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Rachel Khan : «  nous avons mal aux mots »
©JOEL SAGET / AFP

Atlantico Litterati

« Souchiens racisés », « intersectionnalité », « diversité »  : nous sommes accablés par tous ces mots « qui séparent », note Rachel Khan dans son essai « Racisée » (éditions de l’Observatoire).Ce livre jaillit tel un cri de ralliement . Il s’agit de relever la France vilipendée, attaquée, ridiculisée, au lieu de subir sans broncher la vindicte des minorités. Rachel Khan siffle la fin de la récré. « Résistons », déclare –t-elle. On accourt.

Annick Geille

Annick Geille

Annick GEILLE est écrivain, critique littéraire et journaliste. Auteure de onze romans, dont "Un amour de Sagan" -publié jusqu’en Chine- autofiction qui relate  sa vie entre Françoise Sagan et  Bernard Frank, elle publia un essai sur  les métamorphoses des hommes après  le féminisme : « Le Nouvel Homme » (Lattès). Sélectionnée Goncourt et distinguée par le prix du Premier Roman pour « Portrait d’un amour coupable » (Grasset), elle obtint ensuite le "Prix Alfred Née" de l'Académie française pour « Une femme amoureuse » (Grasset/Le Livre de Poche).

Elle fonda et dirigea  vingt années durant divers hebdomadaires et mensuels pour le groupe « Hachette- Filipacchi- Media » - tels le mensuel Playboy-France, l’hebdomadaire Pariscope  et «  F Magazine, »- mensuel féministe racheté au groupe Servan-Schreiber, qu’Annick Geille reformula et dirigea cinq ans, aux côtés  de Robert Doisneau, qui réalisait toutes les photos. Après avoir travaillé trois ans au Figaro- Littéraire aux côtés d’Angelo Rinaldi, de l’Académie Française, elle dirigea "La Sélection des meilleurs livres de la période" pour le « Magazine des Livres », qui devint  Le Salon Littéraire en ligne-, tout en rédigeant chaque mois une critique littéraire pour le mensuel -papier "Service Littéraire".

Annick Geille  remet  depuis quelques années à Atlantico -premier quotidien en ligne de France-une chronique vouée à  la littérature et à ceux qui la font : «  Litterati ».

