Missak Manouchian, la FTP-MOI et la résistance française<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron a annoncé dans un communiqué la panthéonisation de Missak Manouchian
Emmanuel Macron a annoncé dans un communiqué la panthéonisation de Missak Manouchian
©Nicolas Guyonnet / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Histoire

Héros de la lutte antinazie, Manouchian et son groupe : bien sûr - respect à leur courage. Mais résistants-patriotes français, comme Aragon le chante (pour donner le change) dans son (superbe) poème, publié en 1956 dans "Le roman inachevé" ?

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans (...)

Manouchian et ses FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisans - Main d'œuvre immigrée) sont un outil spécialisé du Komintern (Internationale communiste, I. C.). Nombre d'entre eux combattent dans les Brigades internationales de la Guerre d'Espagne (1936-1939). L'arme au pied lors du pacte germano-soviétique, ils attaquent dès l'offensive de Hitler contre l'URSS (juin 1941) - la chronologie de leurs actions le démontre.

Pourquoi cet aplatissement du pouvoir devant la propagande (de ce qui reste) du parti communiste ? Un souvenir personnel m'autorise à écrire là-dessus. D'usage, je n'en dis rien - mais là, nous sommes au cœur l'imbroglio Résistance-Komintern. 

Durant la 2e guerre mondiale, ma mère alsacienne, bilingue en allemand, travaille à Paris au comité des prisonniers de guerre. Elle circule à vélo et sait s'expliquer si besoin avec les patrouilles allemandes... Un collègue, alsacien aussi, lui propose de porter des lettres à "des amis", c'est oui, bien sûr. Et à la libération de Paris, réalise qu'elle, tout sauf communiste, a aidé un réseau du Komintern. Son chef Aloys Z. est, dès 1925, un agent anticolonialiste de l'I.C. en Afrique ; sa femme, Paula R., une opératrice de l'I. C. Leur vie illustre parfaitement la trajectoire de militants type Manouchian ; et pourquoi, dans leur combat internationaliste, leur pays d'origine, France ou autre, compte peu.

Issue du ghetto de Varsovie, Paula, fille de Yankel, communiste très jeune, ouvrière d'usine, parlant plusieurs langues, est aspirée par l'appareil clandestin de l'I.C. Arrivée en Belgique, épouse fictive d'un secrétaire de la jeunesse communiste locale - et agent de l'I.C., Paula vit avec un officier du renseignement soviétique connu sous le seul pseudo de François W. Dire si les missions de l'I. C. sont périlleuses : repéré et capturé dans l'Allemagne nazie, François W. finit décapité à la hache. De même, Paula - juive et agent de Moscou - récupère à Berlin, sous le IIIe Reich, des archives du PC allemand - risquant sa tête si elle est prise.

Jusqu'en 1935, Paula et François W. animent le secteur communication-Europe latine du Komintern : chiffrage-transmission de missives clandestines ; ils vivent à Paris dans 4 logements différents, sous autant d'identités fausses. Mère en 1935, Paula devient permanente au Secours rouge international ; elle rencontre Aloys Z., ils se marient. Dans les années 50, la direction communiste élimine ces héros au profit d'individus au trajet douteux durant la guerre, donc plus dociles, type Georges Marchais. Ma mère fréquente longtemps ce couple d'ex du Komintern, à titre amical. Ils ont vécu vieux et j'ai eu avec eux maints échanges - pas toujours apaisés, vu mon militantisme d'alors. 

Dès les années 30, une camarade de Paula, polonaise du Komintern elle aussi, contrôle la Main d'œuvre étrangère (future M.O.I) belge. D'autres appuient les Brigades internationales. Tel est l'univers de Missak Manouchian et de ses camarades, Juifs d'Europe de l'Est, communistes italiens, etc. Leur action héroïque de 1942-43 coïncide avec la résistance gaulliste, mais est de nature différente. Cela, l'occupant allemand le sait : pas par hasard, Manouchian et son groupe sont fusillés un 21 février (1944) : en URSS, jour anniversaire de la fondation de l'Armée rouge.

Paula, Missak : un monde aboli, oublié ... "Sans Patrie ni Frontières", pourtant, livre grandiose sur l'épopée du Komintern (Boris Souvarine m'offrit mon exemplaire) ... Le dernier que l'aventure fascina fut Jacques Vergès - paix à ses cendres.

Seul subsiste le mensonge communiste, voué à camoufler le pacte germano-soviétique. Demain peut-être, suggèrera-t-on de même aux naïfs qui nous gouvernent quelque hommage à Gabriel Peri. Que ces ignares se méfient : là aussi, l'histoire réelle diffère fort du mensonge communiste.

Gabriel Peri est fusillé le 15 décembre 1941 au mont Valérien : comment ? Pourquoi ? En 1941, lors du pacte germano-soviétique, Peri, cadre du Parti communiste clandestin ("Section française de l'Internationale communiste"), est planqué Porte de Champerret, chez le militant communiste André Chaintron. Hostile au pacte Berlin-Moscou, Peri s'oppose à la direction Thorez-Duclos, qui suit strictement la ligne de Staline. 

Peri, plus "dans la ligne" ? Pas de scrupules : condamné à mort par son propre parti, il est arrêté le 18 mai 1941, "balancé" à l'occupant par son agent de liaison. L'Huma (15/12/01) avoue les "informations données par Edmond Foeglin, un responsable de la commission des cadres [du PC] depuis 1936". Ouvrier puis employé communal de Montreuil, Foeglin est depuis 1936 permanent du Guépéou interne du PC, l'appareil de "lutte contre la provocation". Il meurt le 11 septembre 1972 au Blanc-Mesnil, toujours communiste.

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