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La singularité française en matière d'immigration est aussi le fruit de l’imperfection juridique européenne
©LUCAS BARIOULET / AFP

Bonnes feuilles

Sur la question migratoire, la France occupe une position singulière, souvent mal perçue dans les débats publics. Didier Leschi dans cette note pour la Fondapol intitulée : " Migrations: la France singulière" revient sur la politique migratoire française de manière dépassionnée, s'attachant aux faits en les ancrant dans un cadre européen pour souligner la singularité de la politique française en la matière. Extrait 2/2.

Didier  Leschi

Didier Leschi

Didier Leschi est préfet et directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).

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Pendant longtemps, le droit a été un point d’appui essentiel dans l’unification de l’espace européen. Désormais, l’absence d’un cadre européen commun entraîne la matérialisation d’un droit d’éclatement offert à tous. Car, outre les difficultés techniques, il arrive que la mise en œuvre du « règlement Dublin » se heurte à l’appréciation de tribunaux administratifs, dont certains juges peuvent considérer que le renvoi en Allemagne ou en Italie n’est pas légitime, alors même que ces pays sont responsables du traitement de la demande d’asile et de ses suites.

Il est ainsi jugé que leurs systèmes juridiques et administratifs ne seraient plus assez protecteurs des droits des personnes. Cette jurisprudence en construction est une illustration de plus de la crise de confiance entre pays européens. Elle va au-delà d’une défiance entre autorités politiques, puisqu’elle met en doute le fonctionnement de systèmes étatiques qui, en matière d’asile, ne pourrait plus être considéré comme comparable au nôtre, à nos valeurs et même aux conventions européennes.

Pas tout à fait incompréhensible de la part de pays comme la Hongrie ou la Bulgarie, cette défiance jurisprudentielle s’étend maintenant au noyau des pays fondateurs de l’Europe et crée un écart qui va à rebours des volontés de convergence. La singularité française est donc aussi la projection de l’imperfection juridique européenne. Elle explique ainsi qu’en 2018 près de 40% des demandeurs d’asile en France soient déjà passés par un autre pays européen, en particulier par l’Allemagne. En effet, contrairement à ce qu’ont avancé trop rapidement certains commentateurs, ce pays n’a pas accueilli près de 1,5 million de personnes depuis 2015, puisque, si entre 1,5 et 2 millions de personnes sont certes bien entrées dans en Allemagne en trois ans, plus de 620 000 ont été depuis déboutées de leur demande et nombreuses sont encore celles en attente de l’examen de leur dossier (« entrer » ne veut pas dire avoir obtenu l’asile et, par ailleurs, les 620 000 déboutés ne sont pas tous partis, un certain nombre de recours étant en cours, et on ne sait pas combien ont tenté leur chance ailleurs en Europe…).

Enfin, viennent actuellement en France ceux qui passent par l’Espagne et l’Italie. Dans ces deux pays, même lorsqu’ils s’enregistrent, nombre de migrants ne restent pas. C’est ce qui explique qu’au moment où la France, en 2017, accordait une protection internationale à 43 000 personnes, l’Espagne en protégeait moins de 4 500 et l’Italie moins de 25 000. L’Espagne est aujourd’hui l’une des principales portes d’entrée en Europe, avec de nouveau la route orientale de l’Europe , alors que les flux arrivant en Italie par la Méditerranée centrale ont baissé de 80% depuis le début de l’année. La très grande majorité de ceux qui arrivent en Espagne se dirigent donc vers la France, et il en va de même pour les Tunisiens ou les Africains de l’Ouest qui arrivent en Italie.

Lien direct vers la note : ici

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