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"Le siècle vert, un changement de civilisation" de Régis Debray : un court essai percutant : l’écologie est une science, gardons-nous d’en faire une religion !
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Atlanti Culture

Régis Debray a publié "Le Siècle vert, un changement de civilisation" aux éditions Gallimard.

"Le Siècle vert, un changement de civilisation"

de Régis Debray 

GALLIMARD collection TRACTS Parution le 9 janvier 2020 56p. 4,90€

RECOMMANDATION
Excellent


THÈME
En comparant l’homme moderne à Faust, Régis Debray analyse la lutte auto-destructrice menée par l’Esprit humain contre la Nature. 

“S’entendra ici, prosaïquement, par nature, à la façon stoïcienne, l’ensemble des choses qui ne dépendent pas de nous, et par esprit, le système élaboré des forces qui s’appliquent à faire qu’elles dépendent de nous.”

En bon philosophe, Régis Debray évoque la condition humaine dans le temps long. Primo dans l’Antiquité et le Moyen-Âge, deuxio depuis la Renaissance et enfin, tertio, à l’époque contemporaine : “L’Occidental se cherchait au ciel; il s’est cherché ensuite dans son semblable; il se cherche à présent dans le chimpanzé - au risque de s’y reconnaître.”

 Pourquoi en ce début de siècle, notre angoisse “verte” ouvre-t-elle la porte à une nouvelle civilisation ? Parce que nous changeons de paradigme, d’englobant : jusqu’à présent, l’Histoire guidait la pensée humaine, désormais ce sera la Nature. Nous passons des valeurs sociales aux valeurs écologiques, en résumé : “ Au “Ah, ça ira! Ça ira!” succède le “Ah, ça triera, ça triera” “. Au culte de l’Homme succède le culte de la Nature. Et Régis Debray, lanceur d’alerte, s’inquiète du catéchisme “des animistes illuminés”. Attention ! “ Les chamans sont de retour ”.

Certes, notre inquiétude écologique est légitime car les changements environnementaux sont évidents et alarmants. Cependant, ne tombons pas dans un excès de pessimisme. Notre nouvelle civilisation qui s'imprègne petit à petit des valeurs féminines saura trouver son propre équilibre entre la Nature et l’Esprit et cette “croissante féminitude sera un barrage contre le suicide collectif ”.

Régis Debray conclut, en effet, par une note d’espoir. L’homme faustien, conquérant et autodestructeur, cédera la place au Sage qui cultive son jardin et, alors, une fête de la rose renaîtra “moins fallacieuse et plus durable que celle que nous ont fait miroiter tant de songes et d’orgueils évanouis”.

POINTS FORTS
L’écriture voltairienne, ciselée, dense, ironique, humoristique, retenue, imagée. 

Une réflexion riche et précieuse sur le changement de civilisation en cours.

Le désir de ne pas faire du “vert” une mystique : une préoccupation, oui ; un absolu, non.

La confiance philosophique dans “l’homme nouveau qui est un femme comme les autres”. La féminisation est, ici, à prendre en termes symboliques comme adoucissement des moeurs, maîtrise des forces de la mort et respect et de l’Homme et de la Nature.

POINTS FAIBLES
Certes, Régis Debray reconnaît la gravité de la situation écologique, mais une question se pose : a-t-il pleinement pris la mesure de l’urgence climatique à laquelle nous sommes confrontés ? Peut-on, vraiment, comparer l’accélération du changement climatique actuel, dû à la modernité, au réchauffement naturel et progressif observé il y a 10.000 ans, lors de la fin de la dernière glaciation ?

EN DEUX MOTS 
Le “ ronchon soussigné ” (c’est ainsi que Régis Debray se met en scène) ronchonne, bougonne, marmonne, avec brio et une belle érudition teintée de malicieuse bonhomie mais, au fond, n’est-il pas dans un rêve éveillé d’harmonisation future du monde ? 

(J’entends d’ici la jeune génération lui couper la parole d’un méprisant “ok, Boomer !”).

UN EXTRAIT
« On ne se guérit d'un académisme, n'est-ce pas, que par un autre. Après un trop de Verbe, un trop de Corps. »

“ La nature sans la culture, c’est de la sauvagerie pure. Essayons de rester civilisé.”

“ On saura gré à l'Adam contemporain de veiller sur son potager sans pesticides ni graines hybrides, en préservant les insectes pollinisateurs. Tant il est vrai que rien n’est jamais acquis à l’homme, ni son amour ni son champs de blé ni son verre de vin. Il requiert un terroir, soit un sol défriché, drainé, sarclé, refait au fil des siècles. La conjuration d’un coteau bien exposé et d’une bonne météo n’y suffit pas, il lui faut un cépage, une taille, un effeuillage, un traitement. Un verre de vin, c’est l’alliance d’un long travail et du génie d’un lieu, le même exploit, somme toute, qu’une station orbitale qui ruse avec l’espace pour s’y trouver un point d’accroche.”

L'AUTEUR
 Régis Debray est un philosophe et un écrivain politique. Pour ses très nombreuses  publications tant philosophiques que politiques, il reçut en 2019 Le Grand Prix de Littérature de l’Académie française, pour l’ensemble de son oeuvre.

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