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Prix littéraires : la semaine capitale
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Atlantico Litterati

Empêché par la crise sanitaire, le Grand Prix du roman de l’Académie française sera proclamé le 26 novembre. Le Goncourt et le Renaudot – retardés eux aussi- seront décernés le 30, avant la réouverture des librairies. Points de vue.

Annick Geille

Annick Geille

Annick GEILLE est écrivain, critique littéraire et journaliste. Auteure de onze romans, dont "Un amour de Sagan" -publié jusqu’en Chine- autofiction qui relate  sa vie entre Françoise Sagan et  Bernard Frank, elle publia un essai sur  les métamorphoses des hommes après  le féminisme : « Le Nouvel Homme » (Lattès). Sélectionnée Goncourt et distinguée par le prix du Premier Roman pour « Portrait d’un amour coupable » (Grasset), elle obtint ensuite le "Prix Alfred Née" de l'Académie française pour « Une femme amoureuse » (Grasset/Le Livre de Poche).

Elle fonda et dirigea  vingt années durant divers hebdomadaires et mensuels pour le groupe « Hachette- Filipacchi- Media » - tels le mensuel Playboy-France, l’hebdomadaire Pariscope  et «  F Magazine, »- mensuel féministe racheté au groupe Servan-Schreiber, qu’Annick Geille reformula et dirigea cinq ans, aux côtés  de Robert Doisneau, qui réalisait toutes les photos. Après avoir travaillé trois ans au Figaro- Littéraire aux côtés d’Angelo Rinaldi, de l’Académie Française, elle dirigea "La Sélection des meilleurs livres de la période" pour le « Magazine des Livres », qui devint  Le Salon Littéraire en ligne-, tout en rédigeant chaque mois une critique littéraire pour le mensuel -papier "Service Littéraire".

Annick Geille  remet  depuis quelques années à Atlantico -premier quotidien en ligne de France-une chronique vouée à  la littérature et à ceux qui la font : «  Litterati ».

Voir la bio »

En France, le livre est essentiel. Avec 511 romans publiés entre août et octobre selon « Livres- Hebdo », la rentrée littéraire  2020  ne dérogeait pas à la règle, malgré la crise sanitaire. Puis vint la « deuxième vague », et toute la chaine du livre fut endommagée. Programmes chamboulés, romans retardés, libraires au bord de la faillite .La dépression gagnait du terrain lorsque-Dieu merci-nous ressentîmes une sorte de frémissement. Nous allions à nouveau pouvoir choisir certains ouvrages sur les tables ou dans les rayons, lire quelques pages, et nous offrir un ou plusieurs livres. Début décembre allait sans doute voir cesser la fermeture des « commerces non essentiels  ». En 2018, Yann Queffelec -ami de longue date et mon voisin de table aux Prix Freustié- publia son récit autobiographique: « Naissance d’un Goncourt » (Calmann-Lévy).Yann savait que son héroïne, Françoise Verny, avait été mon éditrice et plus encore, car Françoise devenait toujours un peu la mère de ses auteurs. C’était une normalienne, agrégée de lettres, pratiquante, savante et libre. La plus grande éditrice de France. Yann et moi avons vécu un certain nombre de soirées chez Françoise, seuls ou en compagnie d’autres fidèles du 46 rue de Naples, plus ou moins allumés. Claude Durand, Jean-François Josselin, qui m’avait suivie au Freustié, Josyane Savigneau et tous ces auteurs qui lui devaient tant. Pour Yann Queffelec («  La vie je ne sais pas ce que c’est. Si la vie est un rêve, je veux bien rêver des milliers d’ années, et l écrire indéfiniment »), comme pour moi, Françoise incarnait une sorte de Pythie. D’une prodigieuse intelligence, La Verny agitait les destins. Cette fée avait par moments son côté Cruella mais c’était pour notre bien. Rien ne devait être plus important que le manuscrit en cours, même pas les bouclages, encore moins les amours. Françoise bousculait les vies. Il fallait travailler, ou disparaître. Et quand, sa Gitane-filtre à la main, dans sa robe noire, regard assorti, elle se levait de son fauteuil, c’était pour accabler le nouveau venu qui, lui ayant confié quelques pages, n’avait pas eu l’heur de lui plaire.   « Ne perds pas ton temps ici. Tu ne seras jamais un écrivain !» criait-elle. Expulsé de la Caverne, le malheureux n’avait plus qu’à se jeter dans la Seine : la Verny ne se trompait jamais.

