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Energie : la plus grande chute de la demande depuis la crise des années 30 redéfinit les marchés
©DAVID MCNEW / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Crash

Alors que les économies luttent pour renouer avec l’activité, l'Agence internationale de l'énergie a annoncé que la consommation mondiale d'électricité diminuerait de 5 % en 2020.

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec

Jean-Pierre Favennec est un spécialiste de l’énergie et en particulier du pétrole et professeur à l’Ecole du Pétrole et des Moteurs, où il a dirigé le Centre Economie et Gestion. 

Il a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur des sujets touchant à l’économie et à la géopolitique de l’énergie et en particulier Exploitation et Gestion du Raffinage (français et anglais), Recherche et Production du Pétrole et du Gaz (français et anglais en 2011), l’Energie à Quel Prix ? (2006) et Géopolitique de l’Energie (français 2009, anglais 2011).

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Atlantico : Aux États-Unis, la semaine dernière, les analystes du gouvernement ont prévu la plus forte baisse jamais enregistrée dans le pays. Et en Europe, les analystes affirment qu'une reprise complète pourrait prendre des années. Comment expliquer le ralentissement de la demande d’électricité en Europe et aux Etats-Unis ? Pourquoi risque-t-elle de se prolonger encore longtemps ?

Jean-Pierre Favennec : La crise économique provoquée par la pandémie du Coronavirus a entraîné une chute considérable de la demande d’énergie. Avec plus de la moitié de la population confinée à certains moments, les consommations ont fortement baissé. La consommation d’électricité devrait baisser sur l’année de 5 %, mais les consommations d’énergies fossiles diminueront encore davantage : la consommation de charbon devrait diminuer de 8 % ; la consommation de pétrole devrait diminuer de près de 10 % après une chute de 30 % en Avril !

Au total la consommation d’électricité est donc relativement moins touchée que celle des autres énergies. Le pétrole par exemple reste l’énergie de base, au moins pour les prochaines années, pour le transport et le quasi arrêt du transport aérien, la réduction du trafic automobile expliquent cette baisse. Pour l’électricité, la baisse très forte de la consommation dans le secteur industriel et commercial n’a été que très partiellement compensée par la hausse des consommations domestiques, les familles restant à leur domicile et utilisant davantage appareils domestiques et internet.

Cette baisse de la consommation d’électricité – comme la baisse des autres consommations d’énergie est évidemment la plus forte jamais enregistrée en temps de paix.

Quelles prévisions peut-on faire ? Le principal facteur sera la durée de la pandémie. Assisterons nous à une disparition du virus ou au contraire assisterons nous à des retours du Covid 19, par exemple lorsque le froid revient comme ce fut le cas de la grippe espagnole qui tua plusieurs dizaines de millions de personnes en plusieurs vagues de 1918 à 1921..

Dans le premier cas, on devrait assister à une reprise des consommations en fin d’année à un niveau proche de celui de 2019. Il est possible cependant que l’impact de la pandémie sur l’activité économique soit long à résorber et certains experts ne prévoient un retour à la normale qu’en 2021

Dans le second cas, toute prévision est délicate et dépendra de la capacité des gouvernements à soutenir l’économie et de la plus ou moins grande crainte du virus dans la population. Un retour à la confiance sera nécessaire pour retrouver une activité économique normale et donc une consommation d’électricité proche du niveau d’avant la crise.

En quoi la consommation d’énergie, et notamment de l’électricité, reflette-t-elle l'activité économique ? À l’inverse, la relance de l’activité devra-t-elle passer par une relance de la consommation d’électricité ?

Il y a un lien fort entre consommation d’énergie et croissance économique. Dans les années 60 un accroissement de la richesse, mesurée par le PNB, se traduisait par un accroissement du même ordre de la consommation d’énergie. Toujours à cette époque le doublement de la consommation d’électricité tous les 10 ans (soit une progression annuelle de 7%) était considéré comme la norme. Actuellement la consommation d’énergie progresse moins vite que le PNB du fait du développement des services, moins consommateurs que l’industrie. Le prix de l’énergie jour évidemment un rôle important et lors des chocs pétroliers à la fin des années 70 et au début des années 80, la richesse a continué de croître avec une consommation d’énergie en baisse. Les économies d’énergie réalisées pour baisser les factures expliquent évidemment cette situation

Il existe un potentiel important d’économies d’énergie et de nombreux experts considèrent que la réduction des émissions de CO2 pour ralentir le changement climatique passe d’abord et surtout par ces économies d’énergie : véhicules pluds performants, bâtiments mieux conçus et mieux isolés ..

À terme, de quelle façon le marché de l’énergie sera-t-il remodelé ? Cette situation joue-t-elle en faveur des énergies renouvelables ?

Il est probable que dans les prochaines années, les efforts d’économie d’énergie seront accrus et que la consommation d’énergie n’augmentera que faiblement même lorsque la croissance économique sera revenue.

L’électricité sera appelée à jouer un rôle de plus en plus important dans la mesure où les consommations de charbon surtout, voire d’hydrocarbures devront être réduites pour limiter les effets du changement climatique

On constate actuellement une légère croissance de la production et de la consommation d’énergies renouvelables et cette croissance se poursuivra quelque soit la situation sanitaire. Soulignons que les énergies renouvelables (hydraulique, éolien, solaire …) sont consommées sous forme d’électricité. Le développement de la consommation d’électricité est donc inéluctable même si son stockage reste encore un problème à l’heure actuelle.

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