L’industrie musicale américaine renoue avec les profits records et voilà comment <!-- --> | Atlantico.fr
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La chanteuse Taylor Swift, qui affiche des ventes records en 2023, Photo AFP
La chanteuse Taylor Swift, qui affiche des ventes records en 2023, Photo AFP
©LISA O'CONNOR / AFP

The show must go on

Aux Etats-Unis, les albums récents se vendent comme des petits pains. Cela n’a rien de bien étonnant, quand on y regarde de plus près… Mais est-ce que cela diffère en France ? Ce qu’il faut savoir.

Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah

Daniel Ichbiah est écrivain et journaliste, spécialisé dans les jeux vidéo, les nouvelles technologiques, la musique et la production musicale.

Il est l'auteur de nombreux best-sellers tels que La Saga des jeux vidéos, Les 4 vies de Steve Jobs, Rock Vibrations, Le Livre de la Bonne Humeur, Bill Gates et la saga de Microsoft, etc. Daniel Ichbiah a aussi écrit : Qui es-tu ChatGPT ?

Parmi les biographies musicales écrites par l’auteur figurent celles du groupe Téléphone, de Michael Jackson, des Beatles, d’Elvis Presley, de Madonna (il a également publié Les chansons de Madonna), des Rolling Stones, etc. 

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Atlantico : L’industrie musicale américaine semble désormais se relever et renoue avec des profits records en 2023. Qu’est-ce qui a pu changer, selon-vous ? Comment expliquer ce renouveau et peut-on s’attendre à ce qu’il dure ?

Daniel Ichbiah : Tout cela résulte de plusieurs facteurs. Rappelons, d’abord, que plusieurs albums particulièrement marquants sont sortis récemment. Prenons Taylor Swift, qui figure parmi les meilleures ventes de cette année : son album intitulé Midnight correspond peu ou prou à ce qu’elle a fait de meilleur. Elle a réussi à synthétiser un son extrêmement dans l’air du temps, qu’il est facile à la fois d’écouter et d’utiliser pour créer une ambiance, notamment quand on reçoit des amis par exemple. Il n’est donc pas étonnant qu’elle explose les ventes (+90% de ce qu’elle vend habituellement avec cet album !). La progression est d’autant plus étonnante qu’il faut se rappeler qu’elle vient de la country, initialement. Aujourd’hui, elle a opté pour un son très minimaliste, sur le plan orchestral, et dont la qualité de production ne fait aucun doute.

De l’autre côté, il y a aussi Morgan Wallen, qui peut compter sur le public de la country. Aux Etats-Unis, c’est un marché important qui couvre tout le Middle West. Il a réussi un coup de force cependant : c’est lui qui a su “popisé” ce son et le rendre agréable à l’oreille d’un public qui n’était pourtant vraiment pas convaincu à l’origine. D’une façon générale, ces deux exemples illustrent bien la façon dont la musique a pu évoluer : le son qui plaît, aujourd’hui, est un son d’atmosphère, minimaliste, presque ouaté. Il ne faut pas non plus oublier la pop coréenne et ses visuels délirants, ses clips très réussis techniquement.

A mon sens, c’est un renouveau qui est parti pour durer en cela qu’il est générationnel. Le son proposé est, évidemment, apprécié des jeunes générations. C’est une musique qui rajoute une ambiance et c’est précisément pour cela qu’il s’impose.

Ceci étant dit, il ne faut pas non plus perdre de vue l’impact de certaines avancées techniques et tout particulièrement celui du streaming. Il est, dorénavant, beaucoup plus simple d’écouter de la musique que cela ne pouvait être le cas par le passé. Si l’on conjugue le streaming aux réseaux sociaux, qui permettent aux artistes contemporains à entretenir une certaine relation avec leurs publics respectifs, cela ouvre des portes différentes sur le monde de la consommation musique. Certains optent aussi pour le “Meet’n’Greet”, qui consiste à payer un certain prix pour pouvoir rencontrer son artiste préféré. De quoi renforcer le sentiment de proximité.

Les réseaux sociaux permettent un autre type de lien : Taylor Swift les a ainsi utilisés pour témoigner de son soutien à certains sénateurs, ce qui n’est pas sans jouer sur son image publique.

Chaque génération aura eu ses idoles musicales.

