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Parade annuelle de la fierté à San Juan, Porto Rico, le 5 juin 2022
Parade annuelle de la fierté à San Juan, Porto Rico, le 5 juin 2022
©RICARDO ARDUENGO / AFP

Quand Féminisme rime avec crétinisme

Découragée, je me suis arrêtée à la première

Isabelle Larmat

Isabelle Larmat est professeur de lettres modernes. 

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Platon, dans « Le Banquet », nous explique que Zeus finit par prendre ombrage de l’hybris des androgynes. Ces êtres parfaits, à la fois hommes et femmes, d’une vigueur extraordinaire, avaient, en effet, tenté d’escalader le ciel pour combattre les dieux. Le roi de l’Olympe organisa alors une réunion de crise avec ses colocataires (une sorte de conseil de défense) pour juguler la menace que représentaient les insolents : « Je crois, dit-il, tenir le moyen de conserver les hommes tout en mettant un terme à leur licence : c’est de les rendre plus faibles. Je vais immédiatement les couper en deux l’un après l’autre (…) Ils marcheront droit sur leurs deux jambes. » 

De cette décision aurait dû naître, selon le roi des dieux : « l’amour inné des hommes les uns pour les autres. » Zeus avait en effet imaginé que : « L’amour recompose l’antique nature, s’efforce de fondre deux êtres en un seul, et de guérir la nature humaine. »

Malheureusement, tout ne s’est pas passé comme Zeus l’avait souhaité : celui-ci semble avoir été obligé de sévir une nouvelle fois. Il en avait, du reste, évoqué l’éventualité : « S’ils continuent à se montrer insolents et ne veulent pas se tenir en repos, je les couperai encore une fois en deux et les réduirai à marcher sur une jambe à cloche-pied. »

Les signes de ces représailles olympiennes contre la folie humaine sont de plus en plus perceptibles : chacun, sous couvert d’affirmer son originalité mise à mal par autrui, s’éloigne tous les jours un peu plus de son prochain. Comme mu par une main divine, tout le monde y va de sa dénonciation d’une oppression que lui infligerait son semblable, son frère. Aussi, on assiste, depuis quelques années déjà, à un délitement du lien à l’autre qui semble s’accompagner d’une décérébration accélérée.

Le lobby LGBTQ et les inénarrables écologistes croyant œuvrer utilement pour leur cause, contribuent à ce morcellement de l’humain et au délitement de son cerveau. Ils doivent être, à notre avis, le bras armé d’un Zeus tout à sa vengeance contre l’engeance humaine attaché. Les signes ne trompent pas. Une promenade dans ma bonne ville de Lyon m’a définitivement édifiée.

Je musardais sur les bords de Saône, me proposant, par habitude, de faire le tour des librairies indépendantes. (Je n’y achète pourtant plus rien à l’étal. Je dois la plupart du temps, commander les ouvrages maudits que je souhaite lire. Quand je les sollicite ainsi, les libraires, maussades, s’exécutent non sans condamner, par un regard réprobateur et un haussement d’épaules, mes goûts littéraires dépravés.) C’est alors que je tombai fortuitement sur un de mes amis gays. 

Celui-ci m’apprit, peu réjoui par l’information qu’il me divulguait, que la marche des Fiertés, prévue le 11 juin à Lyon et organisée par le « Collectif des Fiertés en lutte », aurait lieu cette année, en « non- mixité ». Il m’expliqua d’un ton sarcastique, profondément désolé à la perspective de la mascarade en préparation que les personnes victimes d’oppression et de discrimination pourraient ainsi bénéficier ponctuellement « d’espaces spécifiques » pour goûter à la liberté qu’on leur refusait au quotidien.

Je renchéris en lui rétorquant qu’on n’était pas sortis des ronces : j’avais appris le matin même que l’inénarrable Sandrine Rousseau allait nous gratifier en août de son dernier opus intitulé : « Par-delà l’androcène ». Il allait paraître au Seuil, dans la collection « Libelle ». Le terme, calqué sur « anthropocène : période actuelle des temps géologiques où les activités humaines ont de fortes répercussions sur les écosystèmes de la planète, permet selon « l’autrice » de : « mettre la lumière sur le genre de l’anthropocène afin de révéler les relations entre extractivisme, colonialisme, capitalisme et patriarcat. ». 

« Tout un programme, souffla mon ami, désolé. » De conserve, nous soupirâmes sur la défunte Grèce antique, pestâmes tels deux Alceste, contre une époque qui ne servait plus que brouet aux banquets qu’elle proposait. Nous finîmes par nous donner l’accolade et tandis que nous nous séparions, il me conseilla puisque je m’y rendais, de visiter, pour que mon affranchissement soit total, le rayon « étude de genre et féminisme » de notre librairie préférée, selon lui, désespérément bien achalandé. 

Me faisant la réflexion que l’ère du « développement personnel » était définitivement révolue, j’y découvris un rayonnage riche en ouvrages aux titres plus alléchants les uns que les autres, promesses d’insoupçonnables félicités. En voici un échantillonnage : « Comment le genre construit la classe », « On ne naîtpas mec : petit traité sur les masculinités », « Masculinités : enjeux sociaux de l’hégémonie », « Fiertés et préjugés : la révolution gay ».

 Celui qui retint tout particulièrement mon attention fut : « Comment devenir lesbienne en dix étapes » de Louise Morel. 

Des propos tenus il y trois ans par Virginie Despentes contribuaient à rendre attractive la quatrième de couverture : « À mon avis, dans, vingt ans, la plupart des meufs sont lesbiennes. Ça va se faire tout seul, je le crois réellement. Parce que tout est tellement mieux. Sexuellement, tu n’y perds pas et pour tout le reste, c’est tellement un soulagement inouï que …  Qu’est-ce que tu vas te faire chier ? » (Society, 2019) 

Sous cette citation percutante de notre « autrice » à succès, on peut lire, dès fois qu’on hésiterait encore à se lancer dans l’aventure : « De plus en plus de femmes se rendent compte que l’hétérosexualité est une arnaque. Ce livre est là pour les y aider. » Ben, mes ami.e.s, il faut foncer!

Passant certainement à côté d’une vie meilleure, j’avoue que j’ai reposé l’ouvrage, non sans vérifier d’un rapide coup d’œil circulaire, que personne n’avait pu me voir alors que je le feuilletais à la sauvette.

Me saisissant enfin prestement de « À Rebours » de Huysmans, en collection Folio, j’ai rebroussé chemin, plus Alceste que jamais et murmurant à mon bonnet : 

Je vais sortir d’un gouffre où triomphent les vices, 

Et chercher sur la terre un endroit écarté

Où d’être homme d’honneur on ait la liberté. 

(Molière, « Le Misanthrope »)

Isabelle Larmat, professeur de Lettres modernes.

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