Joe&nbsp;Biden&nbsp;re&ccedil;oit ce vendredi le chancelier allemand Olaf Scholz, l'occasion d'envoyer &agrave; Moscou et P&eacute;kin un message d'unit&eacute; apr&egrave;s une passe d&eacute;licate entre deux des principaux soutiens &agrave; Kiev. Cette visite, destin&eacute;e &agrave; "r&eacute;affirmer les profonds liens d'amiti&eacute;" entre les deux pays selon la Maison Blanche, est la deuxi&egrave;me du dirigeant allemand apr&egrave;s f&eacute;vrier 2022.
Elle intervient apr&egrave;s une p&eacute;riode de crispations entre Washington et Berlin autour des difficiles discussions sur la livraison de chars &agrave; l'Ukraine. L'absence au programme de conf&eacute;rence de presse commune a ainsi suscit&eacute; des interrogations dans la presse allemande, bien que le pr&eacute;sident am&eacute;ricain n'en donne pas syst&eacute;matiquement quand il re&ccedil;oit un dirigeant &eacute;tranger.
Cette question a &eacute;t&eacute; "massivement sur-interpr&eacute;t&eacute;e", assure le porte-parole du chancelier, Steffen Hebestreit, pour qui il s'agit d'une "courte visite de travail". Entre Joe&nbsp;Biden&nbsp;et Olaf Scholz, il s'agira notamment de se concerter sur les d&eacute;veloppements du conflit en Ukraine: "comment seront les prochains mois en Ukraine? Qu'est-ce que cela signifie pour le soutien que les alli&eacute;s peuvent apporter" au pays, a-t-il expliqu&eacute;.
Pour lui, les relations entre les Etats-Unis et l'Allemagne, d&eacute;pendante de l'Otan et de la protection militaire am&eacute;ricaine, sont "tr&egrave;s bonnes" malgr&eacute; des hauts et bas depuis que Joe&nbsp;Biden&nbsp;est au pouvoir

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Joe Biden reçoit Olaf Scholz pour un message d'unité adressé à la Russie et la Chine

"Zeitenwende" : le tournant stratégique décidé par l’Allemagne peine à dépasser le stade des mots

Atlantico : La guerre en Ukraine a commenc&eacute; il y a un an. Dans la foul&eacute;e, Scholz a prononc&eacute; un discours connu sous le nom de Zeitenwende, ou tournant, pour l'arm&eacute;e et la g&eacute;opolitique. Les actions de l'Allemagne correspondent-elles &agrave; sa rh&eacute;torique initiale ? Ou les mots sont-ils rest&eacute;s des mots ?
 
Julian St&ouml;ckle : Il y a eu un Zeitenwende sur l'abandon du gaz russe, mais pas pour la g&eacute;opolitique et certainement pas pour l'arm&eacute;e, m&ecirc;me si les choses commencent &agrave; bouger maintenant sous le nouveau ministre de la D&eacute;fense. Jusqu'&agrave; r&eacute;cemment cependant, tout l'appareil de d&eacute;fense allemand &eacute;tait bloqu&eacute; en mode temps de paix. Il a fallu &agrave; l'Allemagne jusqu'&agrave; la fin de l'ann&eacute;e derni&egrave;re pour passer la premi&egrave;re commande militaire plus importante, et Scholz a constamment tra&icirc;n&eacute; des pieds pour envoyer de nouveaux &eacute;quipements militaires en Ukraine.
Dans son discours il y a un an, Scholz a promis plus de 2 % de d&eacute;penses pour la d&eacute;fense &agrave; l'avenir. Nous avons d&eacute;pens&eacute; 1,44&nbsp;% l'ann&eacute;e derni&egrave;re et nous sommes sur la bonne voie pour d&eacute;penser environ 1,6&nbsp;% cette ann&eacute;e. Nous n'en sommes clairement pas encore l&agrave;. Jusqu'&agrave; pr&eacute;sent, il semble que la "nouvelle vitesse de l'Allemagne", comme aime &agrave; le dire le gouvernement Scholz, n'a &eacute;t&eacute; qu'une merveille de GNL &agrave; un coup plut&ocirc;t qu'une toute nouvelle approche politique pour les questions urgentes. Sur le plan op&eacute;rationnel, nous n'avons toujours pas revu nos processus et nos structures pour nous assurer que nous sommes pr&ecirc;ts &agrave; agir rapidement comme cela est n&eacute;cessaire &agrave; une &eacute;poque d'agressions imp&eacute;riales russes en Europe.
