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Benoît Rayski publie "Viva la Muerte, Lettre à Dominique Venner".
Benoît Rayski publie "Viva la Muerte, Lettre à Dominique Venner".
©Capture d'écran / DR

RIB (requiescat in bellum)

Un livre de Benoît Rayski*.

Isabelle Larmat

Isabelle Larmat est professeur de lettres modernes. 

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Le 21 mai 2013, en plein débat au sujet du mariage pour tous Dominique Venner, essayiste et militant politique français, classé à l’extrême droite, se donnait la mort devant le Maître-autel de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Il laissa une lettre dans laquelle il indiquait la raison de son geste : réveiller des consciences léthargiques, insensibles à faillite de notre civilisation française et plus largement européenne.

Venner n’était pas très catholique. Aussi, s’il choisit la célèbre cathédrale parisienne pour recueillir son dernier souffle, c’est parce qu’il s’agissait d’un lieu emblématique du patrimoine français. Et surtout, parce que le monument chrétien aurait été érigé à l’emplacement d’un temple gallo- romain datant du premier siècle et dédié à Jupiter.

Son parcours et ses sympathies avec l’ultra-droite sentent souvent le soufre.

Dominique Venner entendait, en effet, mettre en action (française) la formule de Charles Maurras : « Nous devons être intellectuels et violents ».

C’est pourquoi il soutint activement le putsch des généraux puis fonda le mouvement d’extrême-droite Europe-Action avant de devenir un auteur infréquentable pour son époque.

Pour se convaincre de cette infréquentabilité, il suffit de lire l’œuvre testamentaire de Venner : « Unsamouraï d’Occident ». On y retrouve tous les dogmes de l’auteur : la dénonciation du christianisme qui fut « détruit de l’intérieur par une très ancienne culture de la faute et de la compassion ». Il loue d’illustres homosexuels « reines ou grands seigneurs » ce qui ne l’empêche pas d’exécrer l’idée du mariage pour tous. Il affirme également, la nécessité de la guerre qui : « donne du sens et dela poésie à une société ». Puis, explique sa dévotion à la Nature : parce que : « La lumièreet la nuit sont divines ». Il professe enfin la tradition comme futur et clame son dégoût pour son contemporain au « nihilisme flasque », à « la laideur envahissante », envoûté par « l’utopie d’une intégration multiethnique ».

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La gauche qui le haïssait, n’en craignait pas moins ce personnage baroque, spécialiste du monde de la chasse et des armes, ami de François de Grossouvre.

Frédéric Mitterrand, féru de récits tout autant que de style avait pour lui qui « une sympathie lointaine mais intime », selon un article paru dans l’Express. Ce, d’autant plus que Dominique Venner l’avait félicité pour la parution de « La Mauvaise Vie » (Robert Laffont), si décriée.

Benoît Rayski ignorait tout de Dominique Venner avant que les journaux ne relatent son geste et le parcours de vie dont il fut précédé. Toutefois le choix que fit cet admirateur de Mishima : « entrer dans la mort les yeux ouverts » (Pour reprendre la dernière phrase des « Mémoires d’Hadrien » de Marguerite Yourcenar) afin d’ouvrir ceux des autres sur le déclin français amorcé lui inspira un certain respect. « Aucune des idées de Dominique Venner n’était mienne. Mais l’homme peut parfois échapper par son courage et sa noblesse à la gangue idéologique qui lui tient lieu d’armure.Venner aimait la France, Atlantide disparue, rêvée,idéalisée. Moi aussi. »

Ainsi naquit l’idée d’un essai consacré à cet homme singulier que l’auteur n’aurait jamais dû rencontrer : « On dit que leslignes parallèles ne se croisent jamais. La géométrie est unescience exacte.Mais, parfois elle s’égare car, aveugle et sourde, elle est incapable de capter les battements du cœur. Celui de Venner s’est arrêté le 23 mai 2013. Le mien s’est alors misen route. Et nos parallèles se sont croisées. »

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Cet essai, concis et écrit dans une langue aussi lapidaire qu’incisive, donne à voir deux Français que tout oppose, l’un païen aux idées sulfureuses, l’autre, Juif et bercé dans une culture communiste dont il est revenu : « Venner avait raison de haïr lecommunisme.Une utopie du bien dont la finalité fut un épouvantable cauchemar. Moi, dès mon plus jeune âge, j’avais appris à voir la vie en rouge. Où était ma faute ? ». Ces hommes, pourtant, sont tombés d’accord sur la réalité d’un crépuscule qui assombrit peu à peu la France et l’Europe.

