"Mes chers enfants" de Jean Marboeuf : une bouteille à la mer pour éviter le naufrage. Tellement vrai<!-- --> | Atlantico.fr
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"Mes chers enfants" de Jean Marboeuf est à découvrir au Théâtre du Lucernaire.
"Mes chers enfants" de Jean Marboeuf est à découvrir au Théâtre du Lucernaire.
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Atlanti-Culture

La pièce "Mes chers enfants" de Jean Marboeuf est à voir au Théâtre du Lucernaire.

Rodolphe  de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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Mes chers enfants

De Jean Marboeuf

Mise en scène : Jean Marboeuf

Avec : Annie Duperey

Notre recommandation : 5/5

INFOS & RÉSERVATION

Théâtre du Lucernaire

53 rue Notre-Dame-des-Champs

75006 PARIS

01 45 44 57 34

http://www.Lucernaire.fr

Du 23 août au 22 octobre, du mercredi au samedi 21h, le dimanche 18h



THÈME

Dans un “seule en scène“, à la fois intime et spectaculaire, une femme, qui n’a plus l’âge de devenir mère, se retourne sur son passé. Son mari, Pierre, qu’elle aimait tant, n’est plus. Ses grands enfants se sont échappés… sans doute normal, mais toujours  douloureux. 

Annie  Duperey, solaire, se livre à une correspondance très personnelle. Elle écrit à ses enfants, qu’elle voit de moins en moins -  hélas, mais c’est la vie ! Elle tente de repousser les limites de l’âge, du naufrage inexorable de la vieillesse qui s’annonce.  « Mes chers enfants », c’est par ces mots que débute chacune de ses lettres qu’elle lit sur scène, mais qui n’attendent pas de réponses (on le comprendra pourquoi à la toute fin de ces confidences de femme, un récit sans fards ni tabou). 

Mais, un jour, n’en pouvant plus d’imposer des déjeuners dominicaux pesants pour ses enfants (il leur arrive même de les oublier), elle décide de fuir -  Oh pas très loin - à Ouistreham Riva-Bella. C’est un déclic. L’héroïne se jette à corps perdu dans une nouvelle (fin de) vie de femme libre décomplexée, dynamique, compassionnelle et toujours séduisante. Elle fait encore des rencontres improbables : un beau CRS (en maillot de bain) sur la plage… un migrant   qui l’attendrit, sur le départ vers l’autre côté du Channel.

Au fait,  pourquoi Ouistreham ? Tout proche des plages du débarquement et des American Cemeteries et encore plus proche des “ports“ de rembarquements illicites (!). Tout un symbole. Certaines lettres s’étendent sur le sujet. Chacune est signée par un trait de caractère  et de personnalité : « votre  Maman gloutonne»,  « votre Maman rebelle », « votre Maman évaporée »… Mais un autre drame couve. Il y a un moment où il vaut mieux tout arrêter.

POINTS FORTS

Un charme fou, un texte admirable, un parfum de nostalgie, une envie de liberté, une jouissance de ce qui reste de la vie. Ce qui nous a beaucoup plu : les confidences d’une femme blessée qui ne sombre pas dans la dépression. Un être de chair et de sang qui se redresse à la faveur d’un changement de décor “tonique“. La psychologie d’une veuve joyeuse, d’une femme secouée par la vie qui se rebelle contre le sort.

Non solum sed etiam : réflexions sur l’amour, la liberté, les problèmes de société, la solitude, le temps de vivre, et puis tout près de nous, l’immigration, sujet sur lequel Annie Duperey est vraiment crédible. D’ailleurs le texte est exactement fait pour elle. 

La mise en scène exploite de belles images vidéo sur grand écran en fond de scène. Les ferries  énormes défilent au son des cornes de brume dans une lumière bleue cotonneuse,  sous le regard de quelques candidats au départ sans billets (et sans retour) un peu hagards. La mer est omniprésente et Ouistreham est plein de charme et de souvenirs du D Day.

QUELQUES RÉSERVES

Un détail : le ton quelquefois  mécanique des lectures par l’interprète (mais celle-ci habite totalement le récit) et les enchainements accélérés qui coupent court parfois à une émotion qui pourrait davantage se libérer.

ENCORE UN MOT...

C’est donc l’histoire d’une “Maman éternelle“, incarné par une épouse et mère d’une humanité formidable, compagne de feu Bernard Giraudeau et mère de Sarah (et de Gaël).Une heure et vingt minutes d’émotion, n’en perdez pas une seconde !

UNE PHRASE

« La première fois que je suis allée au théâtre, c’était au T.N.P. de Jean Vilar, on nous y emmenait en bus de notre banlieue lointaine. J’ai vu : A chacun sa vérité de Pirandello. Cette pièce m’a imprimée et canalisée toute ma vie. Je crois avoir fait ce que je devais faire, mais certainement pas assez. L’amour de votre père, irréfléchi, irréel, impossible, m’a bien entamé le cuir. Je n’avais pas toujours le temps de vous écouter. 

Votre Maman repentante. » (Lettre 37)

L'AUTEUR

Jean Marboeuf est un réalisateur– auteur– producteur pour le cinéma et le théâtre, né en 1942 à Montluçon. Il a travaillé sur quarante films et séries tv entre 1970 et 2006 (Bel ordure, Série Noire, Coup de sang,  Temps de chien…) et tourné  avec les plus grands dès leurs débuts : Rochefort, Galabru, Claude Brasseur... 

Débuts difficiles, critiques d’estime (J. Louis Bory pour Bel Ordure !) et quelques prix, par exemple au Festival de Namur et au Canada.  Il noue des amitiés très profondes, avec Guy Marchand notamment, avec lequel il réalisera trois longs métrages et la célèbre série télévisée, Nestor Burma. 

Parallèlement il se consacre au théâtre, avec sa principale pièce à grand succès en 2008 : Qu’est-il arrivé à Bette Davis et Joan Crawford ? (Là aussi, un échange de correspondance virtuel). La pièce s’est rejouée  à Paris, en 2021, toujours avec succès. Il a écrit aussi Folies vaudevilles, qu’il a monté dans son théâtre fétiche (La Bruyère). Jean Marboeuf a eu  une activité syndicale intense et reconnue.  Membre de l’Avance sur recettes, administrateur de la SACD, membre fondateur de L’ARP. Officier des Arts et Lettres, il est le père de l’actrice Julie Marboeuf.

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