Et strat&eacute;giquement, l'Allemagne ne consid&egrave;re toujours pas la dissuasion militaire comme un moyen appropri&eacute; de diplomatie. Les politiciens ne parlent pas de l'arm&eacute;e, et les gens &agrave; leur tour ne la comprennent pas bien. Mais pour obtenir l'adh&eacute;sion de la population &agrave; une approche diff&eacute;rente de la d&eacute;fense, vous devez expliquer pourquoi nous en avons besoin, ce qu'elle fait et comment nous devrions la changer. Cela ne se fait gu&egrave;re. De plus, Scholz risque de commettre les m&ecirc;mes erreurs sur la Chine que l'Allemagne sur la Russie, en s'accrochant &agrave; des d&eacute;pendances rentables qui pourraient nous hanter plus tard si nous ne les r&eacute;duisons pas maintenant.
O&ugrave; le plus de progr&egrave;s a-t-il &eacute;t&eacute; accompli jusqu'&agrave; pr&eacute;sent ?
Clairement sur la gestion de l'&eacute;limination du gaz russe. Le ministre de l'&Eacute;conomie, Robert Habeck, membre du parti vert, a construit des terminaux GNL &agrave; la vitesse de l'&eacute;clair de 9 mois et a &eacute;limin&eacute; l'&eacute;nergie russe en six mois. Principalement de mani&egrave;re proactive, puis avec l'aide de la Russie qui a coup&eacute; les derniers 20 % de gaz fin ao&ucirc;t. Les craintes d'un hiver froid &eacute;taient bien exag&eacute;r&eacute;es, comme il s'est av&eacute;r&eacute;.
Sur les 100 milliards de fonds militaires sp&eacute;ciaux, au moins environ un tiers est actuellement li&eacute; par contrat, contre presque rien il y a trois mois. De plus, l'aide militaire de l'Allemagne &agrave; l'Ukraine est importante en chiffres absolus. C'est maintenant le 3e plus grand donateur bilat&eacute;ral, ayant livr&eacute; certains syst&egrave;mes cl&eacute;s de d&eacute;fense a&eacute;rienne et, plus tard, &eacute;galement des chars Leopard. Et pourtant, il a pour approche de ne l'envoyer qu'en cas de pression croissante, ce qui n'est tout simplement pas suffisant au milieu d'une guerre dont l'issue est absolument critique pour la s&eacute;curit&eacute; europ&eacute;enne.
Par exemple, la chancellerie a d&eacute;clar&eacute; en avril de l'ann&eacute;e derni&egrave;re qu'elle d&eacute;ciderait bient&ocirc;t des livraisons de v&eacute;hicules de combat d'infanterie Marder demand&eacute;es par l'Ukraine, mais elle avait besoin de Macron pour les visser en poursuivant les livraisons d'AMX-10 RC, jusqu'&agrave; ce qu'il le fasse finalement. d&eacute;but janvier de cette ann&eacute;e. Cependant, il y a une raison particuli&egrave;re d'esp&eacute;rer, et c'est le nouveau ministre de la D&eacute;fense Boris Pistorius, qui a pris ses fonctions en janvier et a jusqu'&agrave; pr&eacute;sent d&eacute;fini les bonnes priorit&eacute;s, le bon ton et agi rapidement - ce qui est assez diff&eacute;rent dans la fa&ccedil;on dont l'Allemagne s'occupe depuis longtemps de la d&eacute;fense.
Derni&egrave;re chose &agrave; noter sur la messagerie de Scholz. Il ne d&eacute;finit malheureusement toujours pas les objectifs de notre soutien &agrave; l'Ukraine en cas de victoire, explique &agrave; peine ses d&eacute;cisions et ne parvient pas &agrave; assumer un v&eacute;ritable leadership tant dans la port&eacute;e que dans le calendrier. Mais il y a au moins quelques petites am&eacute;liorations, m&ecirc;me si elles partent d'un niveau de r&eacute;f&eacute;rence tr&egrave;s bas. Le 27 f&eacute;vrier, il y a un an, il parlait davantage des Russes que de l'Ukraine et d&eacute;clarait que la r&eacute;conciliation des Allemands et des Russes - plut&ocirc;t que des Sovi&eacute;tiques - est un chapitre important de notre histoire. Hier en revanche, il a commenc&eacute; son discours devant le parlement en citant un auteur ukrainien et en mettant en lumi&egrave;re les crimes de guerre russes dans les villes ukrainiennes.