Depuis la mort de Françoise nous sommes d’ailleurs un certain nombre à errer dans Paris, vaguement orphelins. Tout le monde ou presque a retrouvé ses marques, mais Françoise manque à tous.Dans son essai, Yann Queffelec raconte « sa » rencontre avec La Verny sur un quai de Belle-Ile (« Toi, chéri, t’as une gueule d’écrivain ! », s’ était-elle exclamée. Ils se revirent, et de leur mutuelle affection naquit « Les noces Barbares », bouleversant portrait d’une enfance saccagée. (« Dans ses yeux il voyait sa mère absente, il fuyait les miroirs, il fuyait sa mémoire, et vaincu fuyait ce dont il était sûr depuis sa naissance : on l'abandonnait." (p. 257). « Les Noces Barbares » fut récompensé par le Prix Goncourt en 1985.

-Un succès historique ? ai-je demandé à Yann.
-Historique, c’est le mot. J’ai du mal à m’identifier à cette belle histoire qui me poursuit… Des ventes par centaines de milliers d’exemplaires, en France comme à l’étranger. Autant en emporte le vent. Vive le vent. »
-Le fait d'obtenir le Goncourt change-t-il vraiment la vie d’un écrivain, demanda quelqu’un. 
- Il faut savoir que d’une seconde à l’autre vous changez d’identité, et que plus jamais vous ne redeviendrez celui que vous étiez avant. Qui êtes-vous alors ? Vous l’ignorez. La difficulté consiste à se recomposer un moi sincère et une simplicité sans faille. Ca prend du temps. » 

Après avoir été retardé par la fermeture des librairies, le Goncourt 2020 sera décerné ce lundi 30 novembre. Longtemps, Emmanuel Carrère fut le favori (cf.Yoga dans Atlantico :« Ce qui se joue en secret dans « Yoga » est une question de vie ou de mort.(…). Une guerre intime dont nous ne parlons guère car nous perdons souvent. Or, ce combat secret, pas reluisant, entre chaque individu et ses bonnes ou mauvaises pensées, voici qu’Emmanuel Carrère le mène au grand jour. Il va vaincre l’opprobre qui l’emprisonne, et gagner la guerre en notre nom à tous »).

Et voici l’épigraphe –sublime- du roman  :« Si tu fais advenir ce qu’il y a à l’intérieur de toi, ce que tu fais advenir te sauvera. Si tu ne fais pas advenir ce qu’il y a à l’intérieur de toi, ce que tu n’auras pas fait advenir te tuera (cf. Evangile de Thomas.)

