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Gestation pour autrui : le dernier débat où l’on sèche
©Flickr/genue.luben

Casus conscientiae

Bienheureux ceux qui parviennent à trancher sur la question de la GPA. Ils devraient faire du journalisme d’opinion.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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J’aime bien la GPA (gestation pour autrui) parce que c’est l’un des rares sujets sur lequel je n’ai pas d’avis tranché quand je peux pratiquement vous faire un cours magistral au débotté sur l’économie vénézuélienne ou l’évolution du marché du meuble en kit dans l’ouest de la Wallonie après avoir lu un ou deux articles sur le sujet.

C’est d’ailleurs la qualité principale d’un journaliste, juste derrière la maîtrise de Twitter et le sens de la formule : accumuler les connaissances superficielles sur tout et n’importe quoi et pouvoir les régurgiter avec assez d’aplomb pour passer pour un spécialiste auprès de ceux qui en savent encore moins.

Mais avec cette histoire de mère porteuse, c’est une autre paire de manche. Spontanément, le libéral en moi suggère que des adultes consentants qui ne font de mal à personne ont bien le droit de se débrouiller comme ils veulent pour avoir un enfant. D’accord, j’ai un peu de mal avec les motivations d’une propriétaire d’utérus prête à le mettre en location neuf mois durant et à dire bye bye à son rejeton cinq minutes après la délivrance mais, ne possédant pas d’utérus moi-même, je peux difficilement me figurer ce qui se passe dans sa tête. Et encore moins la juger.

Après tout, il y a des gens dont le sens du sacrifice me dépasse et ce n’est pas parce que je ne me suis pas personnellement relocalisé dans un bidonville de Calcutta que je vais remettre les choix de vie de mère Teresa en question. Au contraire. J’aurais même plutôt tendance à l’admirer, cette abnégation de compétition...

Mais dans le monde réel, au-delà de valeurs libérales théoriques qu’il est toujours facile de défendre sans enjeu, les loueuses d’utérus se recrutent plus souvent dans les usines à bébés du tiers-monde où des femmes enchaînent les grossesses pour payer le loyer de leur taudis que sous les climats confortables d’Europe et d’Amérique du Nord où l’on gépéïserait par altruisme.

Dans le monde réel, on tombera plus souvent sur un gentil petit couple classe moyenne —homo ou hétéro, mais qu’est-ce que ça change ?— externalisant la fabrication de sa descendance comme on sous-traite la confection de T-shirts. Là où c’est moins cher et moins sourcilleusement réglementé. Là où l’on peut littéralement faire n’importe quoi.

D’où mon incapacité à trancher. Les gens peuvent bien faire ce qu’ils veulent au nom de leur libre arbitre et du droit inaliénable à disposer de son corps, OK, mais le type qui irait volontairement vendre un rein juste pour bouffer ferait-il vraiment « ce qu’il veut » ? Et pour une « surrogate mother » californienne aux cheveux blonds éventuellement plus à l’aise financièrement que ses « clients », combien de mamas bangladaises misérables aux cheveux noirs sélectionnées sur catalogue ?

La France, forteresse éthique inexpugnable ?

Selon toutes probabilités, la GPA finira d’ailleurs par être autorisée chez nous. D’abord parce que les cas à la Mennesson (des parents se bagarrant depuis des années pour obtenir la régularisation de leurs filles nées d’une mère porteuse américaine) se multiplieront et qu’il serait absurde de laisser des gosses qui n’en peuvent mais croupir dans les limbes administratifs par principe ; ensuite parce que la France aura du mal à jouer les forteresses éthiques inexpugnables lorsque la procédure sera devenue courante chez toutes ses voisines et qu’il suffira de se rendre à Amsterdam ou à Barcelone pour dénicher son auto-entrepreneuse en services obstétricaux...

On n’en doute pas, le législateur se mettra en douze pour concocter un cadre juridique complexe à la gauloise, bourré de restrictions censées nous préserver des dérives les plus criantes (l’Inde et le Bangladesh seront « off-limits », une armée de psys et d’assistantes sociales viendront garantir que la candidate ne manque ni de pain ni de neurones, etc.) mais il sera devenu effectivement possible, par nécessité absolue ou simple précaution anti-vergetures (oui, ça arrive aussi), de se payer un ventre.

Je n’irai alors pas hurler dans les rues avec les mabouls de Civitas pour tenter d’empêcher ça, et je resterai capable d’empathie à l’égard d’un Fogiel, par exemple, ayant manifestement fait les choses dans les règles et dont les gosses ne seront sûrement pas plus malheureux que les miens, mais ça me laissera tout de même un poil mal à l’aise.

Maintenant, en ce qui concerne l’économie vénézuélienne, je peux vous assurer que c’est vraiment la catastrophe (il n’y a plus de PQ dans les magasins, les gens s’enfuient par millions). Et quant au marché du meuble en kit chez les Belges, il se porte comme un charme (la nouvelle unité de Mons reçoit déjà 4 millions de visiteurs par an, soit le double de ses objectifs). Je peux même vous expliquer pourquoi dans les deux cas.

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