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Pays des Lumières, patrie des Arts et Lettres, la France entre en résistance chaque fois que son socle civilisationnel paraît menacé. C’est le cas aujourd’hui alors que nous subissons  les discours déplacés de ces minorités qui, ayant avalé assez sottement les règles woke d’une « left »made in USA, nous  les servent à tous les repas, plus ou moins bien réchauffés. Nous  sommes tous gagnés par une lassitude exaspérée et sidérés par tant de haine. Les « racialistes » nés aux Etats-Unis ( culture puritaine qui n’a strictement rien à voir avec la nôtre) font de chacun d’entre nous-  si nous n’y prenons garde- une personne raciste  tant ces minorités agissantes insistent lourdement, pesamment, bêtement sur l’importance de la couleur des peaux. ( cf. la culture  étant définie comme « ce qui est commun à un groupe d'individus » « ce qui les soude », c'est-à-dire ce qui est appris, transmis, produit et inventé »). Dans le métro, sur les Champs Elysées, à Nantes ou Nice nous ne faisions aucune différence entre le passant blanc et  le voisin de couleur.  Les racialistes au contraire divisent le monde entre victimes et coupables, et les victimes sont tous ceux qui ne sont pas blancs. Bravo à Pascal Praud d’avoir braqué le projecteur sur  Rachel Khan et son « Racée » ( L’observatoire). Ce refus d’obéir fait événement et cristallisera la résistance de la France qui a toujours su agir lorsqu’il s’agissait de défendre  une civilisation décidemment pas comme les autres. Il y a urgence puisque malgré les avertissements de l’Académie française et des écrivains  dignes de ce nom, notre langue elle –même (ce que nous avons de plus cher, coffre-fort de notre culture et de nos imaginaires) est attaquée, rongée, défaite au nom de l’écriture inclusive, et du respect d’un féminisme « intersectionnel » mais surtout terriblement daté,  hier ringardisable et demain ringardisé.Dans vingt ans, cet idiome nous fera sourire.(cf. Cela fait bientôt 30 ans que Kimberlé Crenshaw, professeure de droit, a théorisé le concept d’intersectionnalité. Dans l’article du Washington Post-« intersectionnality can’t wait »- elle revient sur les fondements de son travail :« L’intersectionnalité est une sensibilité analytique, une façon de penser l’identité dans sa relation au pouvoir. » #WhyWeCantWait/cf. AUX RACINES DE L’AFRO-FÉMINISME).Avec tout le respect et l’amitié que nous éprouvons tous  en France pour les afro-féministes, quel rapport y aurait -il entre ce courant de pensée  et le pays de Voltaire ? Le pays des Salons Littéraires animés par des intellectuelles, souvent belles et pas mécontentes qu’on le leur dise ; la France, patrie d’une relation femme-homme particulière, qui n’est pas ce qu’elle est ailleurs (en particulier dans les pays anglo-saxons  ). « Alors j’ai compris que ce n’était pas moi qui les intéressait mais ma couleur », constate Rachel Khan dans « Racée », citant Romain Gary ( qu’elle interpréta au théâtre). La couleur de peau ! Le premier critère, le seul qui importe aux yeux des minorités agissantes mais peu pensantes. Car ceux qui pensent ne font pas partie de ces troupes qui veulent franciser la cancel culture et la woke left. Pourquoi ? Parce que malins comme tout, et quelle que soit leur couleur de peau, ils savent qu’aujourd’hui en France, et dans toute l’Europe en fait, cette couleur n’a guère la priorité, ni dans le domaine des affaires ni dans celui de la création. Ce qui compte, en France aujourd’hui -et l’on rougit de le rappeler- que l’on soit jaune, blanc, noir, ou « autre », c’est le fait d’avoir un minimum de savoir-faire et /ou de talent dans son domaine de compétence. Point  final. « Pour se donner la plus grosse part du gâteau victimaire, banlieues à l’appui,  ils nous veulent concentrés dans l’enclos qu’ils ont installé. ».Grotesques effets de manches, moches mots inventés pour une fausse égalité qui n’a pour vocation que d’abîmer la grammaire, réduire le vocabulaire, détruire ce qui fait notre fierté : la langue, c’est -à -dire le phrasé, la cadence, le rythme,  quand l’écriture en France a toujours été quelque chose d’essentiel, je dirais même de sacré. Plus et mieux règne partout le digital, plus nous écrivons : nous l’avons tous remarqué. Or la forme,  dans la vie comme dans nos écrits, c’ est essentiel. Si la forme est anéantie, le style se meurt, la phrase s’appauvrit, le contrat se résilie, le roman périt. On s’étonne de constater que  la plupart des élèves ne savent plus  suivre certains cours truqués, alambiqués : les enseignants résistent  et dénoncent l’inanité des règles de la novlangue à la Orwell,  ridicules préciosités faites pour déplaire et plaire aux minorités  qui se plaisent- ignares comme elle le sont presque toujours-à singer les règles de la woke left, comme si dans nos régions françaises, l’on pouvait  adopter le verbe et les mœurs des texans, californiens,  gens de Boston, de Washington, peuplades de Philadelphie et autres tribus new-yorkaises. Il faut n’avoir jamais rien lu, rien appris ni compris pour croire durable et souhaitable une telle laideur sémantique au pays du Verbe. « Plus le langage est pauvre, moins la pensée existe, et plus les incompréhensions engendrent la haine. Des études ont montré que l’incapacité à mettre  des mots sur les émotions  provoque les pires tensions. Les mots façonnent les esprits, qui eux-mêmes déterminent notre vision du monde. (…) Nous baignons  dans le sens unique.( …) Mal armés, mal aimés, nous avons mal aux mots. » La forme, en France, c’est le fond. Il faut ne rien savoir de la culture française pour pouvoir penser que l’on peut remplacer d’une génération à l’autre les règles lexicales et le sens de toujours par d’autres règles que celles- ancestrales- qui animent superbement les phrases de Racine, Proust, Molière :  ce rythme du verbe français, le pouls de notre langue,  ce cœur battant au fil de notre Histoire et du progrès des mots nouveaux ( par opposition à la Novlangue)  que nous aimons trouver ou vérifier dans les pages du Petit Robert ou du  Grand Larousse. « La fracture sociale et raciale  trouve désormais dans la langue  un endroit où se vivre ».Le latin et le Grec  de nos origines ? A la poubelle. Trop compliqué.  Pas assez woke, pas assez left.. Tropconservateur! Heureusement, pour l’espoir et la compréhension des phénomènes de société traversant la société Française d’aujourd’hui, il y a la pensée de Rokhaya Diallo, telle qu’elle apparaît dans ses ouvrages(cf. « À mi-chemin entre l'autobiographie et le guide de développement personnel, ce récit de Rokhaya Diallo, née dans le Paris populaire de la fin des années 1970, relate le parcours inspirant d'une femme qui a réussi à s'extraire de sa condition, à mobiliser toutes ses ressources pour s'élever socialement et intellectuellement » dit l’éditeur) ; étoile médiatique d’une époque qui prend les vessies pour des lanternes, Dame Diallo dit les choses comme elles sont  : « La centralité de l’identité blanche paradoxalement présente de manière implicite et donc perçue comme neutre rend son appréhension très difficile. » ( « La France tu l’aimes ou tu la fermes »( sic» (cf. Le point de vue de  Textuel, l’éditeur de ce « livre »  « Très sollicitée aujourd'hui dans les médias, figure majeure du féminisme et de l'antiracisme, R D livre ici un concentré de ses combats en 55 tribunes. (…)L'ouvrage couvre 10 ans d'intervention sur des sujets qui dérangent et que Rokhaya Diallo a réussi à pousser sur le devant de la scène. »Comme celui-ci  « Il y a une différence entre la ségrégation subie et nourrie par le pouvoir et la non-mixité temporaire choisie par les personnes vulnérables (re- sic). » Et aussi : «  Si le pays se prétend neutre, il semble pourtant se vivre comme blanc et de culture chrétienne» Ah oui, vous croyez ?  Et encore (car l’ on ne se lasse pas de cette richesse sémantique) :  « Mais si l’identité est composite, elle n’est pas divisible » ( « Racisme mode d’emploi »/Textuel) « En réaction à l’intervention de Rachel Khan chez Pascal Praud sur CNEWS, Rokhaya Diallo, souffrant de ce trop-plein de gloire consacrant la supériorité de sa meilleure ennemie a rédigé un tweet avec cette fluidité du Verbe, cette richesse sémantique dont nous savons désormais qu’ils la caractérisent : « Tant qu’on les caresse dans le sens du poil et qu’on chante les louanges de la France, ils nous adorent ».Du coup, galvanisés, nous ouvrons à nouveau ses « livres » : « Car cela ne doit pas induire de culpabilité individuelle, et implique a minima la conscience de l’existence de ces privilèges et la volonté de démanteler un système inégalitaire même s’il a été historiquement conçu en sa faveur ». ( « La France tu l’aimes ou tu la fermes »/Textuel).

