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Clavier d'ordinateur.
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©NICOLAS ASFOURI / AFP

Cybersécurité

Suite à la mort de Masha Amini, les autorités iraniennes ont de plus en plus restreint l'accès à Internet. Après avoir bloqué les applications comme WhatsApp et Instagram, l’utilisation et la vente des VPN pourraient être criminalisées.

Anthony Poncier

Anthony Poncier

Anthony Poncier est Docteur en Histoire, membre du collectif Réenchanter Internet et expert en transformation digitale et en stratégies collaboratives. En cette qualité, il accompagne les entreprises dans la conception de leurs stratégies médias sociaux, ainsi que dans la création de leurs réseaux internes.

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Atlantico : Suite à la mort de Masha Amini, les autorités iraniennes ont de plus en plus restreint l'accès à Internet. Après avoir bloqué les applications comme WhatsApp et Instagram, l’utilisation et la vente des VPN pourraient être criminalisées. Dans quelle mesure l’utilisation de VPN est-elle un outil nécessaire pour lutter contre la censure ?

Anthony Poncier : Depuis plusieurs années, nous assistons à une fragmentation d’Internet. Reporters sans frontières parle même d’intranet, contrôlé en grande partie par l’Etat pour certains pays comme la Birmanie, l’Iran. L’accès à un certain nombre de services est de plus en plus restreint. Un des moyens de contourner ces formes de contrôle des messages et des échanges est d’utiliser des VPN. Ces outils permettent de crypter les communications. Ils ne permettent pas de voir les données de connexion de la personne ou de voir ce qu’elle fait en ligne. Puisque certaines applications à caractère privatif comme Telegram deviennent interdites, les personnes pour contourner ces sanctions pouvaient utiliser potentiellement des VPN pour se connecter à d’autres sites, pour échanger sur des forums en ligne.

Ces VPN permettent aux utilisateurs de préserver leur vie privée et de dépasser les formes de censure. Grâce au VPN, il est possible de surfer sur Instagram en Iran ou d’accéder à d’autres types de sites en gardant son anonymat et sans être tracé. Cela permet de se connecter sans que le gouvernement le sache.    

Les leaders de la Tech peuvent-ils apporter des solutions technologiques et d’innovation à des sociétés en Iran ou en Chine qui tentent de lutter pour la liberté d’expression, contre la censure et la répression ? 

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Les entreprises de la Tech en ont largement les moyens. Il y a quelques années, des activistes pour la liberté d’expression proposaient des VPN. Lorsqu’un Etat veut bloquer un VPN, ils demandent aux fournisseurs d’accès de black lister les adresses IP de là où sont situés les VPN. Dès qu’une adresse IP était bloquée par un Etat, les activistes proposaient une nouvelle adresse IP afin de pouvoir se connecter. Les géants de la Tech qui ont des serveurs et des adresses IP en très grand nombre ont largement les moyens de proposer des solutions pour se connecter via un VPN.

Signal, l’une des meilleures applications en termes de messagerie et de vie privée, avait été utilisée par Edward Snowden pour ne pas être repéré et écouté. Dans ses premières versions, Signal donnait une fausse IP, au hasard, sur différents serveurs. Cela avait tendance à perturber Amazon Cloud. Cette fonctionnalité a été bloquée. Il y a des solutions technologiques en cachant les IP, en en fournissant de nouvelles mais cela nécessite une volonté de la part des sociétés de la Tech afin de promouvoir ces services.

Les entreprises de la Tech sont-elles suffisamment impliquées dans la lutte contre la criminalisation des VPN à travers le monde ? 

A priori non, car elles ne sont pas elles-mêmes détentrices de VPN. Il ne s’agit pas de leur cheval de bataille. Sur les questions de vie privée, si on prend le cas de la Chine, Yahoo a laissé l’accès à des e-mails d’opposants. Apple a déjà refusé sur son store que certaines applications puissent être téléchargées en Chine. Les géants de la Tech ne sont pas forcément dans la protection des VPN. Ils sont plutôt à l’écoute de leur marché. Il faudrait que cela représente un marché important pour eux.

 En revanche, si une même politique était mise en place par la Chine, il y a assez peu de chances que les sociétés de la Tech s’y opposent. Cela représenterait un marché énorme.

Les entreprises technologiques peuvent-elles pousser les régimes autoritaires, via des stratégies et des actions, à lever les sanctions technologiques contre la population iranienne ou en Chine ?

En Chine, il y a un certain nombre d’applications qui sont bannies. C’est le cas pour les chats en Iran mais c’est plus large en Chine. Par rapport à ce qui peut se faire sur TikTok, qui est en train de se faire bloquer dans un certain nombre de pays d’Europe, la Chine ne peut pas réagir car elle bloque déjà beaucoup d’applications occidentales.

Certaines entreprises de la Tech s’étaient notamment mobilisées aux Etats-Unis contre des gouverneurs de certains Etats qui expliquaient qu’ils allaient transférer leurs usines car les Etats en question mettaient en place des lois discriminatoires, sexistes, homophobes. Ils avaient alors pu faire bouger les choses avec la pression et le chantage à l’emploi. Pour les gouvernements autoritaires, si les applications sont déjà bloquées, le levier reste assez limité pour faire bouger ces gouvernements.

Quasiment toutes les applications et services, comme WhatsApp et Google, ont des équivalents dans les pays en question et sont utilisés massivement par les citoyens de ces régimes. C’est le cas notamment en Chine avec l’utilisation de WeChat et de Baidu.

L’usage qui est fait des applications de la big tech par les populations dans les pays concernés sont assez limités. Les géants de la Tech locaux sont aussi soumis à la pression du pouvoir. Jack Ma a été obligé de scinder son entreprise. Il y a eu aussi des amendes pour Tencent. Les entreprises chinoises de la Tech ont été mises au pas par le parti communiste chinois.  

Il sera donc difficile de faire bouger ces pays-là. Ces régimes auront plus à perdre à laisser la liberté d’expression plutôt que de la garder sous contrôle. Les leviers sont donc limités de part et d’autre.  

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