Apple a désormais les moyens nécessaire de créer son propre moteur de recherche<!-- --> | Atlantico.fr
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Le logo d'Apple, photo d'illustration AFP
Le logo d'Apple, photo d'illustration AFP
©Greg Baker / AFP

Guerre informatique

La firme à la pomme serait désormais en mesure de développer un moteur de recherche potentiellement capable de concurrencer jusqu'à Google. Voilà à quoi il faut s'attendre.

Gilles Dounès

Gilles Dounès

Gilles Dounès a été directeur de la rédaction du site MacPlus.net  jusqu’en mars 2015. Il intervient à présent régulièrement sur iWeek, l'émission consacrée à l’écosystème Apple sur OUATCH.tv, la chaîne TV dédiée à la High-Tech et aux loisirs.

Il est le co-auteur, avec Marc Geoffroy, de l'ouvrage iPod Backstage, les coulisses d’un succès mondial, paru en 2005 aux Editions Dunod.

Vous pouvez suivre Gilles Dounès sur Twitter : @gdounes

 

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Atlantico : Apple, semble-t-il, dispose de l’ensemble nécessaire à la création de son propre moteur de recherche. Ce faisant, l’entreprise ne dépendrait plus de Google, à en croire la presse anglo-saxonne.  A quoi pourrait ressembler un pareil moteur de recherche ?

Gilles Dounès : Franchement, je ne pense pas qu'on puisse parler de dépendance d'Apple vis-à-vis de Google. Ou alors ce serait Apple qui puiserait largement dans sa trésorerie pour avoir Google Search embarqué par défaut dans Safari, pour iOS ou macOS. Or, c'est bien Google qui verse plusieurs milliards de dollars chaque année à Apple dans ce but. L'état-major de Cupertino a en permanence plusieurs alternatives, et a même utilisé Bing pendant plusieurs années au plus fort de la « Guerres de l'iPhone » avec Google en guise de rétorsions, entre 2013 et 2017. Et on a appris tout récemment que la firme de Cupertino à envisagé d'en faire de même avec DuckDuckGo , afin de rendre encore plus discrète la navigation privée. Mais on a beau retourner le problème dans tout les sens, Google Search reste le moteur de recherche le plus efficace… du moins pour l'instant…

Quant à savoir à quoi pourrait ressembler un moteur de recherche Apple, si tant est qu'il doive voir le jour, il y a en gros deux solutions : soit une intégration discrète, dans la barre des menus ou le menu contextuel comme c'est le cas actuellement, soit l'utilisation d'une interface utilisateurs en rupture, mise en avant, un peu comme l'assistant symbolisé par un trombone, un temps utilisé par Microsoft et qui se baladait en bas de l'écran. On peut l'espérer, si tel devait être le cas, beaucoup plus réussie ! En tout état de cause, il y a de très grandes chances qu'il soit également piloté à la voix, étant donné les grandes ambitions qu'Apple nourrit à l'égard de Vision Pro, son futur masque de réalité mixte. Autre caractéristique incontournable : l'utilisation de l'intelligence artificielle.

Mais en tout état de cause, les utilisateurs de Mac utilisent déjà un moteur de recherche interne Apple, avec Spotlight depuis 2004, et même sur l'iPhone depuis 2009. D'ailleurs, la réflexion de Apple vis-à-vis de la recherche remonte au-delà puisque la firme de Cupertino avait proposé avec Sherlock, et surtout à partir de Sherlock 2, une première approche très intéressante déjà à la fin des années 90. Et celle-ci s'est poursuivie jusqu'ici sans discontinuer : Apple a su développer un moteur de recherche « interne », prédictif, qui fonctionne parfaitement à l'intérieur de ses applications Musique, Podcast, Photos, qu'il s'agisse du Mac, de l'iPhone, de l'iPad ou de l'Apple TV.

Concrètement, quelles pourraient être les conséquences d’une telle évolution pour Apple ? Faut-il s’attendre à un nouveau business model ? Dans quelle mesure celui-ci pourrait changer la façon dont l’entreprise appréhende ses produits (et donc la façon dont les consommateurs interagissent avec) ?

Il faut bien se représenter la spécificité du modèle économique de chacun des géants du numérique, et l'acronyme-gloubiboulga de « GAFAM » n'aide pas beaucoup à comprendre les choses. Si le modèle économique de Google, comme celui de Facebook d'ailleurs, consiste à proposer gratuitement des contenus en se payant dans un second temps grâce a de la publicité, des ventes commissionnées et surtout des données personnelles récoltées auprès de ses utilisateurs, celui d'Apple repose pour l'essentiel sur la vente d'appareils électroniques, informatiques, mais plus seulement, accompagnés des logiciels et des services pour les faire fonctionner au sein d'une expérience utilisateur le plus confortable possible. Même si Apple ajoute à son portefeuille de plus en plus de services payants, pour l'essentiel tout ce qui touche à l'expérience utilisateur des particuliers reste gratuit.

