Corse : une cinquantaine de médecins libéraux annoncent leur déconventionnement<!-- --> | Atlantico.fr
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Les praticiens corses espèrent ainsi la reconnaissance des « spécificités insulaires".
Les praticiens corses espèrent ainsi la reconnaissance des « spécificités insulaires".
©wikipédia

Ces médecins réclament notamment une majoration des actes pratiqués tenant compte des spécificités territoriales. Leur démarche intervient avant les négociations conventionnelles entre libéraux et Assurance-maladie qui démarreront le 16 mai prochain.

La décision est symbolique, mais est aussi un moyen de pression. À l’heure où les négociations conventionnelles, impliquant les médecins libéraux et l’Assurance-maladie, vont reprendre avec un rendez-vous fixé au 16 mai, quarante-huit généralistes et quatre spécialistes exerçant en Corse – 33 dans la région de Bastia et 19 à Porto-Vecchio – viennent d’officialiser leur décision de se déconventionner.

Ce la constitue un saut du « secteur 1 », auquel les généralistes sont tous – ou presque – rattachés et qui interdit les dépassements d’honoraires, au « hors secteur » (ou « secteur 3 »). Les conséquences de cette action n’ont, elles, rien de symbolique : s’ils s’exonèrent des tarifs dits conventionnels, leurs patients ne seront alors plus remboursés.

Ce samedi 4 mai, les courriers adressés à l’Assurance-maladie font part d’une « décision de sortir de la convention médicale au 1er octobre ». « Notre île doit bénéficier des mêmes mesures que les DOM-TOM, à savoir une majoration de 20 % des actes cliniques et de 16 % des actes techniques, peut-on y lire. Si cela n’est pas possible, pour des raisons budgétaires, nous demandons alors un « secteur 2 » accessible à tous en Corse. »

Les généralistes, contrairement aux spécialistes, n’ont en principe pas accès au « secteur 2 », sauf s’ils ont effectué deux années de clinicat après leurs études.

Cette démarche n’est pas isolée. Quelque 5 000 lettres d’intention ont été comptabilisées par le syndicat Union française pour une médecine libre (UFML). « En Corse, mais aussi en Occitanie ou autour de Brest, le mouvement a pris de l’ampleur, assure Jérôme Marty, président de l’UFML. Quand on aura passé la barre des 10 000 signatures, on en fera le dépôt officiel, collectivement. » 

En Corse, le mouvement implique la moitié des médecins généralistes sur Bastia et plus de 60 % de ceux de Porto-Vecchio, selon les calculs du collectif Médecins libéraux Corsica. Selon le docteur Cyrille Brunel, l’un des porte-voix, ce collectif s’est constitué en juin 2023 sur des « bases apolitique et asyndicale ». Au cœur de leurs revendications : la reconnaissance des « spécificités insulaires » et, en particulier, du statut « île montagne » dans la convention médicale, ce contrat liant la médecine de ville à l’Assurance-maladie.

« L’absence de CHU en Corse, les distances à parcourir d’un patient à l’autre, qui n’ont souvent rien à voir avec celles affichées au compteur kilométrique, une population vieillissante aux besoins de santé croissants, sont à rapprocher d’un nombre de médecins lui aussi vieillissant, d’une part non négligeable de collègues à temps partiel, ou qui exercent une autre activité que la médecine générale », explique le docteur Brunel, en confiant s’être lui-même spécialisé dans la médecine du sport. « Se déconventionner, cela peut sembler un peu paradoxal quand on défend une amélioration de l’accès aux soins, mais c’est notre recours ultime. » poursuit-il.

Dominique Nicolai, un médecin généraliste, installé à Bastia, évoque, dans la même veine, une décision « difficile », mais à laquelle il se sent « un peu obligé ». « Je suis plutôt, par principe, proconvention » explique-t-il. « Si, aujourd’hui, je suis prêt à la dénoncer, c’est qu’elle ne répond ni aux besoins des patients ni à ceux des médecins ». Après dix ans d’exercice, avec des semaines de soixante heures, et cinq demi-journées par semaine de visites à domicile auprès de patients dont les trois quarts ont plus de 70 ans, Dominique Nicolai espère ainsi obtenir le « choc d’attractivité » réclamé par la profession.

Un courrier adressé à la Collectivité de Corse, le 2 mai dernier, donne le ton de la colère ressentie par la profession. « Si la convention médicale ne reconnaît pas la Corse, alors les médecins libéraux corses ne reconnaissent plus la convention », y lit-on.

Cette démarche n’est pas tout à fait une surprise : une centaine de praticiens, généralistes et spécialistes, avait participé, mi-mars à Biguglia, à un séminaire sur le sujet. « Quand on a commencé à parler de déconventionnement, il y a un an, tout le monde trouvait l’idée assez indéfendable. Intimement, moralement, elle semblait à contre-courant de notre engagement, poursuit le docteur Brunel. Dix mois plus tard, ça a infusé ; une forme de radicalité s’est créée, presque contrainte et forcée. »

En octobre 2023, puis en janvier 2024, le collectif avait discuté à deux reprises avec l’Assurance-maladie et la caisse locale. Aucune des six propositions avancées par ces médecins – sur les consultations complexes, les visites longues, la possibilité d’un cumul d’actes clinique et technique, ou de deux actes techniques, etc. – n’avaient été retenues, selon les intéressés. De son côté, l’Assurance-maladie, elle, assure avoir pris des engagements au regard des spécificités de l’exercice insulaire, comme la revalorisation des indemnités kilométriques de montagne, ou la création d’une majoration de déplacement.

La convention médicale qui reste à parapher doit encore consacrer la revalorisation de la consultation dite « de base » chez un généraliste, la faisant passer de 26,50 euros à 30 euros. Un montant auquel les médecins mobilisés opposent une « nécessaire » adaptation des tarifs à la complexité de la consultation. Avec la possibilité, précisent les docteurs Brunel et Nicolai, de porter à 40 voire à 50 euros « certaines » d’entre elles, pour ne pas faire payer ceux de leurs patients les plus en difficulté.

Le Monde

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