La recherche montre que le fait d'offrir des cadeaux accroît le bonheur. Alors pourquoi tant de stress dans l’achat des cadeaux de Noël ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
En principe, la période de Noël fait exister un espace particulier dans lequel les individus peuvent exprimer leur attachement réciproque à travers les cadeaux.
En principe, la période de Noël fait exister un espace particulier dans lequel les individus peuvent exprimer leur attachement réciproque à travers les cadeaux.
©Flickr / ahenobarbus

Plaisir du don

Selon des chercheurs de la Harvard Business School, offrir des cadeaux augmente votre bonheur.

Claudia Senik

Claudia Senik

Claudia Senik est professeur à l'université Paris-Sorbonne et à l'Ecole d'économie de Paris. Elle est l’auteur de l’étude « Le mystère du malheur français ».

Voir la bio »

Atlantico : Selon des chercheurs de la Harvard Business School, offrir des cadeaux augmente votre bonheur. Comment les chercheurs sont-ils arrivés à trouver ce résultat ? 

Claudia Senik : Pour être certains de bien cerner la direction de la causalité (ce qui, en général n’est pas évident), ces chercheurs ont recruté des sujets pour une expérience et les ont répartis de manière aléatoire en deux groupes. Dans le premier groupe, les gens ont reçu de l’argent pour s’acheter quelque chose pour eux-mêmes ; dans le second groupe, ils ont reçu la même somme pour offrir quelque chose à une personne inconnue. Puis les chercheurs ont mesuré le niveau de bonheur déclaré par les membres des deux groupes avant et après l’expérience. Résultat : le niveau de bonheur a augmenté (au moins à court terme) dans le groupe « cadeau à autrui », alors qu’il n’a pas bougé dans l’autre groupe. Ce type d’expérience tend à montrer que c’est bien le fait d’offrir qui procure un plaisir spécifique, et non le fait d’être plus heureux qui pousse à être plus généreux.

Comment l'économie du don est-elle source de satisfaction pour les consommateurs ? 

On parle à propos du plaisir du don du warm glow of giving. Celui-ci est fait à la fois de représentations et d’émotions. Il peut s’agir d’altruisme pur, au sens où la satisfaction d’autrui m’affecte directement par sympathie ou par identification. Il peut aussi s’agir de « sentiments moraux » à la Adam Smith, c’est-à-dire la satisfaction d’avoir été généreux, l’image positive de soi, ou encore l’image valorisante de soi à travers le regard de l’autre. Le fait de faire plaisir à quelqu’un génère aussi un sentiment de puissance, d’effectivité.

Quant à l’économie du don, on voit bien la différence entre le don et l’échange monétaire si on élargit la focale au-delà du don d’une personne à une autre, et que l’on réfléchit aux dons aux œuvres sociales. Les études montrent que plus le don semble « pur » de tout autre motivation hors l’altruisme, la générosité et l’empathie, plus il est gratifiant aux yeux du donateur lui-même et de son entourage. C’est pourquoi les collectes de don du sang, par exemple, attirent moins de volontaires lorsqu’elles s’accompagnent d’une rémunération des donateurs - sauf si cette rémunération est très élevée.

Une forme spéciale de l’économie du don est le « don contre don ». Cette économie de la réciprocité ne se limite pas aux sociétés traditionnelles. Par rapport à l’échange purement marchand, elle permet de tisser des liens durables entre les individus, car elle suppose une succession de ces dons réciproques au cours du temps.

On voit à travers ces exemples que le don sert transférer bien autre chose que du pouvoir d’achat. Dans le cas des cadeaux, il s’agit de signifier au destinataire l’importance qu’on lui accorde à travers le temps et l’attention qu’on lui a consacrés, l’effort d’identification de ses goûts et l’envie de partager les siens propres. Autrement dit, il s’agit de signifier l’importance du lien. Or, la recherche montre que le lien social est la source la plus importante de notre bonheur (à côté du revenu évidemment). La période de Noël, avec ses échanges de cadeaux, est justement l’occasion d’un rituel social qui met en scène et entretient les liens familiaux.

C'est assez paradoxal car en cette période de fêtes, beaucoup d'entre nous sont stressés face aux achats de Noël. Comment l'achat de cadeaux est-il devenu une corvée chargée d'émotions ? 

En principe, la période de Noël fait exister un espace particulier dans lequel les individus peuvent exprimer leur attachement réciproque à travers les cadeaux. Lorsque les échanges de cadeaux deviennent stressants, c’est sans doute parce qu’ils ne sont plus vécus comme un don libre mais comme une obligation qui, du coup, perd sa signification. Il peut aussi s’agir de la peur de mal viser et d’échouer à faire plaisir. Pire, si le coût du cadeau devient un paramètre important et connu, la poésie disparaît et l’on retombe sur des échanges de pouvoir d’achat qui peuvent tendre à l’absurde, car s’il s’agit de s’acheter quelque chose, autant le choisir soi-même. Bien entendu, les achats de cadeaux peuvent aussi être source de stress s’ils pèsent sur un budget déjà très contraint. L’idéal serait alors de démonétiser les cadeaux de Noël.

Pourquoi alors offre-t-on parfois de l’argent en guise de cadeau ? C’est souvent que l’on se tient trop éloigné du destinataire pour être en mesure de choisir un cadeau adapté, ou lorsque le donateur est en situation beaucoup plus aisée que le bénéficiaire (souvent plus jeune). C’est alors par le montant inhabituel du don que s’exprime la générosité. Finalement, l’essentiel est qu’un cadeau, symbolique ou monétaire, soit le symbole du caractère exceptionnel de la relation et de l’occasion. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !