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"La naissance du vaccin, entre utopie et rejets" de Yves-Marie Bercé : avant Pasteur, la vaccination préventive n'était pas un long chemin tranquille !
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Yves-Marie Bercé a publié "La naissance du vaccin, entre utopie et rejets". Ce livre retrace la fantastique histoire de l'essor de la vaccination et de la médecine préventive au XVIIIe siècle. Ce récit est à la fois l'histoire d'une conquête des temps modernes et un passionnant récit de voyage.

Bertrand Devevey pour Culture-Tops

Bertrand Devevey pour Culture-Tops

Bertrand Devevey est chroniqueur pour Culture-Tops. 

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.). 

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"La naissance du vaccin, entre utopie et rejet" de Yves-Marie Bercé

Ed du Cerf, Histoire Lexio, EO 1984, Ed Poche Le Cerf 2020, 374 pages

RECOMMANDATION
Bon


THEME
Devenue une pratique de médecine préventive courante, la vaccination ne s'est pas imposée d'un coup de baguette magique. Yves-Marie Bercé nous emmène aux cotés du médecin Edward Jenner "inventeur" empirique de la vaccine variolique en 1796. Sur ses pas, et avec ses "disciples" nous parcourons l'Europe, la Turquie, la Russie, pour découvrir la conquête de cette pratique perçue comme contre intuitive, et aussi "miraculeuse" que suspecte ! C'est une véritable aventure scientifique, diplomatique, sociale, que l'auteur nous invite à vivre. Si dans les milieux aristocratiques, diplomatiques et bourgeois, l'évidence de la vaccination antivariolique s'impose rapidement pour faire barrage à une maladie qui faisait régulièrement des centaines de milliers de morts en Europe et dans le monde, l'acceptation du vaccin est plus aléatoire dans les campagnes. Il se heurte aux croyances, voire à l'accusation de sorcellerie et de complot, sur les rives de la méditerranées autant qu'en Italie ou dans les provinces reculées d'Europe Centrale. Ce livre raconte cette formidable histoire de la vaccination avant Pasteur, et des trésors d'intelligence, de persévérance et de courage qu'ont dû déployer ses promoteurs au cours du XIXème siècle.


POINTS FORTS 

1- Cet essai s'appuie sur une étude très détaillée d'archives, en particulier italiennes de la fin du 18ème et du 19ème siècle. Les exemples sont précis et concrets et servent parfaitement le déroulement de "l'enquête", qui mènera des balbutiements à l'enthousiasme, au doute ou au rejet.

 2- Si nous connaissons tous la fin de l'histoire, la promotion de la vaccination puis l'éradication des grandes maladies épidémiques par l'Organisation Mondiale de la Santé, il est enrichissant de découvrir par quels chemins la vaccination a trouvé sa légitimité, sans limite de frontières en Europe malgré les conflits incessants ou les rivalités politiques et religieuses. La postface de l'auteur replace son essai dans une perspective plus moderne (l'édition originale date de 1984), en particulier sur les succès et désillusions de l'OMS depuis sa création en 1948.

 3- Outre des annexes abondantes, il convient de noter enfin, que cet essai est écrit dans un français raffiné et très accessible.

POINTS FAIBLES
 1- La précision des informations, des faits rapportés, est telle que la lassitude peut vous prendre à en suivre tous les détails. Une version plus courte gagnerait en intérêt, et ouvrirait sans doute le livre à un plus large public.

2- Ce livre est une réédition en format Poche d'un texte écrit en plus grand format. La taille des caractères fera peur à certains, en fera fuir d'autres. Dommage !

EN DEUX MOTS
Pour découvrir les premiers pas de cette forme de médecine préventive, cet essai très érudit, très (trop?) documenté, La naissance du vaccin est un ouvrage incontestablement intéressant et accessible. Il nous rappelle que l'Europe était parcourue tous les 3 à 4 ans, de grandes épidémies - en l'espèce, la variole ou la "petite vérole" - qui n'avaient pas besoin de la mondialisation pour se répandre dans les vallées les plus profondes du Piémont ou du Caucase - autant que celles de Chevreuse ou les allées des grandes métropoles européennes. Le courage de médecins pionniers, de soignants, d'infirmiers, de quelques édiles et de diplomates, n'est pas sans rappeler la mobilisation contre le Covid 19. Yves-Marie Bercé montre bien le rôle très rapidement déterminant des Etats et des armées (la vaccination sauvait des vies, donc faisait des générations de soldats plus nombreuses), des églises, des orphelinats (où la vaccination était obligatoire et permettait de conserver un "stock" permanent de vaccins disponibles) et bien souvent, des femmes, tout simplement. Il montre aussi que les fantasmes les plus fous sur le rôle supposé caché du vaccin ont freiné les grandes campagnes de vaccination - qu'elles aient été obligatoires ou non. Il en reste des traces dans les débats actuels "pour ou contre" la vaccination en général, et cette enquête, que certains trouveront certainement captivante, vous en apportera des témoignages.

UN EXTRAIT
" Des décennies de querelles entre les réticences des parents et les plaidoyers des médecins avaient fini par ancrer des lieux communs psychologiques. Chaque médecin avait intériorisé les demandes et les réponses d'un dialogue de sourds, et s'apprêtait à y tenir sa partie. Une fois pour toutes, il s'était persuadé qu'il était le défenseur des Lumières d'une science bienfaisante et que tous les obstacles qu'il rencontrerait ne sauraient provenir que des ténèbres de l'ignorance. Il s'attendait à devoir faire le bien de ses humbles patients contre eux et malgré eux. La pauvreté pensait-il, engendrait l'ignorance et la superstition. […] De même que les français enseignaient la liberté à l'Europe à la pointe des baïonnettes, les médecins allaient du même élan répandre les vaccins parmi les peuples."  P 153

L'AUTEUR
Yves-Marie Bercé est historien et membre de l'Institut, à l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Il a occupé les fonctions de conservateur aux archives nationales,  de professeur d'université, de directeur de l'Ecole des Chartes, a présidé la Société d'Histoire de France. Il est connu pour ses travaux sur les révoltes populaires et les antagonismes entre villes et campagnes, "croquants et bourgeois", du 16ème au 19eme siècle.

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