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Le logo de Slack est visible à l'extérieur de son siège à San Francisco en Californie.
Le logo de Slack est visible à l'extérieur de son siège à San Francisco en Californie.
©Stephen Lam / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

La Minute Tech

Les utilisations du courrier électronique ou de Slack nous ont conduit à un paradoxe de productivité. Alors que les outils technologiques et la bureautique promettaient de nous rendre plus productifs, cela a pu pourtant déboucher sur des effets inattendus... 

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

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Atlantico : L'utilisation des courriers électroniques ou de Slack nous ont conduit à un paradoxe de productivité. Des PC aux smartphones, les outils technologiques et la bureautique nous ont promis de nous rendre plus productifs. Cela a pu pourtant déboucher sur des effets inattendus... 

Xavier Camby : L'explosion de l'information, devenue désormais omniprésente, a en effet été favorisée depuis plus de 50 ans, en vue d'une toujours meilleure et plus grande collaborativité. Et consécutivement productivité sans cesse croissante. Du Fax aux satellites en passant par de nouveaux langages, les "autoroutes de l'information" ont stimulé et stimulent encore l'effervescence productive d'outils toujours plus performants et complexes, pour nous relier les uns aux autres. 
Car c'est fondamental pour chacun de nous, pour notre psychisme et notre santé mentale : nous sommes tous des êtres nativement grégaires et notre intelligence est vitalement sociale.
La démultiplication actuelle des modalités d'information (courriels, sms, appels, réseaux sociaux...) complique encore désormais, de plus en plus, nos tentatives de connexions, distribuées sur de trop nombreux médias.
N'est-ce pas au détriment de sa qualité ? Trop d'information en effet tue l'information.
L'information est-elle vraie ? Sa densité impose toujours plus de vigilance et de vérifications.
Est-elle loyale ? Ou bien sa surabondance ne nous égare-t-elle pas ? Difficile de penser, lorsqu'immergé dans tout ce brouhaha.
Favorise-t-elle la productivité efficace et la collaboration utile, lorsqu'on passe 3 heures par jours à traiter ses courriels, ses messages vocaux et autres alertes sur les outils "collaboratifs" ?

Dans son livre de 1997 Why Things Bite Back, Edward Tenner aborde le «paradoxe de la productivité» qui a entouré l'introduction initiale du PC au bureau. L'ordinateur a rendu certaines activités communes plus efficaces, mais il a également créé plus de travail global à effectuer. Avec le développement du télétravail, le courrier électronique et Slack se sont démocratisés. Ne sommes-nous pas devenus dépendants de ces nouveaux outils ? Comment expliquer le paradoxe concernant le fait que les avancées technologiques ou certains outils peuvent parfois avoir des effets inattendus en termes de productivité ? 

Je ne suis pas d'accord avec une de vos affirmations : tous les outils récents de sur-information ont tout premièrement envahi nos foyers, bien avant que  les entreprises et les administrations en généralisent l'usage, puis les rendent incontournables. En y connectant ensuite, parfois sans beaucoup de discernement, toute l'informatique d'entreprise pré-existante, notamment celle chargée de la production. 
Cet envahissement massif a en effet généré une très importante masse de travail, aux motifs d'une éventuelle simplification future et d'une réduction de coût. Dans de très nombreux cas, la simplification annoncée n'existe simplement pas et les coûts ont explosé. A titre d'exemple, cette histoire vraie d'une belle entreprise de 700 salariés, obligée par son actionnaire, à installer un ERP (SAP en l'occurrence) que raconte, non sans amertume, son ex-DG. Le coût exorbitant de cette "implémentation" - barbarisme désignant, dans le jargon officiel de cette très onéreuse aventure informative. Près de 240 millions de francs (suisses) y furent en effet dilapidés en vain, car les employés, insatisfaits de leur nouvel outil (plus de contrainte que d'information) extraient les données de cet ERP, les traitent sous Excel, avant de les y ré-importer, erreurs comprises !
La crise sanitaire actuelle n'a pas renforcé notre "dépendance" professionnelle à ces outils, malgré le télé-travail imposé. mais nos isolements d'obligations semblent bien avoir augmenté l'usage et peut-être consolidé la dépendance des plus affectivement fragiles.

Certaines croyances des collaborateurs et de leurs employeurs ont cependant changé. Pour les premiers, ils ont expérimenté que le travail à domicile peut être simple, facile et plus efficace - et non pas représenter un surcroît de travail. En même temps qu'ils ont compris le vital besoin de relations professionnelles, de contacts dans le monde réel, au moins 2 journées par semaine. Les seconds ont enfin pu comprendre, loin des excès d'un taylorisme obsolète, que les salariés n'ont pas besoin d'un contrôle permanent ni de pseudo leaders, en forme de caporaux pour bien travailler, en toute intelligence collaborative, même à distance.

La bureautique est-elle toujours un gage d'efficacité ? L'impact des ordinateurs est-il surestimé ? 

L'exemple de la contre-exemplarité de la bureautique est hélas devenu quasi-universel. Il suffit de participer à une séance d'un Comité de Direction pour constater l'inutile envahissement, principalement contreproductif, des ordinateurs portables et des téléphones du même nom. Retranchés derrière leurs écrans (si bien nommés), chacun des participants se dispersent - sous prétexte de prendre des notes - et échappent ainsi à une authentique et productive collaboration. Certaines organisations bannissent parfois tous ces outils de leurs réunions et retrouvent alors une vraie aptitude à utilement décider ensemble. L'impact négatif et contre-productif  des ordinateurs en réunion est en effet totalement sous-estimé ! Réunir si longuement des gens si bien payés, pour qu'ils bronzent à la lumière bleue dont ils sont addictifs et qu'ils surfent sur internet pendant un travail supposé collaboratif est une très onéreuse imposture. Dans le monde de la visioconférence interminable, le résultat productif est encore plus minable : après 20  à 25 minutes de loyale tentative pour rester "connecté", pendant que soliloque de son "animateur", notre esprit aspire à l'évasion. Les écrans deviennent alors autant de paravents pour benoîtement cacher nos autres subreptices activités...

Ces avancées n'ont -elles pas poussé les entreprises à recourir à des employés de niveaux supérieurs, exigeant des salaires plus élevés, pour maintenir des niveaux de production similaires ? 

Au niveau des collaborateurs, assurément pas. Pour un même salaire et des responsabilités équivalentes, c'est précisément le contraire : méconnaître les outils d'interactions et de d'information d'usage courant est disqualifiant. Et fort heureusement, la culture de l'information et de ses outils procède le plus souvent du domaine privé. 
Mais un point essentiel demeure, principal paradoxe que vous n'évoquez pourtant pas : alors que l'information est devenue aussi pléthorique que sujette à caution, véhiculée par une multitude d'outils et de médias, il semble que jamais la communication n'aie autant fait défaut, de même que l'intelligence collaborative. On pourrait même y voir une proportionnalité inverse : plus il y a d'informations, sur nombre d'outils, moins il y a de communication et de collaboration

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