La transition énergétique ne sera pas pour la France un long fleuve tranquille : et voilà pourquoi<!-- --> | Atlantico.fr
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La centrale nucléaire de Cattenom, en Lorraine
La centrale nucléaire de Cattenom, en Lorraine
©SEBASTIEN BERDA / AFP

Avenir de l'industrie en France

Atteindre une décarbonation de toutes nos énergies en 2050 exige un bouleversement de notre mix énergétique, de nos modes de vie, de notre industrie à une vitesse que ni la France, ni aucun autre pays n’ont connue jusque-là.

Gérard Buffière

Gérard Buffière

Gérard Buffière est ex-directeur général d'Imérys, ancien élève de l'Ecole polytechnique, titulaire d'un master of sciences de l'université de Stanford et diplômé de la Harvard Business School. 

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Bernard Kasriel

Bernard Kasriel

Bernard Kasriel est un ancien élève de l’Ecole Polytechnique, ex-directeur général de Lafarge et ex-administrateur de sociétés du CAC 40 et du NYSE

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M.Macron a demandé à RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, d’établir des scénarios permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Dans son discours de Belfort, il a annoncé une modification radicale de l’évolution de notre parc nucléaire par rapport à la PPE 2019-2023 (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) tout en continuant à se référer au travail de RTE.

En quelques étapes, nous vous proposons de reconnaitre les récifs qui nous attendent sur cette difficile croisière.

Étape 1 : les intermittents de l’énergie : … vraiment intermittents

Les énergies hydraulique, éolienne et solaire sont toutes renouvelables. Elles présentent cependant des différences fondamentales.
L’énergie d’un barrage est pilotable : à tout moment on peut lancer les turbines et produire de l’électricité en s’adaptant à la demande jusqu’à atteindre la puissance maximum de l’installation.
Au contraire l’éolien et le solaire ne produisent pas quand il y a besoin de leur énergie, mais quand il y a du vent ou du soleil. Elles ne peuvent fournir une puissance garantie. En moyenne, en France, sur un an l’éolien terrestre produit 23% de sa capacité nominale et le solaire 14%.

Mais ces moyennes rendent très mal compte de l’intermittence et de la variabilité de ces énergies.
Le vent souffle davantage en hiver qu’en été, mais même au cours d’un mois de janvier la vitesse du vent varie énormément en quelques minutes, comme le montre cet exemple :

Selon une loi de la physique, la puissance produite par une éolienne varie comme le cube de la vitesse du vent, accentuant ainsi énormément les effets de la variabilité du vent. Ainsi pour un vent passant de 20km/h à 60km/h, la puissance produite est multipliée par 27 ; pour un vent baissant de 75km/h à 15km/h la puissance produite est divisée par 125. Si le vent est trop fort les pales sont mises en drapeau et l’éolienne ne produit plus.


Le graphique ci-dessous illustre l’extrême variabilité de la puissance éolienne produite au cours d’une année et la compare à la variabilité de la consommation.

On pouvait espérer que le vent aurait à terre des régimes très différents d’un endroit à l’autre et qu’une répartition d’éoliennes sur un large territoire moyennerait et compenserait cette variabilité. Malheureusement des mesures détaillées effectuées depuis longtemps montrent (voir ci-dessous) que même sur un large périmètre européen, les régimes de vents sont très proches et qu’il n’a pas de lissage de cette énorme variabilité de la puissance produite.

Par ailleurs, la consommation électrique française varie avec les saisons et avec les heures de la journée. La consommation l’hiver est supérieure d’un tiers à celle des autres saisons.
Toute l’année les profils journaliers marquent des pics le matin vers 7h et le soir vers 20h, avec un creux de la demande la nuit.

L’éolien produit davantage en hiver qu’en été, mais le vent tombe fortement (anticyclone) lorsqu’il fait très froid, au contraire de la consommation.

Quant au solaire, il produit surtout l’été et très peu le soir et l’hiver, périodes de plus forte consommation électrique, comme l’illustre de manière frappante le graphique ci-dessous

On peut attendre de l’éolien maritime une plus forte disponibilité  (30 à 35%) que celle de l’éolien terrestre, sans pouvoir atteindre toutefois en France les performances exceptionnelles de la Mer du Nord.

L’intermittence de l’éolien et du solaire, l’extrême variabilité de la puissance produite par l’éolien et le décalage saisonnier entre les besoins et la périodes de production maximale de l’éolien et du solaire sont des données de la nature, des contraintes qu’aucune technologie ne saurait corriger.

Pourrait-on stocker une partie de la production d’électricité éolienne et solaire et la réinjecter dans le réseau lorsque le vent ou le soleil ne produisent plus, transformant ainsi des sources intermittentes en sources pilotables ?

Une simulation à partir de données françaises montre que pour avoir 50% de notre consommation produite par de l’éolien et du solaire, sans l’appui de puissance pilotable, il faudrait un stockage de 20Twh environ. Cela correspondrait à 400 millions de batteries de Renault Zoe ; c’est à l’évidence inenvisageable.

Beaucoup d’espoirs sont mis sur l’hydrogène dans divers schémas. Cependant les technologies de production d’hydrogène vert sont encore à l’état de pilote et la possibilité de les opérer avec l’intermittence et la variabilité de l’électricité éolienne ou solaire reste une question ouverte. L’utilisation à grande échelle de l’hydrogène en stockage d’énergie renouvelable exigerait une logistique lourde et complexe.
Il est utopique de considérer qu’à l’horizon de 2050 l’hydrogène puisse compenser les handicaps naturels des énergies éolienne et solaire.

En conclusion éolien et solaire ne peuvent pas être des sources d’électricité autonomes ; elles ne peuvent pas fournir une puissance électrique garantie.

Elles ne peuvent être utilisées qu’en complément d’une production pilotable d’électricité, c’est-à-dire de centrales thermiques ou de centrales nucléaires.

On verra dans notre prochaine escale que c’est ce qui se passe partout.

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