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En 2018, la population canine française s'estimait à plus de 6,9 millions.
En 2018, la population canine française s'estimait à plus de 6,9 millions.
©Charly TRIBALLEAU / AFP

Prêter de l'attention

Certains comportementalistes animaliers s’inquiètent qu’on ne balade pas nos chiens comme il le faudrait.

Laura Gillet

Laura Gillet

Laura Gillet est psychologue et doctorante en éthologie à l'université ELTE, à Budapest.
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Atlantico : En 2018, la population canine française s'estimait à plus de 6,9 millions. Ces animaux ont, le plus souvent, besoin d’être baladés. Certains comportementalistes animaliers s’inquiètent qu’on ne balade pas nos chiens comme il le faudrait. Quelles sont les erreurs à ne pas commettre quand on balade son chien ?

Laura Gillet : En effet, la proportion de foyers possédant au moins un chien augmente de manière significative (il est estimé que 25% des foyers européens possèdent au moins un chien). Et une très grande partie d’entre eux vivent en zone urbaine. Cela signifie que ces chiens ne peuvent pas accéder par eux-mêmes à l’extérieur, ou alors de manière limitée et contrôlée. Les promenades sont indispensables au bien-être physique et mental du chien, mais à condition toutefois qu’elles soient réalisées dans de bonnes circonstances.

La principale erreur à éviter serait de voir ces promenades uniquement comme une corvée. En effet, cela pourrait entraîner une réduction du temps de promenade à son strict minimum, sans changement d’environnement ni de véritables moments de liberté et de plaisir. Or les besoins primaires du chien vont au-delà de simples besoins physiologiques.

Les chiens sont probablement l’espèce animale qui s’est le plus adaptée à l’humain en termes de comportements sociaux. Et de bonnes relations entre le chien et son propriétaire revêtent une importance majeure dans le bien-être psychologique des deux parties. Mais comme dans les relations entre humains, ces relations peuvent être perturbées par différents facteurs et notamment l’usage – actif ou passif - du smartphone. En effet, de nombreux psychologues s’inquiètent déjà des conséquences de l’utilisation du smartphone par les parents pendant qu’ils s’occupent de leur enfant, par exemple lors de l’allaitement ou de sorties au parc. Cela a notamment un effet sur la capacité des parents à répondre de manière adaptée aux signaux exprimés par l’enfant et sur la réciprocité des échanges lors des situations d’interactions. A terme, cela peut même avoir des conséquences délétères sur la qualité de l’attachement parent-enfant. On peut dire que la même chose se joue entre un chien et son maître. Le chien est capable d’envoyer des signaux sociaux et de lire ceux de l’humain en retour. Une absence de réciprocité dans ces échanges peut impacter la qualité générale de la relation, et les conséquences peuvent être variées : problèmes d’attachement, apparition de comportements indésirables/problématiques chez le chien, et émotions négatives (incompréhension, colère, frustration, honte…) chez le propriétaire.

Sur un aspect beaucoup plus pratique, ne pas prêter suffisamment attention à son chien pendant la balade peut également générer des situations dangereuses et/ou non souhaitables (le chien mange un déchet, ne peut pas éviter un piéton ou un vélo…). Une attention non soutenue sur l’activité de promenade peut aussi être source d’inconsistances dans le comportement du propriétaire. Or, les chiens (comme les enfants) sont rassurés par les situations cohérentes et prédictibles. Le propriétaire est garant de la sécurité du chien, et ce dernier tend à se référer à son propriétaire pour savoir comment réagir en cas de doutes. Si le comportement du propriétaire face à un stimuli ou à une situation donnée fluctue au cours de la balade (par exemple, il autorise son chien à inspecter un arbre une fois sur deux), cela peut déstabiliser le chien et rendre les règles moins claires, et donc entraîner à terme des difficultés dans la communication et des problèmes de comportement chez le chien.

En résumé, les erreurs sont : sous-estimer l’importance de la promenade pour le bien-être du chien et de soi-même ; ne pas être pleinement attentif/présent émotionnellement pendant la promenade ; négliger la communication avec son chien pendant la promenade.

Par habitude, néglige-t-on trop l’importance de la promenade pour le chien ?

Il est facile d’être découragé par une mauvaise météo ou par un emploi du temps quotidien chargé. De courtes promenades hygiéniques sont alors privilégiées, et celles-ci peuvent apparaître comme une contrainte, un moment peu apprécié par le propriétaire.  Des chercheurs ont distingué ces promenades fonctionnelles des promenades récréatives, qui sont quant à elles perçues comme un moment de détente générateur d’émotions positives.  

