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"Une jeune fille qui va bien" : un scénario ambitieux et une distribution parfaite
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Un premier film bouleversant, très abouti, qui donne son premier grand rôle au cinéma à une jeune comédienne éblouissante….

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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THÈME

L'été 1942 à Paris. Irène, une jeune fille de 19 ans (Rebecca Marder) croque la vie à pleine dents. Belle, jeune, insouciante, partageant un appartement avec son père (André Marcon), son frère Igor (Anthony Bajon) et sa grand-mère Marceline (Françoise Widhoff), elle suit des cours de théâtre (sa passion) en rêvant au grand amour. Ses journées s'enchaînent dans la joie et la vitalité de son âge, à peine troublées par des évanouissements qui la surprennent sans raison apparente. Pourtant, tout semble aller pour le mieux pour elle, qui partage ses secrets avec sa grand-mère adorée, et ses fous-rire, avec sa meilleure amie, également élève comédienne (India Hair). Mais voilà, Irène est juive et un jour, comme tous les juifs, français ou non, elle se voit obligée de porter l’infâme étoile jaune.

Pour autant, la jeune fille ne voit pas l’horizon s’obscurcir. Comment pourrait-elle supposer le pire ? « On n’a pas la peste, quand même ! » dit-elle à un moment avec un sourire désarmant de naïveté. Et pourtant….

POINTS FORTS

— Dans le dossier de presse, Sandrine Kiberlain explique qu’elle s’est lancée dans la réalisation, parce qu’un jour, à force d’avoir essayé de comprendre, sur les tournages, comment se fabrique un film, à force aussi d’avoir observé, successivement, le fonctionnement de tous les postes d’un plateau (photo, caméra, son, décors, costumes, accessoires, etc.), elle s’était sentie « prête » pour sauter le pas. Et au vu de ce qui est son premier long métrage (elle avait tourné un court, Bonne figure), on lui donne raison. Sa Jeune fille qui va bien est d’une maîtrise qui coupe le souffle. Lumières, décors, costumes, distribution, montage… aucun point faible. Les scènes sont à leur juste place, d’une longueur idéale, et dans le bon tempo. 

— Le scénario est audacieux, qui mêle avec une adresse folle l’évocation de deux sujets qu’on devine majeurs, obsédants, cruciaux pour elle : la période de l’Occupation et le métier d’acteur. Evidemment, écœurement pour le premier, passion folle pour le second, évidemment aussi. Ce scénario est d’autant plus habile qu’il laisse presque tout ce qui est symbolique « hors champ ». Pas de drapeaux nazi ni de SS pour évoquer, par exemple, la période dans laquelle se déroule le film. Et pourtant, on ressent tout de la menace effrayante, inouïe de cette époque pour les citoyens juifs. Sandrine Kiberlain ne prend pas le spectateur pour un imbécile, elle lui donne des indices pour comprendre. Il en est de même en ce qui concerne la passion de son héroïne pour le théâtre. Cette dernière, Irène, n’en parle pas (ou presque). Simplement, cette passion se lit sur son visage quand elle va à ses cours de théâtre et qu’elle répète une scène.

- Entièrement constituée par la cinéaste, la distribution est parfaite. A commencer bien sûr par le choix de Rebecca Marder pour être Irène. On connaissait cette jeune interprète pour ses rôles à la Comédie Française (où elle excelle depuis son entrée) et pour ses nombreuses participations dans des films très différents (récemment, Tromperie d’Arnaud Desplechin, Seize Printemps de Suzanne Lindon, La Daronne de Jean-Paul Salomé…), mais c’est la première fois qu’à l’écran, elle tient le haut de l’affiche. Dans ce personnage d’apprentie actrice qui rit, joue, aime et s’évanouit avec le même naturel et la même candeur, elle est merveilleuse. Belle et sublime, elle est d’une vitalité folle, à la fois d’une justesse époustouflante et en même temps d’une fragilité de cristal. Rares sont les interprètes qui, sous l'éclatante gaieté de leur rôle, savent, comme elle, faire affleurer le tragique. Rebecca Marder a 26 ans. Elle éclabousse l’écran. On peut parier qu’une grande carrière l’attend.

Ses partenaires sont évidemment à la même hauteur de jeu. André Marcon joue son père avec une sobriété bouleversante, Anthony Bajon est étonnant de candeur dans le rôle de son frère. Quant à India Haïr qui interprète son amie, elle prouve une fois encore qu’elle est capable de faire rire et d’émouvoir avec le même talent.

QUELQUES RÉSERVES

Aucune.

ENCORE UN MOT...

Sandrine Kiberlain dit que le tournage dUne Jeune fille qui va bien a été l’un des moments les plus heureux de sa vie. Ce bonheur se ressent sur l’écran. Malgré la tragédie qui s’y dessine et qu’on sent poindre sous chaque plan, malgré la noirceur de l’époque où il se déroule — pour ne pas dire l’horreur —, il émane de son film une impression de beauté, de joie, d’énergie et de vitalité.

On comprend pourquoi après avoir conquis le cœur des spectateurs de la Semaine de la Critique à Cannes, Une Jeune fille qui va bien a accompli une tournée d’avant-premières triomphales.

UNE PHRASE

« Je pense qu’on se doit de ne jamais oublier ce que fut la Shoah, d’en parler aux enfants pour que ça ne se reproduise pas. On peut le faire à travers la littérature et la musique. Moi, j’ai choisi le cinéma parce que c’est ce qui m’émeut le plus » (Sandrine Kiberlain, réalisatrice).

L'AUTEUR

Petite fille d’artistes juifs polonais installés en France en 1933, fille d’un père expert-comptable auteur de théâtre sous le pseudonyme de David Decca, Sandrine Kiberlain s’inscrit après son bac à l’Ecole d’arts graphiques Penninghen. Mais, en 1987, son admission en classe libre au Cours Florent lui fait abandonner pinceaux et crayons. Admise au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, elle en sort diplômée en 1992. Sa carrière d’actrice démarre tout de suite.

Si, en 1995, elle rate de peu le César du meilleur espoir féminin pour Les Patriotes, elle le remporte en 1996 pour En avoir (ou pas), après avoir obtenu, en 1995, pour ce même film, le Prix Romy-Schneider. Elle sera ensuite nommée en 1998 au César de la meilleure actrice pour Le Septième Ciel, puis en 1999 pour À Vendre et en 2010 pour Mademoiselle Chambon. En 2001, elle sera membre du Jury au Festival de Cannes. 

Outre ses nombreux autres rôles au cinéma (Très bien, merci d’Emmanuelle Cuau, La Vie d’artiste de Marc Fitoussi, 9 mois ferme d’Albert Dupontel pour lequel elle obtient le César de la meilleure actrice, Elle l’adore de Jeanne Herry, Les deux Alfred de Bruno Podalydès, etc.., la comédienne s’aventure aussi de temps à autre sur les planches — elle obtiendra notamment en 1997 le Molière de la Révélation théâtrale pour Le Roman de Lulu, une pièce écrite par son père — et aussi dans la chanson — entre autres, en 2007, l’album Coupés bien net et biencarré.

Après avoir « fait l’actrice » dans une soixantaine de films, quatre téléfilms et quelques pièces de théâtre, la comédienne s’est faite cinéaste pour cette Jeune fille qui va bien dont elle a également écrit le scénario. Ce film a été présenté avec grand succès  à la Semaine de la Critique à Cannes en 2021. Ce qui pourrait bien augurer de sa carrière en salles.

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