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La galanterie, une hantise française ?
©Bénédicte Roscot

Atlantico Litterati

Ah ! qu’en termes galants ces choses-là sont dites… ( d’après Molière :« Le Misanthrope »/ Philinte à Oronte, Acte I, scène 2).

Annick Geille

Annick Geille

Annick GEILLE est écrivain, critique littéraire et journaliste. Auteure de onze romans, dont "Un amour de Sagan" -publié jusqu’en Chine- autofiction qui relate  sa vie entre Françoise Sagan et  Bernard Frank, elle publia un essai sur  les métamorphoses des hommes après  le féminisme : « Le Nouvel Homme » (Lattès). Sélectionnée Goncourt et distinguée par le prix du Premier Roman pour « Portrait d’un amour coupable » (Grasset), elle obtint ensuite le "Prix Alfred Née" de l'Académie française pour « Une femme amoureuse » (Grasset/Le Livre de Poche).

Elle fonda et dirigea  vingt années durant divers hebdomadaires et mensuels pour le groupe « Hachette- Filipacchi- Media » - tels le mensuel Playboy-France, l’hebdomadaire Pariscope  et «  F Magazine, »- mensuel féministe racheté au groupe Servan-Schreiber, qu’Annick Geille reformula et dirigea cinq ans, aux côtés  de Robert Doisneau, qui réalisait toutes les photos. Après avoir travaillé trois ans au Figaro- Littéraire aux côtés d’Angelo Rinaldi, de l’Académie Française, elle dirigea "La Sélection des meilleurs livres de la période" pour le « Magazine des Livres », qui devint  Le Salon Littéraire en ligne-, tout en rédigeant chaque mois une critique littéraire pour le mensuel -papier "Service Littéraire".

Annick Geille  remet  depuis quelques années à Atlantico -premier quotidien en ligne de France-une chronique vouée à  la littérature et à ceux qui la font : «  Litterati ».

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Eliette Abécassis

Eliette Abécassis

Romancière et essayiste, Eliette Abécassis alterne textes intimistes (La répudiée, Mon père, Un heureux événement), épopées (Qumran, Le Trésor du Temple, Sépharade) et essais (Petite métaphysique du meurtre, Le Livre des Passeurs, Le Corset invisible). Elle collabore par ailleurs régulièrement à des journaux (Le Monde des Religions, Le Figaro littéraire, Elle) et travaille pour le cinéma (Kadosh, Un heureux événement).

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Michelle Perrot

Michelle Perrot

Michelle Perrot est historienne, professeur émérite d’Histoire contemporaine. Elle a publié notamment « George Sand à Nohant » aux éditions du Seuil.

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Professeur  émérite en Sorbonne Nouvelle- Paris 3  et enseignant à  l’université d’Oxford, Alain Viala a publié de nombreux ouvrages liés à la sociologie littéraire ( La France Galante /PUF, et « Le théâtre », co-écrit avec Daniel Mesguich/PUF). Chercheur, il a beaucoup  et longtemps réfléchi à la question de la galanterie, cette « mythologie française ». Ses travaux, conférences et publications ont souvent été articulés autour de cette  tradition qui traverse notre histoire, tant par ses expressions artistiques et culturelles, que par les usages et codes amoureux de l’aristocratie, puis de la bourgeoisie, usages et codes perdurant aujourd’hui. "Dans la France de l'Ancien Régime, la galanterie a été un idéal social de distinction longtemps prépondérant" , souligne l’essayiste, affirmant, lorsqu’on lui demande de préciser, que « La galanterie, c’est la qualité de ce qui est galant »…

Julia Kristeva, linguiste et écrivain, précise à ce sujet que dans certains pays de l’Est (dont la Bulgarie,  où elle est née) « la France jouit d’un grand prestige pour tout ce qui concerne l’invention de la démocratie, les sciences du droit, l’expérience des révolutions, mais aussi son art de la politesse et de la galanterie ». L’essai d’ Alain Viala (« La Galanterie » / Seuil), dont la construction et les rappels historiques exigent une lecture attentive, à petites doses, pour mieux comprendre ce sujet complexe, est une somme qui fait événement.

Des règles françaises du savoir-vivre  aux formes de la morale amoureuse, des « fêtes galantes » de Watteau à la « Bohème galante » de Nerval, sans oublier Verlaine (« Votre âme est un paysage choisi ») et le « Colloque sentimental »( « Dans le vieux parc solitaire et glacé, Deux ombres ont tout à l’heure passé » etc..), la galanterie  semble appartenir à une  solide mythologie française ;  le badinage,  ou l’art de la séduction, sont, par exemple, eux aussi, eux  encore « choses galantes ». Que penser  de cette tradition et de cette culture  en 2019 ?

« The famous french galantry is dead ! », s’exclament certains intellectuels féministes dans les pays anglo-saxons. La galanterie française afficherait une politesse trompeuse à l’égard des femmes  pour mieux figurer les masques de la domination masculine. Après « MeToo » et « Balance ton porc » , qu’en est-il chez les écrivains français ? Moquée, voire combattue, la galanterie serait elle devenue ringarde, ou retrouverait-elle ses couleurs? 

