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Dior gère l'après Galliano, John gère ses démons
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Falbalas

Défilé sans accroc à Paris. Le couturier anglais est lui en rehab pour gérer ses problèmes d'addiction mais aussi celui de ses origines... juives selon la presse anglaise

Thierry Dussard

Thierry Dussard

Thierry Dussard est journaliste et enseignant à l’Institut Français de la Mode


 

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En une semaine, Dior a réussi à gérer avec doigté une crise sans précédent. La suspension immédiate de John Galliano, à la suite des injures lancés par le couturier, a tout d’abord coupé court à toute polémique. Echaudé par l’affaire Guerlain, en octobre dernier, Dior a rapidement affiché la couleur : « tolérance zéro à l’égard de tout propos raciste ».

Le dépôt d’une seconde plainte pour propos raciste et antisémite, lundi dernier, suivi d’une vidéo diffusée par The Sun, où l’on voit Galliano déclarer « j’aime Hitler » a levé tous les doutes. La star britannique, aussi créative qu’excentrique, devenait indéfendable. Dior a alors entamé une procédure de licenciement. L’avenir de la maison de couture dont les principaux marchés sont l’Amérique, la Russie et l’Asie était menacé par les plaintes visant son directeur artistique. « Sale juif », « batard asiatique », ces mots qui auraient été prononcés par Galliano étaient comme deux missiles lancés contre la marque aux 826 millions d’euros de chiffre d’affaires, risquant de faire voler en éclat les vitrines  des 160 boutiques réparties dans le monde entier.

Cachemire noir

Le défilé de la collection prêt-à-porter automne-hiver, prévu vendredi à 14 h 30, se déroulait donc sous haute-tension. Une immense tente noire avait été dressée dans les jardins du musée Rodin, le risque était de la transformer en catafalque. Ce n’est pas un mannequin qui est apparu en premier, mais le pdg de Dior en personne, Sidney Toledano, dont la famille est d’origine juive, et qui a condamné d’une voix grave le comportement de John Galliano. Il a surtout rappelé que Christian Dior, dont la sœur Catherine a été déportée à Buchenwald pour faits de résistance, n’a eu de cesse de « libérer les femmes après les heures sombres de l’après-guerre ». Le show pouvait commencer.

La cape et capuche en cachemire noir qui ouvrait le somptueux défilé avait du coup une allure funèbre, celui du fantôme de Galliano planant sur le millier de journalistes, de blogueuses, d’acheteurs et d’invités. Après les 62 modèles, habillés de soie, de mousseline, et d’organza, un silence a un moment laissé place aux applaudissements. Puis toutes les « petites mains de la maison Dior, ce cœur qui bat, et que l’on ne voit pas », selon les mots de Toledano, sont apparues en blouse blanche sur la scène pour saluer. Une première, et un geste fort qui permet à la marque phare du groupe LVMH de souligner que les hommes passent, mais que les marques restent.

L’absence de John Galliano, faisait adroitement écho à celle de Bernard Arnault, le patron de LVMH, qui pourtant ne manque jamais un défilé Dior. Celui-ci était malgré tout représenté par sa fille Delphine, et son fils Antoine, au premier rang. Une manière de suggérer à demi-mots, qu’à tous les niveaux les pages se tournent, tôt ou tard. Christian Dior, disparu en 1957, dix ans après avoir révolutionné le monde de la mode avec le new look, a été aussitôt remplacé par Yves Saint-Laurent, auquel ont succédé Marc Bohan, puis Gianfranco Ferré, et John Galliano.

Des origines juives pour Galliano

Le designer déchu, parti en cure de désintoxication en Arizona, manquait donc au salut final. A la dérive depuis la mort de son jeune compagnon et bras droit, Steven Robinson, en 2007, Juan Carlos Galliano, né à Gibraltar en 1960, n’était plus que l’ombre de lui-même. Selon le Daily Mail, il serait obsédé par ses origines juives, et mettait sans cesse en avant ses racines marannes, le terme qui fait référence aux juifs d’Espagne convertis au catholicisme. Un site anglais a  en outre ouvert les paris sur la succession du « bad boy » arrivé chez Dior en 1996.

Ricardo Tisci, actuellement chez Givenchy, autre pépite de la cassette LVMH, aurait les faveurs de Delphine Arnault. On parle aussi d’Hedi Slimane, qui a déjà tenu les ciseaux chez Dior Homme. Mais c’est Alber Elbaz, le génie bon enfant de Lanvin, qui l’emporte chez les fashionistas. Pour l’instant, Dior se tait. Ou répond à la manière de Christian Dior, à qui on demandait quelle sera la tendance de la prochaine collection : « Je réponds innocemment que je l'ignore, ce qui est presque toujours vrai, et me permet dans le cas contraire, de taire ce que je ne dirais sous aucun prétexte".

En tout les cas, Dior a pour l’instant commis un sans-faute dans l’affaire Galliano. La maison de couture a même fait preuve d’opportunisme, et d’un sens tactique inouï, en se séparant du designer devenu ingérable, après avoir dépoussiéré la marque. 4% de marge opérationnelle pour Dior, contre 45% pour le reste du groupe, ce grand écart était voué à disparaître. Il aura emporté avec lui le couturier gitan, dont la marque « John Galliano » détenu à 96% par LVMH, risque de sombrer avec lui. Le défilé Galliano prévu à La Coupole dimanche a d’ailleurs été annulé, et remplacé par un « tableau vivant ».  Dans l’univers impitoyable de la fast fashion, il n’y a pas que les mannequins qui défilent. Le "maranne de Gibraltar" est entré dans la zone des tempêtes, mais le paquebot Dior poursuit sa route.

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