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Plus d’émissions de CO2 que la Chine ou les Etats-Unis : comment les incendies forestiers ont transformé l’Indonésie en plus grand pollueur du monde
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Combustion complète

Les incendies en Indonésie font des ravages sans précédent. La culture de l'huile palme et la déforestation sont bien souvent ciblées comme étant la cause principal de ce phénomène qui arrive chaque année. La réalité est bien plus complexe.

Alain Rival

Alain Rival

Alain Rival est biologiste, agronome de formation et travaille au Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD), un Etablissement Public Français spécialisé dans la recherche en partenariat avec les pays du Sud. Il est Correspondant pour la FIlière Palmier à huile et Directeur Ragional du Cirad pour l’Asie du Sud Est Insulaire, basé à Jakarta en Indonésie. Alain Rival est l’auteur, avec Patrice Levang, de l’ouvrage “La palme des controverses” paru aux éditions Quae.

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Les incendies des forêts indonésiennes, démarrés cet été, ont propulsé le pays au premier rang des responsables d'émissions de gaz à effet de serre, avec des émissions journalières dépassant même celles de Chine sur près de 14 jours d'affilée durant les deux derniers mois. Les émissions de gaz à effet de serre, qui incluent la production d'énergie, les transports et l'industrie ont même dépassé celles des Etats-Unis sur 47 des 74 derniers jours, selon une étude publiée sur Bloomberg et basée sur les données de la World Resources Institute à Washington et celles de la VU université d'Amsterdam concernant l'Indonésie. Causés par les incendies, les nuages de fumée font en outre l'objet de nombreux incidents diplomatiques avec les pays voisins d'Asie du sud-est. Le 22 octobre, une cinquantaine de vols ont dû être annulés dans la région.

Atlantico : L'Indonésie est ravagée par des incendies d'une ampleur jamais vue jusque-là. La production d'huile de palme se trouve souvent pointée du doigt comme responsable. Est-elle responsable de ce phénomène ?

Alain Rival : La relation entre les incendies et les exploitations de palmiers à huile, industrielles ou villageoises, n’est pas directe. Les systèmes de production d’huile de palme sont multiples, et les grands ensembles agroindustriels, facilement repérables et soumis aux schémas de certification comme RSPO leur interdisant de s’étendre aux dépends de la foret, sont loin d’être les seuls coupables.

Les pratiques d’écobuage et de cultures sur brulis sont courantes dans les campagnes indonésiennes. Les feux, favorisés cette année par une saison sèche inhabituellement longue, ne sont plus sous contrôle, et les espaces forestiers qui servaient de tampon et de pare-feu naturels ont progressivement disparu. Ce n’est pas obligatoirement de la forêt primaire qui brule, mais souvent des forêts dégradées ou même des savanes (il y a près de 15 millions d’hectares de terres dégradées en Indonésie).

L’exploitation de l’huile de palme n’est pas la seule responsable de la déforestation, d’autres activités comme les mines et les plantations forestières d’essences a croissance rapide (fast wood) sont aussi des vecteurs de déforestation.

Les conséquences de ces incendies sont absolument dévastatrices, le feu ne semble jamais s'éteindre. Quelles sont les conséquences de ces catastrophes ? L'aéroport de Singapour aurait été bloqué. Quel impact sur la santé ? Est-il permis d'imaginer un pays où la totalité des forêts a brûlé ?

Les conséquences sanitaires se font sentir sur les populations rurales de Sumatra et de Kalimantan (Bornéo) : aéroports et écoles sont fermées, et les populations les plus fragiles sont a risque (enfants et personnes âgées). La prévention des feux est primordiale : les forets même très dégradées constituent une source de biomasse qu'il est possible de valoriser en produisant des biocarburants. La gestion des forêts par des unités forestières autonomes, associant communautés villageoises et compagnies forestières responsables, est en cours et encouragée par le gouvernement indonésien. La gestion durable des forets et l’éducation aux bonnes pratiques agricoles font partie des solutions de prévention à long terme.

Le gouvernement semble totalement désemparé, pour la première fois il demande l'aide de ses voisins. Quelle part de responsabilité porte-t-il sur ces incendies ? Comment expliquer le manque de main d'œuvre actuellement ?

La situation indonésienne est complexe : on ne dispose pas de relevés cadastraux fiables ni de cartes du couvert végétal mises à jour. Les satellites nous permettent de localiser parfaitement les feux, mais il est difficile de savoir s'ils ont lieu dans une foret primaire (vierge) ou dégradée (exploitée) ou un champ, et à qui appartient la parcelle localisée. Plusieurs cartes existent: celles des Ministères et des compagnies de plantation, mais elles ne superposent pas toujours. Les feux nombreux servent aussi de paravent pour d’autres feux: dans la confusion actuelle, l’impunité est presque assurée: une manière rapide de régler les contentieux fonciers entre villageois ou entre villageois et compagnies minières, forestières ou de plantation.

Ce genre de catastrophe arrive tous les ans et s'aggrave avec le temps. Quelles solutions durables sont actuellement à l'étude pour éviter ce scénario ? La Cop21 arrive, est-ce un sujet qui sera central lors de la conférence sachant que ces incendies causent une émission de gaz à effet de serre absolument énorme ?

Les conséquences sanitaires et environnementales sont effectivement considérables. C'est dans la prévention que se joue l’avenir des forets indonésiennes, qui sont d'une inestimable richesse en biodiversité. Un équilibre est a trouver entre forets conservées/forets exploitées durablement et plantations agricoles, villageoises et industrielles. Le chantier est considérable et le temps presse.

Les tourbières de Nord Sumatra sont également un lieu frequent d'incendie, la tourbe est un combustible organique, réservoir naturel de carbone et sa combustion genere d'importantes quantités de gaz a effet de serre. Un moratoire sur la plantation sur tourbes a du mal a être appliqué dans le contexte extrêmement décentralisé de l'Indonésie. En effet c'est au niveau des districts que se décide l'octroi de concessions d'exploitations forestières.

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