Dans quelle mesure les politiciens sont-ils divis&eacute;s sur cette question au sein de la coalition ? Qu'en est-il de la position du ministre de la D&eacute;fense par rapport &agrave; celle de Scholz ?
Concernant les livraisons de chars, c'est en effet un groupe restreint mais d&eacute;termin&eacute; et vocal de parlementaires de tous les grands partis, en particulier des Verts et du FDP lib&eacute;ral au sein de sa propre coalition, qui a pouss&eacute; &agrave; plus de soutien &agrave; l'Ukraine et &agrave; une Zeitenwende plus rapide. En revanche, c'est surtout la chancellerie et un noyau de membres de son parti social-d&eacute;mocrate qui n'avaient que peu d'app&eacute;tit pour trop d'ambition pour soutenir l'Ukraine et changer la politique &eacute;trang&egrave;re plus large de l'Allemagne. Au sein de son cabinet, Scholz a &eacute;t&eacute; &agrave; plusieurs reprises en d&eacute;saccord avec sa ministre des Affaires &eacute;trang&egrave;res r&eacute;formatrice, Annalena Baerbock des Verts, sur le calendrier de l'aide militaire, les relations avec la Chine et le placement d'un potentiel Conseil de s&eacute;curit&eacute; nationale, entre autres.
Par rapport &agrave; Scholz, les paroles et les actions ont &eacute;galement &eacute;t&eacute; tr&egrave;s diff&eacute;rentes de la part du nouveau ministre de la D&eacute;fense Boris Pistorius. Il est du parti social-d&eacute;mocrate de Scholz, mais les deux pourraient difficilement &ecirc;tre plus diff&eacute;rents. R&eacute;cemment, lors de la conf&eacute;rence de Munich sur la s&eacute;curit&eacute;, Pistorius a appel&eacute; &agrave; une victoire ukrainienne et a &eacute;t&eacute; rapide, pragmatique et efficace pour assembler la coalition de chars Leopard. Homme d'action qui ne joue pas aux jeux de bl&acirc;me, il a &eacute;pargn&eacute; les critiques des erreurs pass&eacute;es des ministres conservateurs de la D&eacute;fense, et il a r&eacute;uni des responsables allemands et polonais et des repr&eacute;sentants de l'industrie &agrave; Munich pour r&eacute;parer la coalition Leopard.
Pistorius a d&eacute;clar&eacute; cette semaine que "nous n'avons pas de forces arm&eacute;es capables de d&eacute;fendre l'Allemagne". Tout le monde le savait avant, mais finalement il y a quelqu'un qui dit haut et fort, avec un appel pour le changer. Alors que Scholz parlait &agrave; Munich d'une augmentation durable &agrave; 2% plut&ocirc;t que d'une hausse au-del&agrave; de la r&eacute;f&eacute;rence de l'OTAN, Pistorius a d&eacute;clar&eacute; juste avant la conf&eacute;rence qu'il mettrait tout en &oelig;uvre pour d&eacute;passer l'objectif de 2% car les t&acirc;ches &agrave; venir ne pouvaient pas &ecirc;tre remplie autrement.
L'opinion publique sur la question a-t-elle chang&eacute; ? Ou les Allemands sont-ils toujours favorables &agrave; l'ancienne politique ?
Dans l'ensemble, les Allemands soutiennent le Zeitenwende. Une majorit&eacute; &eacute;crasante de 85 % convient que les forces arm&eacute;es doivent &ecirc;tre mieux &eacute;quip&eacute;es et que le pays doit investir davantage dans l'arm&eacute;e pour y parvenir. C'est-&agrave;-dire que les Allemands sont de plus en plus pr&eacute;occup&eacute;s par leur propre s&eacute;curit&eacute; et que beaucoup ont peu confiance dans les capacit&eacute;s de d&eacute;fense actuelles pour repousser une attaque potentielle sur le territoire de l'OTAN.