Yoga, ce beau roman d’une intériorité guérie par l’écriture, figurait dès août dans la liste des meilleures ventes : un « grand » Goncourt semblait assuré. Le jury décida pourtant d’éliminer Yoga, à la stupeur générale. «  Quant à "Yoga", que j'aime beaucoup, moi aussi,je ne suis pas surpris de sadisparition de la liste finale », confie à Atlantico Jérôme Garcin (patron des pages culture de l’Obs et du Masque et la plume sur France Inter, Prix des Deux Magots pour « Le dernier hiver du Cid, Gallimard/ 2020) : « les Goncourt continuent d'appliquer le principe de la fiction pure, pas de récit autobiographique - qui avait malheureusement valu au très grand "Lambeau" de Philippe Lançon de n'être pas couronné : je ne partage pas du tout leur opinion, mais du moins est-elle cohérente », conclut l’écrivain-journaliste. On pourrait évoquer à l’infini cette frontière poreuse entre récit et fiction. Le roman brode à partir de la réalité . On songe au « Mars » de Fritz Zorn, au « Léon Morin prêtre » de Beatrix Beck, entre autres. Où commence la littérature ? Il n’existe aucune signalisation. La littérature niche en chacun d’entre nous et on la sait, on la sent soudain, à la lecture. Et c’est toute la production romanesque ou presque qu’il faudrait éliminer d’éventuelles sélections Goncourt, y compris les romans de Patrick Modiano, Prix Nobel de Littérature  2014  «  Pour qu’un roman soit bon, il faut que l’imaginaire de l’auteur s’empare de ce qui appartient à la mémoire, et que cet imaginaire puisse transformer la réalité, et lui donner la dimension d’un mythe, en quelque sorte »,déclara Modiano à Stockholm. Telle est la formule de Yoga (POL).  Qui oserait -parmi ces écrivains que sont les jurés Goncourt- juger de la qualité d’un roman en fonction de ce qui semble être un souvenir, plutôt qu’une scène « inventée » ? Qui accomplirait cette police de la pensée ? Aucun d’entre ces jurés.Etant tous romanciers, ils savent qu’il faut enrichir les souvenirs par l’imaginaire, la fiction étant la résultante de cet alliage..C’est la raison pour laquelle certains observateurs se demandent si la lettre accusatrice- et juridiquement menaçante- de l’ex femme d’Emmanuel Carrère publiée par Vanity Fair, n’a pas provoqué l’élimination de Yoga et de son auteur. « Un meurtre symbolique », dirait la psychanalyse. Il y a là une grande injustice.

Restent donc en compétition pour le Goncourt 2020 décerné ce 30 novembre :-L’Anomalie d’ Hervé Le Tellier (Gallimard) - «  Thésée, sa nouvelle vie, de Camille de Toledo (Verdier). « L’Historiographe du royaume  » de Maël Renouard (Grasset). « Les Impatientes » de Djaïli Amadou Amal (Emmanuelle Collas)…A suivre.

« [...]Le Français se classe par la manière qu’il a de parler littérature, sujet sur lequel il ne supporte pas d’être pris de court : certains noms jetés dans la conversation sont censés appeler automatiquement une réaction de sa part, comme si on l’entreprenait sur sa santé ou ses affaires personnelles », affirme Julien Gracq (premier lauréat du Goncourt à avoir refusé ce Prix) dans son pamphlet « La littérature à l'estomac »(José Corti-  /1949). Un pamphlet d’actualité, cinquante ans après sa sortie.  Le prix Renaudot, qui sera décerné dans la foulée du Goncourt, le 30 novembre prochain, regroupe six finalistes, dont « l’Anomalie » d’Hervé Le Tellier et « La Grande Epreuve » de d’Etienne de Montety, ainsi qu’Histoire du fils par Marie-Hélène Lafon (Buchet-Chastel), entre autres. Rien n ‘étant plus imprévisible que le vote à bulletin secret lors d’un prix littéraire, aucune prédiction n’est possible. Les conséquences de l’affaire Matzneff et le départ de Jérôme Garcin, ainsi que le refus de Claro de figurer dans la liste des sélectionnés Renaudot (voir ci-dessous) ont fait grincer bien des dents. J’ai interrogé Jérôme Garcin, voulant savoir pourquoi il avait démissionné du Renaudot : « oh, c'est très simple » me répondit-il : « après la publication du livre de Vanessa Springora, et ce qu'on appelle maintenant l'affaire Matzneff, qui ont gravement entaché l'image du prix, j'ai été étonné que notre jury fasse comme si rien ne s'était passé. Tout change, rien de change... Alors, j'ai démissionné, pour être en accord moral avec moi-même, en ajoutant espérer être remplacé par une femme - même si ce jury, à 90 % masculin, sera encore très loin de la parité ». Le départ de Jérôme Garcin serait préjudiciable n’importe où, et le Renaudot en souffre, évidemment.Heureusement, Patrick Besson, Franz-Olivier Giesbert (« Dernier été »/ Gallimard) et Frédéric Beigbeder (« L’homme qui pleure de rire »/Grasset) sont à la manœuvre, entre autres jurés du Renaudot. Dans la vie, tous sont d’une compagnie agréable. Mais qu’est- ce qu’ un écrivain « dans la vie » ? Une femme ou un homme qui, n’écrivant pas, s’ennuie un peu, forcément, les romanciers ne pensant qu’à ça. Ecrire. Tout le reste est littérature. « Ecrire et vivre sont des activités contradictoires, c’est pourquoi les gens qui vivent ne savent pas écrire », précise Patrick Besson. Dans son nouvel essai : « Les Lâches et les autres » (Laffont/Collection « Mauvais esprit »),  Patrick Besson révèle une délicate et subtile méchanceté -avec beaucoup de tendresse entre deux vacheries ; les « Lâches » sont tous les artistes qui préfèrent la littérature à la vie. Besson éreinte au passage un ex critique du « Monde des Livres »: Claro. Qui a peur de Patrick Besson ? demandais-je ici –même, voici quelques années, évoquant les coups de griffes de l’auteur le plus imprévisible de France.« Le 5 mai 2020, Claro demanda au jury du Renaudotde retirer son roman « La Maison indigène »(Actes Sud) de sa sélection, ne se faisant sans doute aucune illusion sur ses chances au Renaudot, vu la démolition de son meilleur ennemi, Patrick Besson.« En ces temps où la question du masque est sur toutes les lèvres,je n'ai aucune envie de participer à quelque mascarade que ce soit », déclara Claro. Nouveau scandale.