C'est la conséquence du renforcement du fonctionnement des appareils d’ Apple autour des valeurs qui ont présidé à la création de la société et de ses premiers produits, c'est-à-dire centrées sur l'utilisateur et le traitement en local, sur l'appareil lui-même, de ses données. S'il devait y avoir un jour un moteur de recherche Apple, cette protection des données personnelles (et de la navigation de l'utilisateur) serait la principale différence avec ce que peuvent proposer Google Search ou Bing. 

Non qu’Apple ne puisse utiliser ses données de navigation pour présenter de la publicité, mais cela se fait toujours en préservant la confidentialité des données personnelles et la vie privée de ses utilisateurs. Pas par posture, ou positionnement marketing, mais parce que d'une part en dépend la préservation de la sécurité du système, qui est au cœur même du réacteur chez Apple, mais peut-être surtout parce que et Steve Jobs, et Tim Cook ont été personnellement victimes de la divulgation et de l'utilisation de la vie privée.

Google fait aujourd’hui l’objet d’une procédure judiciaire concernant de potentielles transactions lui assurant d’être le moteur de recherche par défaut des iPhone produits par Apple. Est-ce là l’une des motivations qui a poussé Apple à réfléchir au développement de son propre moteur de recherche ?

Encore une fois, la réflexion d’Apple autour de la recherche date d'environ 25 ans, puisque la première version de Sherlock date de mémoire de macOS 8.5 ou 8.6, et que sa deuxième version embarquées sur macOS 9 représentait un avantage par rapport à Windows 98 ou Windows 2000… ce qui ne veut pas dire qu'Apple était prête à se lancer avec un nouveau moteur de recherche, ouvert sur le Web tout entier. 

Il faut se souvenir de la philippique des Steve Jobs lors d'une réunion des équipes en janvier 2010, juste après la présentation de l'iPad au public, et qui était intervenu quelques jours à peine après le lancement du Nexus One par Google : « Ce n'est pas nous qui sommes entrés sur le domaine de la recherche, ce sont eux qui sont entrés sur celui du téléphone cellulaire » , avant de poursuivre : « Ne vous y trompez pas : ils veulent tuer l’ iPhone, nous ne les laisserons pas faire ». 

Pour autant, Apple n'a pas développé de moteur de recherche proprement dit, et s’est plutôt tourné vers Bing et Microsoft dans un premier temps, refusant même de racheter le moteur de recherche malgré les relances de Redmond, avant de choisir à nouveau Google Search… Moyennant une redevance de 8 milliards de dollars par an. Apple n'est pourtant pas dupe : 

D’une part, une nouvelle fâcherie, définitive celle-là, reste toujours possible avec Google, et d'autre part le géant de Mountain View est en situation de monopole sur le marché de la recherche sur Internet, puisque à force d'optimisation (SEO) tout le monde joue des coudes pour plaire à Google et n'écrit plus que pour le moteur de recherche, et d’autre part en situation de duopole sur celui de la publicité en ligne, où ils contrôlent avec Meta (Facebook) 75 % du gâteau publicitaire.

Apple, qui s'efforce d'avoir en permanence deux où trois fers de rechange au feu, avait anticipé la situation actuelle bien avant, en misant sur l'intelligence artificielle avec l'acquisition de la start-up spécialisée Laserlike et le débauchage de John Giannandrea, auparavant à la tête de la recherche et de l'intelligence artificielle chez Google, date de 2017.

Apple s’est en quelque sorte tenue en dessous du « seuil nucléaire », en espérant sans doute ne pas avoir à franchir le pas.

Faut-il s’attendre, en tant que client, à ce que le coût du développement d’un moteur de recherche Apple vienne gonfler le prix des téléphones à l’achat ?

Si Apple s'est abstenu pour l'heure de lancer son propre moteur de recherche « externe », c'est sûrement avant tout pour des raisons d'efficacité et de performance comparées vis-à-vis de Google (bien que la disruption induite par l'intelligence artificielle vienne tout récemment modifier la donne, comme l'ont montré les lancements récents de Bard et surtout de ChatGPT. Mais surtout, c'est sans doute pour éviter d'autres procès en sorcellerie monopolistique de la part des autorités de régulation, qui n'ont cessé de saucissonner les services associés aux différentes plates-formes, et à iOS en particulier.

On a également vu qu’Apple avait déjà développé un moteur de recherche interne, capable d'annexer également des contenus sur le Web : avec plus de 7,4 milliards de dépenses en Recherche et Développement rien que pour le dernier trimestre, en augmentation constante et régulière depuis une bonne vingtaine d'années, on peut penser qu'Apple a largement de quoi faire monter en puissance son moteur de recherche si nécessaire, sans pour autant en renchérir le coût, d'autant que celui-ci serait ventilé sur l'ensemble de ses OS et de ses plates-formes (iPhone, iPad, Mac, casques de réalité mixte…).

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