Certaines familles qui possèdent un jardin pensent qu’il n’est pas nécessaire de promener le chien tous les jours. Mais on sait que le chien est une espèce sociale qui a, par définition, un besoin élevé d’interactions avec ses congénères. De plus, le sens de l’odorat est extrêmement développé chez le chien et c’est pour lui le meilleur moyen de découvrir son environnement et de récolter des informations sur ce qui l’entoure. En gardant toujours le chien dans le jardin, on le prive en partie de ses besoins car il est peu exposé à de nouvelles odeurs. En outre, rester dans le jardin n’assure pas non plus les besoins d’activité physique et de stimulation intellectuelle du chien, qui sont plus ou moins importants selon les races mais néanmoins présents chez tous les individus.

Pour le propriétaire aussi, se priver de balades quotidiennes serait dommage. Promener son chien est une façon de rencontrer de nouvelles personnes du voisinage fréquemment citée par les propriétaires. Réaliser cette activité en étant pleinement attentif à son environnement est donc l’occasion parfaite d’agrandir ou de maintenir ses relations sociales, tout en continuant à développer sa relation avec son chien. Autre avantage, plusieurs études mettent en avant le fait que les propriétaires de chiens sont généralement plus actifs physiquement que les non-propriétaires, notamment grâce aux balades.

Comment s’assurer de balader son chien correctement ?

Si les promenades fonctionnelles mentionnées plus haut sont nécessaires afin de répondre à certains des besoins primaires du chien, quelques facteurs peuvent rendre celles-ci plus agréables. En somme, l’objectif est de les rendre plus récréatives, surtout pour le propriétaire, dont l’attitude plus positive pourra avoir des effets bénéfiques à l’autre bout de la laisse. Autant que possible, privilégiez un endroit où vous vous sentez bien et en sécurité. Un grand parc où vous pouvez lâcher votre chien même quelques minutes ou un quartier de la ville plaisant esthétiquement peuvent rendre la promenade du matin plus appréciable.

Essayez également d’être pleinement présent lors de la promenade, sans diviser votre attention sur différentes tâches (si possible, gardez le téléphone hors de portée pendant au moins quelques minutes !). Si la promenade est une corvée à vos yeux, vous pouvez inverser la balance en en faisant un moment de détente et de partage avec votre chien. On peut presque voir la balade comme un exercice de psychologie positive, à l’image d’une séance de méditation. Par exemple, si vous sortez votre chien avant le travail, vous pouvez prendre ce temps pour éveiller vos sens, vous connecter à votre corps et profiter de l’activité physique et de l’air frais pour travailler votre respiration. En plus, il a également été démontré scientifiquement que le contact physique avec un animal de compagnie diminue le stress. Il vaut donc mieux privilégier une balade courte où vous êtes pleinement connecté à votre chien et à votre environnement qu’une balade longue effectuée par automatisme, en étant absorbé par un podcast ou par votre liste de courses.

Enfin, en cas de difficultés récurrentes pendant la promenade, n’hésitez pas à faire appel à un professionnel de l’éducation canine. Une éducation à la marche en laisse, ou un meilleur rappel en promenade, peuvent contribuer à de meilleures expériences de sorties pour le maître comme pour le chien.

Quelles peuvent être les conséquences, pour l’animal et pour son maître, de mauvaises habitudes de balade ?

La promenade devrait être source de renforcement positif et non négatif. Si le propriétaire commence à anticiper négativement ce moment de la journée, par exemple à cause de contraintes temporelles ou de stress lié au travail, il peut transmettre ces émotions à travers des signaux non verbaux inconscients que le chien est particulièrement doué pour décoder. Sur le long terme et à un degré extrême, cela peut même créer une phobie de la laisse ou du collier chez le chien.

Des moments sans laisse sont importants pour la sociabilité du chien. Certains propriétaires peuvent craindre les interactions avec d’autres chiens et la laisse est un moyen de les en empêcher. Cela peut être par exemple le cas lorsque certains comportements d’invitation au jeu sont confondus avec des signes d’agressivité. Or, restreindre le jeu (ou d’autres interactions sociales) peut être source de frustration pour le chien. De plus, par anticipation négative, le maître peut (inconsciemment ou non) raccourcir la laisse et se tendre dès qu’il croise un autre chien en promenade. Le chien apprenant par association de stimuli, il peut alors associer la présence d’un congénère à une menace, et devenir, à terme, réactif à tous les autres chiens.

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