Par comparaison, les Immortels du Quai de Conti, s’ils sont eux aussi de grands lecteurs, semblent rassurants . Leurs éreintements sont confidentiels. Le Grand Prix du Roman de l’Académie française- qui sera décerné le 26 novembre - couronne « le meilleur roman de l’année ».  Les finalistes sont au nombre de trois : -Héritage, de Miguel Bonnefoy (Rivages)-La Grande Épreuve, d’Étienne de Montety (Stock) -L’Historiographe du royaume, de Maël Renouard (Grasset).

Répondant à mes questions, Frédéric Vitoux -élu à l’Académie française le 13 décembre 2001, au fauteuil 15, et succédant à Jacques Laurent, m’apprend qu’une seule personne connaît le lauréat 2020 du Grand Prix du Roman. Il s’agit de Michael Edwards, poète, critique littéraire et spécialiste de Shakespeare (Frédéric Vitoux reçut Michael Edwards sous la coupole le 22 mai 2014). N’essayez pas de « cuisiner » Sir Edwards : anobli par la Reine, ce lord est un gentleman. Nothing : il ne vous dira rien . D’autant que pour  Shakespeare «  Le silence est l’interprète le plus naturel de la joie ».

La procédure habituelle du Grand Prix du Roman a été bouleversée à cause du virus. Le vote a déjà eu lieu au sein de la Commission du Roman(où siège Frédéric Vitoux, qui œuvre aussi à la Commission du Dictionnaire.) « Seul Michael Edwards connaît notre lauréat, mais nous ne l’interrogeons évidemment pas », me glisse à l’oreille l’ami Frédéric Vitoux. L’académicien sait l’importance que revêt ce Grand Prix du Roman, si l’on souhaite porter un jour l’habit vert : lui –même fut cet heureux lauréat en 1994, grâce au succès de son roman « La comédie de Terracina »(Point/Seuil), dont se délecta Jean-Louis Curtis. («  A trente-trois ans, Beyle n'a pas encore trouvé son pseudonyme de « Stendhal », il parcourt l'Italie dans l’espoir d’être heureux …et aimé des femmes):« Le Grand Prix du Roman » n’est pas le plus «porteur » au niveau des revenus supplémentaires qu’il procure au lauréat, me dit Frédéric Vitoux, « mais nous savons que ce prix permet aux académiciens de faire signe à des écrivains plus jeunes qu’eux, afin de leur faire comprendre qu’à un moment donné, sans doute, ils seront les bienvenus ici et pourront rejoindre la Compagnie… », conclut mystérieusement l’académicien et co-fondateur du Freustié. Puis, me gratifiant d’un grand sourire, Frédéric Vitoux s’éloigne sur la pointe des pieds.

Si j’ai bien compris, quelqu’un va apprendre cette semaine qu’il sera un jour Immortel. Qui ?

