"Sous un ciel de faïence", de Céline Laurens<!-- --> | Atlantico.fr
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Céline Laurens signe un deuxième roman qui est un éloge du quotidien et de sa part imperceptible de poésie, et révèle ainsi de posséder « la reine des facultés » si chère à Baudelaire.
Céline Laurens signe un deuxième roman qui est un éloge du quotidien et de sa part imperceptible de poésie, et révèle ainsi de posséder « la reine des facultés » si chère à Baudelaire.
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Un éloge du quotidien

Avec « Sous un ciel de faïence » Céline Laurens signe un deuxième ro-man où elle réaffirme sa capacité à créer un authentique univers romanesque servi par une langue originale, en faisant l’éloge du quotidien et de sa part de merveilleux. Dans les coulisses d’un théâtre de l’absurde, elle nous invite avec humour et subtilité à (ré)apprendre à voir et à écouter.

Alice Ruffi

Alice Ruffi

Alice Ruffi, issue d’une famille d’amateurs d’art, est une lectrice passionnée de tous ces auteurs « irréguliers » d’hier et d’aujourd’hui, dont l’écriture nous éclaire et nous transforme.

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Lorsqu’un premier roman est récompensé et fait l’objet d’articles élogieux de la part de la critique, il ne va pas de soi de réussir le deuxième. Céline Laurens, révélation du prix Nimier 2022 pour « Là où la caravane passe », a relevé le défi avec succès.

« Sous le ciel de faïence » a l’allure d’un feuilleton enchaînant les épisodes rocambolesques de la vie de quelques personnages hauts en couleur dont Madeleine, Henri, René-Charles et Amandine ainsi que le trio inséparable de la bande à Hervé, pour ne citer que les principaux.

Hormis de brèves escapades dans Paris, en Bretagne ou dans la Sarthe, nous sommes plongés dans les tunnels et les couloirs du métro parisien. Jacques, le protagoniste de l’histoire, est un conducteur de la ligne 6. Nous partageons son quotidien que beaucoup d’entre nous se limitent à croiser le temps d’une traversée souterraine de la ville. Rien de plus ordinaire. Mais « la vie parisienne est féconde en sujets poétiques et merveilleux » écrit Baudelaire. Et c’est précisément de cette vie ordinaire que Céline Laurens fait jaillir le merveilleux qui s’y recèle. Même Henri, le sage du groupe, affirme que « la poésie c’est du vivant, c’est le couteau suisse de la vie de tous les jours. »

Tels Alice au pays des merveilles, nous accédons alors dans un monde recouvert d’un carrelage blanc laiteux où Jacques a promis à son collègue Henri de poursuivre après son départ à la retraite, l’écriture du « récit des habitants du monde d’en bas ». Car dans cet univers tout est sauf ordinaire. À commencer par la ligne 6 qui, de l’Etoile à la Nation, comprend treize stations aériennes sur les vint-six existantes, et auxquelles Jacques est très attaché. Un trajet d’Est en Ouest, du Nord au Sud, alternant la lumière à l’obscurité.

Et surtout il y a Madeleine, sa femme, être pour le moins étrange, rencontrée aux guichets de la station Madeleine avant qu’il ne devienne conducteur… ! Leur histoire d’amour forme le coeur du récit.

Racontant les faits et les méfaits de leur quotidien avec des propos parfois grinçants mais toujours débordant d’humour et de tendresse, Jacques finit par s’en émerveiller lui-même : « C’est fou d’aimer quelqu’un pour ce qu’il est, entièrement, pour ce qu’il a d’humain ». Des scènes qui ravivent celles inoubliables  du film « Antoine et Antoinette » de Jacques Becker.

En constat d’échec perpétuel, en marge de la société, ces « habitants du monde d’en bas » ne sont pas des héros mais exercent des petites vertus comme la loyauté, la générosité ou la gratitude, et semblent nous indiquer un chemin de sagesse pour faire de notre vie ordinaire une vie heureuse. Que Carlo Ossola dans ses « Vertus communes » (Les Belles Lettres, 2019) nous exhorte à embrasser : « Sincérité, ingénuité, authenticité : tel est, comme le vin « non frelaté », le premier degré de toute vertu du quotidien : une sorte de simplicité sans calcul, que le monde accorde justement aux « petites gens ». »

Céline Laurens signe un deuxième roman qui est un éloge du quotidien et de sa part imperceptible de poésie, et révèle ainsi de posséder « la reine des facultés » si chère à Baudelaire. Une invitation à préserver l’imagination dans nos vies qui seule rend vrai le possible car, comme le profère FX de la bande à Hervé : « Pour qui croit en ses rêves, rien n’est impossible ». Un parcours en plusieurs stations, sous un ciel de faïence, pour (re)devenir plus humains au contact des aventures de Jacques et de ses amis, entre rires et larmes.

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