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La mère, cette proie de choix pour le burn-out
©SAEED KHAN / AFP

Bonnes feuilles

Axelle Trillard dans "Au secours, je me noie!" aux éditions du Rocher s'applique à raconter l'épuisement physique et psychologique qu'engendre souvent la maternité et décrypte les signes avant-coureurs du burn-out maternel. Extrait 2/2.

Axelle Trillard

Axelle Trillard

Ancienne journaliste, formée en philosophie et en psychologie, aujourd'hui coach certifiée, Axelle Trillard a fondé la structure « Ailes de Maman» (www.coaching-ailesdemaman. net). Mère de six enfants, elle accompagne les femmes dans leur être-mère, cherchant avec elles comment se ressourcer au long cours. Elle est également écoutante pour l'Association Agapa qui vient en aide aux femmes souffrant d'un deuil périnatal, et participe au blog des Fabuleuses au Foyer.

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Oui, il est épuisant d’être mère dans le monde d’aujourd’hui. Formidable de technologie, de liberté, de créativité, d’imagination, d’intelligence collective, d’information, d’énergie… ce monde est peu compatible avec la réalité maternelle, dans sa simplicité et son dépouillement. Le règne judéo-chrétien a du plomb dans l’aile. Certaines valeurs, qui étaient évidentes, ne le sont plus. Ainsi en est-il de la maternité, de la générosité, de la gratuité.

Pendant longtemps, il était naturel pour une femme de devenir mère. Il lui semblait normal de «se sacrifier» pour ce petit être qui dépendait d’elle, et c’était simple. Alors qu’aujourd’hui, tant de possibles s’ouvrent à elle que le devenir-mère n’a plus rien d’évident. Avant, être femme, c’était être mère! Mais ce n’est plus le cas, alors forcément la femme supporte moins les contraintes liées à la maternité… Moins tolérante aux frustrations et renoncements de la maternité, elle a sans doute moins de ressources pour y faire face. Elle s’effondre plus vite. Mais le changement le plus notable concerne le rapport à l’argent. Tout se paye, tout s’achète: où donc est passé le gratuit? Si tout a une valeur marchande – bientôt certains nous prédisent qu’une femme pourra louer son utérus –, comment continuer à penser la « gratuité»? Si l’essence de la maternité est don, quel est son avenir dans cette société marchande? François Garagnon, auteur des Merveilleuses Mères veilleuses , écrit joliment: «Les hommes passent le plus clair de leur temps à acheter et à vendre, comme si toute l’activité humaine trouvait là son aboutissement.

La gratuité est le dernier bastion sacré, et les mères en sont les gardiennes, à la fois humbles et puissantes.» Dans ce contexte, pas étonnant que les femmes développent un malaise, un mal-être… Le matérialisme ambiant ne fait pas bon ménage avec la maternité, qui devient d’abord une question d’argent et de biens de consommation. Une psychologue me disait: «Je suis impressionnée: les parents, à peine leur enfant né, achètent tout: portique, poussettes, sacs à langer, ballon, chambre complète, chaise haute… Tout est prévu avant l’heure!» La maternité, dans son essentiel et sa simplicité, a du mal à survivre. Sans oublier que la norme est que les femmes travaillent à l’extérieur de chez elle. La double journée de travail – éreintante – n’arrange pas les choses. Et puis, il y a aussi ce monde tout-psy qui complique la vie! «Avant, la mère ne se posait pas toutes ces questions», explique encore Claire. Elle a dû répondre à sa fille, torturée par des interrogations psycho-métaphysico-et j’en passe: «Mais ne cherche pas des problèmes là où il n’y en a pas! La naissance de cette petite n’est pas un problème, mais une joie simple.»

Trop simple… car la femme se noie dans ce trop-plein de conseils, ce qui crée un stress supplémentaire. Et puis, il y a comme un discrédit posé sur la maternité et sur la mère qui aimerait un peu trop son intérieur et y passerait trop de temps. Pensée encore récemment comme un idéal de vie et comme un accomplissement, elle est présentée aujourd’hui avec son cortège d’interrogations, de déceptions et de doutes. Une pièce donnée récemment, Les Filles de Simone, en est l’illustration. Comme dit la critique: «Ça a toujours été (un peu) compliqué d’être à l’origine du monde, mais aujourd’hui les femmes doivent trouver leur voie originale, coincées entre les discours, parfois contradictoires, hérités des “aïeules” : Beauvoir, Badinter et Knibiehler! Alors, sans détours, sans atours, sans peur de la crudité de la réalité, disons-le: être mère, quelle galère!» Et paradoxalement, l’enfant, dans un monde sans Dieu, reste la promesse du bonheur absolu. Serait-il une nouvelle idole? Adulé et détesté, magnifié et rejeté, le bébé est au cœur de toutes les mamans, et de tous les papas. Et surtout au cœur de tous les paradoxes. Enfant roi, cododo, portage, la jeune femme qui veut devenir mère ne sait plus où donner de la tête! Alors l’enfant prend toute la place et la mère, étouffée, asphyxiée, en fait trop. Et puis, il y a aussi cette revendication des droits: «On assiste partout à une forte poussée d’égocentrisme. Affranchie de tout sentiment d’infériorité, la femme contemporaine pense d’abord à soi, à sa liberté, à son bien-être; elle veut disposer de son corps d’abord pour en jouir: séduire, aimer, être aimée, varier les plaisirs, et cela de plus en plus jeune4 », explique Yvonne Knibiehler, historienne et auteur d’Histoire des mères et de la maternité en Occident.

Évidemment, le devenir-mère, dans ce contexte, ne coule pas de source, comme en témoigne Éliette Abécassis dans son livre Un heureux événement5 . Penser à soi alors qu’un bébé demande justement de penser d’abord à lui, cela produit nécessairement une tension entre l’épanouissement de la femme et l’accomplissement maternel. Et ce fameux conflit femme-mère l’épuise. Et pour compléter ce tableau, la société évolue vers toujours plus d’individualisme  – la femme, imprégnée de cette mentalité, est tentée de ne pas demander d’aide et de s’isoler – et vers une indifférenciation homme-femme. Les études sur le genre remettent en question les stéréotypes féminin et masculin. Sans modèles bien identifiés – il faut inventer sa propre maternité – et sans transmission, la jeune mère est bien fragile devant les difficultés qui l’attendent. Elle est alors une proie de choix pour le burn-out.

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