C'est un peu un clou que j'enfonce depuis des années, et mon marteau finit par en être usé, mais cette habitude française de politiser n'importe quel débat, ou plus précisément de décréter qu'il existe une lecture « de gauche » et une approche « de droite » de tout et n'importe quoi ne rend certainement pas plus intelligent (c'est une litote : ce que je veux vraiment exprimer, c'est que ça rend carrément plus con).
Ainsi, il existe chez nous, le saviez-vous, un manière progressiste d'apprendre à lire (la méthode globale) et une façon réactionnaire de déchiffrer les combinaisons de caractères (la méthode syllabique). Que l'une soit plus efficace que l'autre, au sens où elle permet effectivement à un morveux analphabète d'acquérir facilement une compétence essentielle en devient d'ailleurs anecdotique ; de l'ordre de la querelle qui envoie natifs de Blefuscu et nationaux de Lilliput se taper dessus dans les Voyages de Gulliver (les uns disent qu'un œuf à la coque s'ouvre par le petit bout, les autres par le gros – Gulliver et Stevenson réservent prudemment leur position).
Hey, nous avons même un débat sur le latéralisme idéologique du transport de voyageurs par autocar et des types qui s'entretuent littéralement sur le sens à donner à un logo sur une chemisette (car ce dernier point ne serait pas de la pénétration postérieure de drosophile pure et simple, mais de la sémiologie barthésienne, paraît-il)...
La bagarre entre les bleus et les rouges, cette semaine, porte sur la réforme de l'orthographe : les Versaillais affirment que c'est la fin de la civilisation, les communards croient au contraire qu'il s'agit d'une nouvelle étape vers l'harmonie entre les hommes de bonne volonté quelle que soit leur couleur, origine, religion ou préférence sexuelle.
D'où la difficulté d'émettre soi même un avis sur la question, qui n'aurait pas plus à voir avec son positionnement politique que la façon d'attacher ses lacets (si tant est que le choix d'une ganse de base ou d'un double-nœud ne soit pas révélateur d'un point de vue sur l'amélioration des relations diplomatiques avec Cuba).
Mais tenez, moi qui vous parle, la réforme de l'orthographe, les « ognons », les « nénufars » et autres accents circonflexes en option, franchement, ça ne me plaît pas du tout ! Ça me gonfle franchement, pour être plus clair. Je trouve que ça appauvrit la langue, qu'elle devient moins belle et moins intéressante. Et je m'en contrefiche, de savoir que les Italiens ont supprimé le « ph » (ils ont aussi supprimé le CDI, les Ritals, si on va par là). Comme j'écris ça sur Atlantico, qui n'est pas de gauche, je suppose toutefois que ça me place en terrain glissant. Qu'on me dira que je ne suis pas loin de faire le jeu du FN ou de Donald Trump, notoirement favorable à la préservation de la cédille et des consonnes doublées.
Je m'en balance. D'autant plus que c'est idiot, un accent circonflexe de droite. Un accent grave à la limite, OK. Mais y a-t-il quelque chose de plus centriste, de plus innocemment modéré et adepte du compromis que cet accent qui penche des deux côtés, de moins suspect d'avoir jamais voté pour Sarkozy ? J'écris comme je veux. Avec toutes les lettres muettes et inutiles qui me conviennent. Mêlez-vous donc de vos oignons, zhûtte hàllôrres !
Ug Séraf
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