Seuls quelques Allemands souhaitent cependant que leur pays assume un leadership militaire en Europe alors que les deux tiers s'y opposent. Ils sont plut&ocirc;t favorables &agrave; une approche de retenue face &agrave; la crise et &agrave; toute forme d'engagement militaire actif en particulier. C'est cependant tr&egrave;s diff&eacute;rent pour le soutien mat&eacute;riel de l'&eacute;quipement militaire &agrave; l'Ukraine. Une grande majorit&eacute; de plus de 70% des Allemands soutiennent l'approche actuelle consistant &agrave; fournir une aide militaire &agrave; l'Ukraine. Un tiers d'entre eux souhaiteraient voir plus de soutien. Les Allemands sont &eacute;galement de plus en plus favorables &agrave; l'adh&eacute;sion de l'Ukraine non seulement &agrave; l'UE mais aussi &agrave; l'OTAN.&nbsp;
En ce qui concerne la Chine, les deux tiers des Allemands souhaitent r&eacute;duire leur d&eacute;pendance vis-&agrave;-vis de la Chine, ce qui contraste en partie avec l'approche de Scholz qui consiste &agrave; s'engager &agrave; r&eacute;duire les risques et &agrave; se diversifier, mais pas &agrave; se d&eacute;coupler. Il y a une question plus importante quant aux compromis que les populations allemandes seraient pr&ecirc;tes &agrave; accepter, mais un d&eacute;bat honn&ecirc;te sur les implications de la r&eacute;duction des d&eacute;pendances &agrave; la demande chinoise et aux garanties de s&eacute;curit&eacute; am&eacute;ricaines fait jusqu'&agrave; pr&eacute;sent d&eacute;faut.
Le Zeitenwende peut-il avoir lieu si l'opinion publique ne bouge pas ?
R&eacute;ponse courte, non. Mais la bonne nouvelle est que les Allemands sont d&eacute;j&agrave; largement d'accord avec les changements de politique sur des questions o&ugrave; ils voient tr&egrave;s concr&egrave;tement la n&eacute;cessit&eacute; d'un changement. Beaucoup se rendent compte qu'il est important d'aider un pays sous une attaque impitoyable avec des armes et de mettre plus d'argent dans sa propre arm&eacute;e. Ils ont &eacute;galement &eacute;t&eacute; t&eacute;moins de la fa&ccedil;on dont un r&eacute;gime autocratique comme la Russie peut militariser les d&eacute;pendances. Pour les choix moins tangibles, tels que le niveau auquel l'Allemagne peut s'engager dans les affaires internationales ou m&ecirc;me la concurrence syst&eacute;mique, et si elle choisit d'assumer la force militaire dans sa bo&icirc;te &agrave; outils de moyens diplomatiques, il faudrait des dirigeants qui expliquent &agrave; la population pourquoi c'est n&eacute;cessaire. Je vois &agrave; peine cela se produire, surtout pas de Scholz.&nbsp;
La question la plus int&eacute;ressante va cependant dans l'autre sens. Compte tenu du soutien ou du moins de l'adh&eacute;sion potentielle de la soci&eacute;t&eacute; allemande, le gouvernement Scholz fera-t-il du Zeitenwende une r&eacute;alit&eacute; en 2023 ? &Agrave; la mi-avril, les Allemands &eacute;taient assez clairement favorables &agrave; la livraison de chars &agrave; l'Ukraine, avec plus de 50 % pour et quelque 35 % contre. Lorsque Scholz a suscit&eacute; la peur d'une escalade nucl&eacute;aire &agrave; la suite de livraisons d'armes dans une interview de Spiegel plus tard en avril, l'opinion publique s'est d&eacute;plac&eacute;e vers une division &eacute;gale peu de temps apr&egrave;s. En janvier 2022, en revanche, les Allemands &eacute;taient d'abord divis&eacute;s sur l'opportunit&eacute; d'envoyer des IFV et des chars, mais &eacute;taient ensuite largement d'accord une fois qu'Olaf Scholz avait annonc&eacute; et motiv&eacute; la livraison. Cela montre qu'il est bien capable de fa&ccedil;onner les perceptions du public.&nbsp;
Plut&ocirc;t que le chancelier lui-m&ecirc;me, c'est donc la population allemande, ainsi qu'une coalition improbable de parlementaires r&eacute;formateurs de tous les partis et de partenaires internationaux, qui a conduit le Zeitenwende, en particulier en ce qui concerne le soutien militaire &agrave; l'Ukraine, et le chancelier a finalement suivi.
Julian St&ouml;ckle, Conseil allemand des relations &eacute;trang&egrave;res

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Atlantico Rédaction

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