Indépendamment de tout cela, il faut aussi reconnaître l’attachement à l’objet physique, à la possession, qui persiste à travers l’achat en forte hausse de vinyls. C’est un bel objet, qui séduit encore. De même que certaines éditions spéciales que sortent Taylor Swift ou certains groupes de K-Pop…

En tête des ventes, on retrouve notamment Taylor Swift, Morgan Wallen ainsi que des artistes K-pop, qui boostent notamment les ventes de vinyls. Du côté digital aussi l’activité progresse, notamment à l’aide de streams. Qu’est-ce que cela dit, selon vous, de l’avenir des ventes en matière de musique ? Pourra-t-on encore vendre des chansons provenant de styles plus datés, par exemple, ou moins internationales ?

La musique, et ces évolutions l’illustrent bien, reste quelque chose de très générationnel. C’est, à mon sens, l’enseignement que l’on peut tirer de cette évolution des goûts, telle qu’observée à travers le changement des courbes de vente. Chaque génération a besoin de s’identifier à des artistes qu’elle estime représenter son époque… quand bien même ceux-ci peuvent se produire sur scène depuis des années déjà. C’est le cas de Taylor Swift aux Etats-Unis ou de Clara Luciani et Stromae du côté de la France, par exemple.

Il y aura toujours des artistes symboliques de leur époque. Aujourd’hui, ceux-ci produisent un son qui a tendance à tirer vers l’atmosphérique, ce qui l’éloigne considérablement des derniers styles observés comme le rap ou le rock’n’roll. C’est n’est pas seulement le cas aux Etats-Unis : Angèle opte pour le même type de sonorité ici.

Je suis persuadé que, comme les Beatles ou The Police avant eux, ces artistes seront certainement dépassés d’ici une décennie. Pourtant, cela ne veut pas dire qu’il n’auront rien représenté… simplement que d’autres représenteront mieux, à ce moment-là, leur époque aux yeux du public d’alors. A chaque génération ses idoles.

Rappelons cependant que le streaming, qui favorise l’écoute de musique, tend à encourager la diversité, notamment via le système de playlist. Il est possible que cela pousse les uns et les autres à sortir de leur zone de confort habituel. D’autant plus que ce modèle à longtemps été perçu comme non-rentable et que désormais le nombre d’abonnés explose. Rien qu’en France, on compte 16 millions d’abonnés, toute plateforme confondue ! Tout cela fait de l’argent qui rentre. Certains instituts arrivent même à restituer les nombres d’écoutes en potentiel de vente d’albums, désormais.

Comment les choses se passent-elles en France ? Observe-t-on le même genre de tendances, selon vous ?

En 2022, le marché musical a approché le milliard d’euros de bénéfice. Il poursuit une trajectoire à la hausse depuis 2017, de mémoire. Un quart des ventes provient de la commercialisation de plateformes physiques, ce qui correspond à la vente de disques… ou bien souvent de vinyls. En outre, énormément d’artistes francophones triomphent aux Victoires de la Musique. Difficile de ne pas penser à Orelsan, Angèle, Stromae, Clara Luciani… Il y a, de fait, un attachement générationnel à ces nouvelles icônes. Au fond, le mot de l’époque (il me semble), c’est l’authenticité : ce sont des gens qui n’hésitent pas à parler d’eux-mêmes, de leur quotidien…

On commence généralement par aimer un artiste parce qu’il produit une musique que l’on apprécie. En revanche, on s’attache ensuite pour ce qu’ils représentent. C’est le secret des artistes qui durent : des qualités personnelles appréciées du public.

Pour l’heure, ce sont surtout les titres américains ou en provenance de l’est (Japon, Corée…) qui semblent le plus se démarquer. La musique française a-t-elle encore une chance d’exister, au moins dans l’Hexagone ?

Oui, j’en suis convaincu. Prenons deux exemples qui illustrent bien mon propos : Angèle et Stromae qui, au-delà de tout ce qui peut les différencier, constituent l’une comme l’autre un phénomène comme personne n’en avait vu depuis longtemps. Ces artistes apportent quelque chose de nouveau à leur musique. C’est vrai aussi pour Christine and the Queens, qui a influencé jusqu’à Madonna au moment de son émergence. Cela témoigne bien de la création de nouvelles formes d’expression.

En outre, et rappelons-le, le marché francophone suffit à faire vivre les artistes francophones. Cela ne risque visiblement pas de changer, aussi il n’y a pas à s’inquiéter de l’avenir de la musique française.

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