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"Clair obscur" : requiem pour âmes seules et rêves perdus
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Atlanti-culture

Le deuxième roman de Ron Carpenter est une descente vertigineuse dans l'Amérique des laissés pour compte, des paumés, mais dans la vie desquels reste quand même une lueur d'espoir et de possible rédemption.

 Hélène Kolsky pour culture-tops

Hélène Kolsky pour culture-tops

Hélène Kolsky est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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LIVRE
Clair obscur
de Ron Carpenter

Ed. Cambourakis

RECOMMANDATION

            EXCELLENT

THEME

Lorsque Irwin Semple sort de l'asile psychiatrique de Cannon après dix-huit ans d'internement, il a trente-cinq ans, doit refaire - ou plutôt commencer - sa vie, la tête pleine de souvenirs adolescents encore à vif. A force de persévérance, il parvient vaille que vaille à se réinsérer, jusqu'au jour où il croise Harold Hunt, ancien leader d'un clan qu'il rêvait d'intégrer au lycée. Irrémédiablement associée au tragique évènement qui a conduit à son internement, la vision d’Harold déclenche un nouveau choc chez Semple. Partagé entre son éternel besoin de reconnaissance et un certain désir de vengeance, va-t-il parvenir à passer outre et aller de l'avant ?

POINTS FORTS

Dans ce deuxième roman, composé juste après "Sale temps pour les braves", Don Carpenter explore avec puissance et empathie les existences de ces âmes perdues, leurs fêlures, leurs doutes et leurs espoirs, profondément humains. Don Carpenter nous entraîne dans une histoire sombre, empreinte de fatalisme, de désespoir et d'une certaine forme de cruauté sordide, celles des petits riens et des petites bassesses de tous les jours qui font les grands maux de ceux qui les subissent. Mais dans toute cette injuste noirceur, Carpenter laisse constamment transparaître une faible  lueur d'espoir : l'idée d'une rédemption toujours possible, de vies résignées mais de vies quand même, d'une éventualité de bonheur qui peut suffire à justifier toute existence.

 Portraitiste de talent, il porte un regard incroyablement bienveillant sur ses personnages qui en deviennent immédiatement attachants : Irwin, bien sûr. Mais aussi la tendre Rosemary qui trouve dans la chaleur mêlée de leurs corps le réconfort recherché. Irwin Semple est très attachant, et on souffre en imaginant tout ce qu'il a pu endurer tout au long de sa vie, que ce soit dans son enfance sans amour, son adolescence où il était le souffre-douleur de la bande d'Harold Hunt, et pendant son internement en institut psychiatrique. Il est réconfortant de voir que malgré la dureté de la vie, ces personnages conservent l'espoir de jours meilleurs, ils ont en eux une certaine image du bonheur.

Bien que le livre de Don Carpenter soit brutal, le style  désespéré, sans fioriture, incisif, l’écriture de Carpenter transpire cette bienveillance : douce, fluide, rêveuse par moments, elle est paradoxalement apaisante dans cet univers si sombre. 
J'ai beaucoup apprécié la construction du roman, faite d'allers-retours entre présent et passé, qui apporte des éclairages, par petites touches progressives de l’enfer que fut cette jeunesse, entre ennui et brutalité, jusqu’à l’épisode qui conduisit à l’enfermement.

POINTS FAIBLES

Ce sont  ceux, que les lecteurs heurtés par  la noirceur, la rudesse de ce petit milieu de l’Amérique profonde, trouveront pour fuir la lecture de ce roman.

EN DEUX MOTS

Clair-obscur » est un requiem pour les âmes seules et les rêves perdus d’une Amérique engluée dans ses déterminismes. Le roman est cruel, triste, mais il y a quelque chose de désespérément humain, cette solitude qui touche tous les personnages jusque dans leurs fêlures intimes,

UN EXTRAIT

« Elle avait compris, et ce depuis des années, que le glamour et le salaire élevé offraient une compensation, souvent inadéquate, pour l'une des professions les plus sales de notre civilisation, une profession qui affrontait au quotidien la crasse, la maladie, les aspects les plus laids, miteux et avariés de l'animal humain et qu'en fait, les praticiens les plus glamours, c'est-à-dire les chirurgiens et les psychiatres, effectuaient les besognes les plus sales ; le premier n'était qu'un vulgaire boucher opérant sur de la viande malade, le second ne valait pas mieux qu'un paillasson psychique sur lequel les patients déversaient leur vomi émotionnel heure après heure et jour après jour. »

L’AUTEUR

Né en 1931, Don Carpenter a passé ses premières années en Californie. Son premier roman, Sale temps pour les braves, publié en 1966, connaît un énorme succès public et critique et l' installe dans le paysage littéraire américain. Pendant douze ans il travaille comme scénariste pour Hollywood, et fera de cette expérience la matière de plusieurs de ses livres. En trente ans, il publiera une dizaine de romans et de recueils de nouvelles. Il est proche des écrivains de la scène, de San Francisco, et en particulier de Richard Brautigan. Il met fin à ses jours en 1995.

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