Atlantico, Causeur et Opinion Internationale.

Il est l’expert en Questions Energétiques de l’Institut Sapiens.

Pour plus d'informations sur l’auteur consultez www.philippecharlez.com et https://www.youtube.com/energychallenge  

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Atlantico : Quels sont les minerais nécessaires à la transition énergétique ? Et quels sont les pays qui les contrôlent ?

Philippe Charlez : Plutôt que de parler de métaux rares je préfère parler de métaux critiques. En effet si certains d’entre eux sont effectivement extraits des terres rares (Yttrium, Lanthane, Néodyme) d’autres comme le lithium, le nickel ou le cuivre ne peuvent pas être qualifiés de métaux rares. Ces métaux critiques, sont indispensables à la mise en œuvre de la plupart des équipements de la transition énergétique. 

Parmi eux, le cuivre est l’élément de base du transport de l’électricité (câblage). La multiplication des éoliennes et des panneaux solaires augmentant de façon considérable les besoins de câblage au cours des prochaines décennies, cela réclamera des quantités de cuivre pharaoniques. Un exemple assez délirant est le projet Xlink : un énorme champ de panneaux photovoltaïque de 10 GW au cœur du désert marocain pour amener de l’électricité dans le Sud de l’Angleterre par un énorme câble sous-marin de 3.500 kilomètres. Cela fait des quantités de cuivre absolument pharaoniques. Les premiers producteurs de cuivre sont le Chili et le Pérou (ils cumulent 40% de la production mondiale) suivis de la Chine et de la République Démocratique du Congo. La disponibilité du cuivre pourrait devenir un problème à moyen terme. L’aluminium peut être une alternative mais l’extraction de l’aluminium de la bauxite est extrêmement énergétivore. 

Pour la confection des batteries de voitures, l’ingrédient clé est le lithium. Si le Chili, l’Argentine et l’Australie en sont les premiers producteurs actuels, il existe également des réserves considérables (mais encore peu exploitées) dans le Salar d'Uyuni, un haut-plateau en Bolivie. Dans cette région du monde, le sel de lithium (on l’appelle « or blanc ») y sera exploité par lessivage et évaporation un peu comme…le sel de Guérande. 

Autre métal fondamental, pour les électrodes des batteries cette fois, le cobalt généralement associé au nickel. Plus de la moitié des réserves et 71% de la production mondiale de cobalt sont issues de la République Démocratique du Congo, un pays où règne l’anarchie et…les Chinois.  Le second élément clé des batteries est le graphite dont la Chine est le premier producteur mondial (67%). 

Enfin, les terres rares sont essentielles pour fabriquer les aimants présents dans les rotors des éoliennes mais aussi pour doper les panneaux solaires. La Chine en produit 60% et détient 37% des réserves mondiales. 

Si le vent et le soleil appartiennent à tous le monde il n’en est donc pas de même des ingrédients de la transitions énergétique  

Quels sont les risques quant à l’extraction de ces minerais sur le plan environnemental ?

Les mines souterraines peuvent générer de gros problèmes d’effondrement en surface. Appelés dégâts miniers ils sont bien connus dans les anciennes régions minières Françaises. Quant aux mines à ciel ouvert, il s’agit d’énormes excavations de plusieurs kilomètres carrés et de plusieurs centaines de mètres de profondeur détruisant totalement l’environnement. Pour séparer les minerais intéressants de la gangue (partie non utile mais représentant 99% du volume excavé) il faudra utiliser d’énormes quantité d’eau ainsi que des produits chimiques le tout étant généralement rejeté dans les rivières notamment sous forme de métaux lourds dans des pays où les normes environnementales ne font pas loi. D’un point de vue environnemental, la mine est bien pire que le gaz ou le pétrole.

Comment expliquer cette situation ? Est-ce purement lié à la distribution naturelle des ressources ou certains pays n’exploitent-ils pas suffisamment leurs ressources ?

En dehors de la richesse géologique qui est bien entendu le premier facteur, les gros producteurs miniers sont aussi des pays dans lesquels les normes environnementales sont les moins restrictives. Aussi, les normes environnementales et sociétales très sévères ont-elles découragé les européens de poursuive l’extraction minière et encourage leur délocalisation.

Pourtant, il existe un réel potentiel minier totalement inexploité en Europe. Ainsi, dans le nord de la Suède, la compagnie LKAB a récemment découvert un énorme gisement qui contiendrait plus d’un million de tonnes de terres rares. Si le projet est lancé rapidement, il faudra 15 ans avant de sortir le premier gramme de terre rare. Inacceptable selon certaines ONGs environnementales pointant du doigt une exploitation pénalisant… les éleveurs de rennes et nécessitant le déplacement de quelques centaines de personnes. En France, l’une des plus grandes mines européennes de Lithium devrait être développée dans l’Allier d’ici 2027. Une exploitation que le magazine d’extrême gauche Reporterre qualifie de quadrature du cercle : « la technique d’extraction n’est pas sans conséquence pour l’environnement : elle est énergivore et demande de grandes quantités d’eau et de produits chimiques ». Reporterre semble découvrir qu’il n’y a pas d’exploitation minière propre ! Evidemment en important les métaux de Chine ou de RDC, on cache la poussière sous le tapis accusant après coup le consommateur européen d’importer du carbone.

Les différents pays pourront-ils faire face au futur accroissement pharaonique de la production minière nécessaire pour assurer les besoins en ressources liés à la transition énergétique ?

Tout dépend de la forme de la transition énergétique. Le choix (auquel je ne crois pas) d’un mix énergétique 100% renouvelable demanderait un nombre d’éoliennes et une surface de panneaux solaires tellement pharaoniques que les métaux critiques ne pourraient pas suivre. Les métaux critique seront probablement le premier « door stopper » des renouvelables.

En revanche, une transition énergétique raisonnable avec un pourcentage de l’ordre de 30% d’énergie renouvelable surtout utilisée localement devrait être soutenable du point de vue des métaux critiques 

Le point délicat ne sera pas seulement la disponibilité mais surtout la répartition géographique de ces ressources avec les problèmes géopolitiques que cela peut engendrer. En se lançant corps et âme dans les énergies renouvelables on se jette un peu de façon naïve dans les bras des Chinois.    

Comment la France peut faire face à cette situation ? Quelles sont les solutions pour accéder à ces précieuses ressources ?

Le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) détient la cartographie de toutes les ressources minérales existantes en France dont le sol recèle du lithium, des terres rares et de l’uranium. Dans un pays qui souhaite relancer son potentiel industriel, la mine devrait faire partie des futures activités industrielles tout en sachant que ce n’est pas l’activité la plus noble sur le plan environnemental. La mine requiert notamment beaucoup d’eau et d’énergie. 

La France et l’Europe sont-elles prêtes, au nom de la transition énergétique, à se relancer dans l’activité minière ?  Rien n’est moins sûr.

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