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Et ce d’autant plus que «

Lorsque des groupes sont racialisés, cela induit une universalisation du « neutre » des autres. Ainsi, des femmes et des hommes sont déclaré-e-s de couleur, universalisant le « neutre » de la couleur blanche, acceptée de fait comme la référence non questionnée.

Pendant ce temps, Rachel Khan (« qui porte en elle la mémoire de la Shoah du côté maternel et celle de l'esclavage du côté de son père africain ») lit Edouard Glissant (1928-2011) …  « Aux antipodes des replis identitaires racisés qui empêchent d’aller vers l’autre, la « créolisation »  signée Glissant implique une identité plurielle, mutante, racée. ». Tout ce que l’on aime, en France et ailleurs.Lire ou relire Glissant, ce géant qui n’était pas blanc.

Plus besoin de compétences avec "la diversité"

Rachel Khan a raison, la France, patrie des Lumières et des Salons Littéraires, peut et doit résister à la bêtise  en vogue dans la  sous-culture"woke".

Extrait : "Un beau matin,  sans prévenir personne, ils ont décidé que j'étais de la "diversité".

Lorsque je dis "ils", je ne sais pas qui exactement. Il y avait une sorte de petite musique qui disait :"Il faut des des gens de la diversité." A priori, des gens comme moi.
Certains ont pris le temps de requalifier ma peau, comme ça, tout seul dans leur tête. C'était comme pour le tirage au sort d'un jeu auquel on n'a pas participé. A cette époque, je ne réalise pas l'impact de ce qui m'arrive parce que je ne suis pas née comme ça, en étant de la diversité. C'est venu après, avec l'âge, Barack Obama et le monde post-racial. C'était très flatteut, autant d'attention d'un seul coup. Pour les élections, on me plaçait au devant de la scène. (...) La diversité est la catégorie de personnes qui ont la peau de" ceux qui n'ont inventé ni la poudre ni la boussole. Ceux qui n'ont jamais su dompter la vapeur ni l'électricité" ( cfAimé Cézaire, Cahier d'un retour au pays natal"). Elle se fonde sur une idée de la race pour donner une assise à la revendication des droits. Cette niche en préfabriqué consolide le dogme des identitaires. Tout en achetant la paix sociale, la diversité offre une base solide aux quotas. Dans la création, elle a permis la mise en place de commissions d'aides publiques qui ont pour objet de soutenir des projets de " la diversité"- pour faire simple, des projets de Noirs et d'Arabes. A contrario, les autres sont sans doute destinés aux Blancs. Plus besoins de compétences, ce qui compte, c'est  "la représentativité de la diversité". Ici le packaging est fondamental, même si la nullité est la même. La diversité n'a pas vocation à se mettre au travail. Le système l'épaule sur une base essentialiste. Beaucoup de fonds de soutien lui sont consacrés. Elle doit donc convaincre d'un nouveau besoin, sous couvert d'intérêt général : l'identification. Celle-ci serait essentielle à la construction des plus jeunes. Virer  un chroniqueur noir devient alors profondément injuste pour les petits enfants noirs. C'est ainsi que la diversité rend indéboulonnable. Et ça marche.(...)
(...) Comme elle implique d'être conforme à une certaine idée de l'immigration, elle ( la diversité ndlr) engendre une homogénéisation au sein même du concept. Les gens de la diversité sont donc tous pareils. Elle exige d'être le cliché de soi-même.
Copyright : « Racée » Éditions de L'Observatoire


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