A l’occasion de la parution  de l’essai d’Alain Viala, quelques auteurs témoignent. 

Éliette Abécassis
(Ecrivain, auteure de "L'envie d'y croire"/ Albin-Michel) 

La galanterie est un symbole de l’élégance

La galanterie, hélas, c’est de plus en plus rare. C’est rare, les hommes qui aident les femmes à porter les valises dans les gares, qui les invitent systématiquement au restaurant,  les raccompagnent jusque devant leur porte le soir. 

Sous prétexte de féminisme et d’Ubérisation des mœurs,  les hommes ne sont plus galants . La galanterie c’est suranné et pourtant , la galanterie, c’est charmant . C’est une forme de courtoisie au sens de l’amour courtois, c’est un respect de la femme, un accompagnement de sa fragilité, une forme d’hommage, une manière de bienséance, de préséance,la galanterie est  chevaleresque. La galanterie est sage, chaste, gratuite et généreuse. Elle est le symbole de l’élégance.

La galanterie, pour moi, c’est la classe. aux antipodes de l’esprit bourgeois et petit- bourgeois, c’est un geste noble. C’est la reconnaissance de la féminité et en cela, c’est l’expression même de la virilité : c’est en cela que la galanterieest plus sexy que sexiste. Les hommes galants sont toujours ces hommes qui aiment les femmes. 

Et inversement. Ceux qui manquent de galanterie les méprisent profondément. La galanterie, c’est très masculin et pourtant, c’est féministe . C’est une célébration de la femme en tant qu’homme . 

Christine Jordis
(Ecrivain, critique littéraire, journaliste, membre du Prix Femina, auteure de « Tu n’as pas de cœur »/Albin-Michel)

La galanterie durera tant que nous aurons besoin de plaire

Ce que je pense de la galanterie ?  Le plus grand bien. C’est un mot qui fleure le passé, qui nous ramène à un contexte de savoir-vivre et de douceur quand les relations entre hommes et femmes (à l’intérieur de cercles privilégiés, il est vrai, comme, au XVIIe, le salon de Melle de Scudéry) étaient empreintes de respect et d’un certain goût de la séduction. La galanterie, c’est à mon sens l’exact contraire de la brutalité, de la grossièreté, des gestes malvenus dont se plaignent nombre de femmes à l’heure actuelle, quand, dans la rue, elles sont confrontées aux sifflements et apostrophes, dans le métro aux attouchements, frottements et autres réactions des plus primitives, lourdes et offensantes, avouons-le, dont on se passerait donc volontiers. Mais le mot « galant » existe toujours, il est bel et bien employé, brandi sur les réseaux sociaux, par exemple dans l’indignation que provoque, justement, l’absence de toute galanterie : l’autre jour, à la cérémonie de commémoration du 8 mai 1945, où l’on vit, sous une pluie battante, un gros monsieur bien au sec (l’ancien président François Hollande), abrité sous le vaste parapluie que tenait au-dessus de sa tête la dévouée Nicole Belloubet. « Mufle », « goujat », « gougnafier » écrivirent les internautes, « pas galant »… Non, pas galant pour un liard, c’est vrai, d’autres preuves nous ont été fournies. Alors, ce respect de la femme, qui parfois fait tristement défaut aujourd’hui, faudrait-il le rejeter au rang des accessoires, avec le sexisme dont il ne serait qu’une manifestation ? Supériorité avouée de l’homme sur la femme considérée comme plus faible, ces attentions, cette gentillesse, cette volonté d’aider – s’effacer devant une porte, porter une valise, offrir une fleur ? Non, ne cédons pas à la méfiance : toute galanterie ne dérive pas nécessairement vers la goujaterie. A nous de déceler les intentions derrière le geste et, au besoin, d’y mettre le holà. Le respect peut exister, ainsi qu’un réel besoin d’aider. Le jeune homme qui porte votre valise trop lourde dans les escaliers, le fera aussi (quoique avec moins de zèle sans doute) pour une vieille femme encombrée de paquets, espérons-le !

Au plus loin de la relégation des femmes sous leur linceul noir que propagent les islamistes radicaux, au plus loin, aussi, de la disparition du féminin appelée par la lutte professionnelle, la galanterie, terme démodé sans doute, continue de  nous hanter, et c’est bien ainsi. Elle durera tant que nous aurons besoin de plaire : c’est dire qu’elle a encore de beaux jours devant elle. Elle préserve au sein de la relation entre hommes et femmes cet érotisme diffus et léger qui laisse aux uns comme aux autres leur entière liberté – d’être et de comportement. Ainsi vient-elle au secours de la séduction, un plaisir délicieux qui peut s’exercer de multiples façons et dont nous serions bien bêtes de nous priver. Au nom de quel inacceptable embrigadement, d’ailleurs ?

Michelle Perrot 
(Historienne, professeur émérite d’Histoire contemporaine, auteure de « George Sand à Nohant » (Seuil).

La galanterie m’apparaît comme un objet archéologique 

«  Dans la gamme des relations qu’on peut avoir avec les hommes, la galanterie m’apparaît comme un objet archéologique ». 

(cf. « Lieux de mémoire », 11/O4/18 « France-Culture », réalisation Marie Christine Navarro).

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