C’est aussi la grandeur passée de la civilisation française et plus largement européenne que célèbre cet ouvrage, sans faire de concessions à la violence et aux cruautés qui jalonnèrent leur histoire. On y croise les acteurs de l’Histoire, parfois sanguinaires, et ses victimes, hâves et décharnées injustement tombées pour que « le vaste monde poursuive sa course folle ».

La guerre, souvent évoquée, est toujours sale : « La seule guerre que Venner eût connue,c’était la guerre d’Algérie (…) Elle fut affreuse et laide, des deux côtés. Ici on éventrait les européennes violées.On coupait les têtes des enfants et les hommes étaient promis « ausourire kabyle »(…) Là, on torturait. Proprement, croyait-on. De façon moderne, à l’électricité. Les générateurs électriques branchés sur les corps des fellaghas marchaient àfond. »

On croise également, dans cet essai, des héros comme Olga Benário, militante communiste à la vie aventureuse, victime des nazis, ou Rathenaud, le Ministre des Affaires étrangères de la République de Weimar. Jugé clairvoyant et juste, par ses ennemis, il n’en fut pas moins assassiné.

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Mais surtout, alors qu’il nous découvre Venner, c’est lui-même que Benoît Rayski dévoile en contrepoint. L’auteur de « Viva la Muerte » rend compte de leurs élections littéraires respectives ; celles qui les forgèrent, eux, et leur rapport à l’Histoire ; celles qui nourrirent leurs écrits. On a noté : « Les Réprouvés » d’Ernst von Salomon pour Venner, « Le Coup de Grâce » de Marguerite Yourcenar pour Benoît Rayski.

Sont largement évoqués, alors, les rapports à l’histoire contemporaine de ceux qu’on pourrait presque qualifier de personnages d’un récit que serait « Viva la Muerte » : « Comme Venner, j’ai une passion pour les héros de laCommune de Paris. Lui, parce qu’il voyait dans cette insurrection, le génie combattant du peuple dont il ne désespérait pas qu’un jour il fraternise avec l’aristocratie. Moi parce que, naïvement, je pensais que le peuple était depuis toujours et pour toujours le seul Christ rédempteur qui vaille ».

Nos deux devisants, le temps d’un livre, fraternisent autour de l’idée de la France comme celle d’un foyer qui constituerait un refuge pour les siens : « Heimat » en allemand. Ils récitent ensemble, fugitivement réunis, les vers que du Bellay, exilé à Rome, coucha sur le vélin

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,

Que des palais Romains le front audacieux,

Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine

Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,

Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,

Et plus que l’air marin, la douceur angevine.

Enfin, dans « Viva la Muerte », Benoît Rayski fait une déclarartion d’amour à la France et à son histoire qu’il convient de célébrer, quelle qu’elle soit : « LaFrance c’est une comptine : Orléans, Beaugency, Notre-Dame de Cléry, Vendôme… C’est tout ce qui restait au roi de France quand les Anglais avait tout pris. (…) La France, c’est Barrès avec sa « Colline inspirée » et le dreyfusard Charles Péguy. »

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Plus largement, c’est à l’Occident déclinant et attaqué dans ses valeurs par le wokisme, le mondialisme et autres inventions modernes de mauvais aloi, que l’auteur déclare sa flamme, tout comme l’avait fait Venner, à sa façon : « Decet Occident Venner et moi sommes les enfants. L’héritage occidental estd’une richesse sans pareille. Nous y avons puisé chacun ce que nous souhaitions. Et souventpas les mêmes choses. Tels sont les avantages de la diversité.Un très beau mot, si on veut bien considérer qu’il ne concerne pas que le 93. »

* « Viva la Muerte, Lettre à Dominique Venner », Benoît Rayski, Éditions Saint- Honoré

Isabelle Larmat, professeur de Lettres modernes.

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