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Twitter : un très gros trou d’air moins inquiétant qu’il n’en a l’air ?
©Twitter

L'oiseau qui cache la forêt

Après l'annonce d'une baisse du nombre d'inscrits, le cours de l'action de Twitter a chuté de 14%. Pour autant, la particularité de Twitter devrait inciter les observateurs à ne pas s'inquiéter face à ce phénomène qui ne devrait pas avoir de conséquences négatives sur le réseau social.

Erwan le Nagard

Erwan le Nagard

Erwan le Nagard est spécialiste des réseaux sociaux. Il est l'auteur du livre "Twitter" publié aux éditions Pearson et, Social Media Marketer. Il intervient au CELSA pour initier les étudiants aux médias numériques et à leur utilisation.

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Atlantico : Le cours de l'action de Twitter a chuté de 14% cette semaine après l'annonce d'une baisse de nombre d'inscrits. Comment peut-on expliquer cette baisse du nombre d'inscrits ? Qu'est-ce que cela révèle ? Faut-il pour autant s'en inquiéter ? 

Erwan le Nagard :Twitter est une plateforme en bonne santé. L’entreprise américaine a récemment annoncé ces résultats trimestriels, présentant une hausse de 8 millions d’utilisateurs supplémentaires, ce qui porte l’audience du site à 316 millions de membres. De plus, Twitter a augmenté de 61% son chiffre d’affaires, principalement lié à la vente d’espaces publicitaires, en générant 502 millions de dollars, surpassant les attentes de Wall Street, qui attendait des revenus à hauteur de 481 millions de dollars. Néanmoins, ces résultats positifs ont été occultés par la relative stagnation de l’audience du réseau social.

Le nombre de nouveaux membres est relativement faible en comparaison des précédentes évolutions de la plateforme, ainsi que de son grand rival Facebook qui a annoncé au même moment connecter plus 1,49 milliards d’utilisateurs. De plus, l’organisation de Twitter a été bousculée avec le départ récent de son Directeur Général, Dick Costollo, et la reprise de ces fonctions par le cofondateur de la plateforme, Jack Dorsey. Celui-ci a reconnu que les efforts mis en œuvre ce trimestre pour développer l’audience de Twitter n’avaient pas encore produit leurs effets. La réaction du marché est pourtant paradoxale, puisque Twitter a prouvé que la monétisation de son site est en marche !

Qu'est-ce qui différencie un réseau social comme Twitter de Facebook ?

Initialement, Twitter est une plateforme de publication de contenus au format SMS, pas véritablement un « réseau social ». Puis, au fil des années, des fonctions de réseautage se sont adjointes à son interface, mais ce qui compte le plus pour Twitter, c’est de développer le volume de ses contenus partagés sur sa plateforme, comme Youtube. Il faut bien évidemment que Twitter acquiert des utilisateurs pour que ces contenus soient produits et consommés, mais cela est presque secondaire. Le chiffre le plus important concernant Twitter est donc celui de la consommation de contenus et pas forcément son nombre d’utilisateurs actif : 1 milliard de tweets sont publiés tous les deux jours. A l’inverse, Facebook est, par essence, un réseau social sur lequel l’objectif premier de ses utilisateurs est de se connecter entre eux, c’est pourquoi la firme de Mark Zuckerberg communique essentiellement sur son nombre d’utilisateurs (1,49 milliards de membres actifs).

Lequel des deux réseaux social se protège mieux des concurrents ? Quelle est la stratégie de Twitter ?

Les stratégies de Twitter et Facebook sont très similaires car chaque plateforme cherche à se rendre indispensable pour les internautes, en proposant une interconnexion entre des utilisateurs et des contenus, tout en monétisant leurs interfaces à l’aide d’un modèle publicitaire. Facebook et Twitter doivent donc prouver au marché que leur audience croit, que leurs contenus attirent les internautes et qu’ils arrivent à dégager des recettes publicitaires. Simplement, Facebook et Twitter s’appuient sur des modèles différents pour mettre les internautes en relation entre eux. Facebook est un service sur lequel on se constitue un graphe de relations proches : d’abord ses amis, puis ses collègues, ses connaissances, etc. tandis que Twitter permet de se connecter plus simplement à des individus avec lesquels on entretien un lien lâche mais avec qui on partage un intérêt. Sur Twitter, on peut facilement échanger avec Lady Gaga ou Barack Obama. Par conséquent, chaque plateforme cherche à développer ses revenus et son audience en respectant son ADN : Twitter oriente sa stratégie sur le développement et la monétisation de son contenu (partenariat avec les éditeurs, les médias et chaines de TV, acquisitions d’entreprises dans le domaine du mobile…), là où Facebook privilégie la croissance de sa base d’utilisateurs (rachat de Whatsapp et d’Instagram pour s’accaparer leurs bases composées de millions d’utilisateurs).  Enfin, pour devenir véritablement indispensables aux yeux des internautes et des acteurs du digital, Facebook et Twitter proposent chacun leur API, c’est-à-dire des services mis à disposition des développeurs ou des entreprises leur permettant d’utiliser des fonctionnalités de ces réseaux sociaux. Par exemple, une entreprise peut proposer à ses clients de se connecter à leur espace personnel à l’aide de leurs comptes Facebook. Avec Internet.org, Facebook va d’ailleurs encore plus loin en proposant une connexion Internet gratuite à plus d’1 milliard de personnes.

Comment mesurer correctement la bonne santé de Twitter ? Qu'est-ce qui en fait un réseau social si différent ?

Actuellement, Twitter est une plateforme beaucoup moins mature que Facebook, qui n’a été adopté que par les utilisateurs les plus enthousiastes aux nouvelles technologies. Ce n’est pas encore un réseau généraliste et grand public comme Facebook et bien que Twitter s’internationalise, il n’est présent que sur une trentaine de marchés. Jack Dorsey résume les enjeux de Twitter par la simplification de son service et la mise en œuvre de ses promesses afin de démontrer sa valeur ajoutée. On pourra mesurer les effets de cette stratégie en regardant la production, la diffusion et l’audience massive de ses contenus.

La publication de contenu est-elle affectée par cette tendance à la baisse ? Les deux phénomènes sont-ils liés ou indépendants ? 

Actuellement non, le nombre d’utilisateurs augmente, ils viennent consulter régulièrement ces contenus et ils en produisent de plus en plus. Les éditeurs professionnels, et notamment les chaines de TV sont de véritables relais de croissance pour Twitter, qui a permis une fluidification de la production informationnelle. Aujourd’hui, quelle émission de TV ne présente pas un tweet, un hashtag ou une mention de son compte à l’écran ? Quelle actualité n’a pas été relayée sur Twitter ? Bien évidemment, le jour où le nombre d’utilisateurs de Twitter déclinera, on pourra s’attendre à une baisse de ses contenus, mais aujourd’hui, c’est loin d’être le cas.

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