A lire : 

« La naissance d’un Goncourt » par Yann Queffelec/Calmann-Lévy
« Le dernier hiver du Cid » par Jérôme Garcin/Gallimard
« Les lâches et les autres » par Patrick Besson/ Robert Laffont
«La Comédie de Terracina  » par Frédéric Vitoux, de l’Académie française / (Point -Seuil)

Extrait de l’essai «Les lâches et les autres» (Laffont/ 19 euros) de Patrick Besson.

Le nouveau feuilletoniste du Monde des livres a un nom d’ampoule électrique : Claro. Il s’agit peut-être d’un pseudonyme dont le message subliminal serait limpide : le critique souhaite nous éclairer sur les chemins obscurs de la littérature contemporaine. Comment, en effet, s’y retrouver dans le fouillis éditorial actuel ? Des milliers de livres paraissent chaque année, la plupart d’entre eux étant qualifiés, par leur éditeur et souvent même la critique, de «chefs­d’œuvre qu’il faudrait lire d’urgence». Par bonheur, Claro veille, comme avant lui Éric Chevillard, l’ancien feuilletoniste du quotidien, vigie hiératique aujourd’hui en retrait de la vie littéraire pour se consacrer à son œuvre, dit-on.

Dans Le Monde daté du vendredi 21 septembre 2018, son successeur traite de La Vallée des dix mille fumées de Patrice Pluyette. Dès sa première phrase en forme d’aphorisme, Claro nous intrigue : « Notre ignorance du monde est un monde en soi, avec ses reliefs, ses monts et ses vaux, ses fables et ses fontaines. » Première question : comment peut-on ignorer le monde quand on est dedans, ce qui constitue la condition de tous les êtres humains non décédés ? Il nous faut ensuite imaginer, par exemple, une fontaine à l’intérieur de notre ignorance du monde. Son eau serait­elle potable ? Claro s’inquiète des gens qui entendent « étudier » ce « monde en soi ». Ils doivent, selon lui, « vagir, s’extraire du goulot du zéro avant d’en parcourir l’infini concentrique ». Là, le lecteur du Monde des livres a une difficulté. Il se demande, dans son train de banlieue ou sur son canapé selon que c’est un prof de collège ou une prof de fac, comment on peut « parcourir l’infini », même s’il est « concentrique ». Suit une petite charge de Claro contre les textes qui ne sont pas écrits par ce Patrice Pluyette dont il s’applique à faire l’éloge : « Le décor [dans ces ouvrages] y est planté comme un chou. » .Je devine qu’on se trouve devant un jeu de mots mais je ne vois ni le jeu ni le mot. Autre reproche à l’encontre de ces écrivains qui ne connaissent pas leur métier aussi bien que Pluyette : « [...] quand on prend une cuillère, c’est parce que s’y balance une étiquette portant le nom de cuillère. » Jamais vu une étiquette sur une cuillère, même chez Ikea, et n’ai pas davantage vu une étiquette se balancer sur une cuillère. La cuillère semble avoir été un problème dans l’enfance ou l’adolescence de Claro. Souvenir d’une difficulté à servir quand il jouait au tennis ?

Autre curiosité : « [...] se faire greffer de nouveaux yeux. » La greffe des yeux, comme celles du cerveau et du pénis, n’a pas encore été réalisée. Les journalistes médecine du quotidien du soir auraient pu renseigner le chroniqueur littéraire.

Rappel du style imagé du regretté Michel Audiard dans, notamment, Les Tontons flingueurs (Georges Lautner, 1963) : « [...] on écarquille, on tâtonne, on erre, on bée. » On écarquille quoi ? L’auteur ne le dit pas. Quant à béer, je n’y avais jamais pensé mais je vais peut-­être m’y mettre. « Que fais-­tu, Patrick, ce soir ? -Je bée. »

Conclusion de Claro : « Car mine de rien, parti d’une allumette d’homme, Pluyette réinvente discrètement l’éblouissement. »

Réinventer, même discrètement, l’éblouissement : ce n’est pas rien.

(Patrick Besson/Robert Laffont/ Collection «Mauvais esprit» Quatrième de couverture: «L’écrivain est un lâche. La preuve: il écrit. S’il était courageux, il vivrait.»

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