Xi Jinping va pouvoir continuer d’écouler ses stocks d’invendus en Occident<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président chinois Xi Jinping et Emmanuel Macron, à l'aéroport de Tarbes-Lourdes, le 7 mai 2024.
Le président chinois Xi Jinping et Emmanuel Macron, à l'aéroport de Tarbes-Lourdes, le 7 mai 2024.
©ED JONES / AFP

Atlantico Business

L'Europe et l'Amérique ont raison de s'inquiéter... La Chine n'a nullement l'intention de fermer ses usines... La Chine cherche à écouler ses stocks d’invendus pour sortir de sa panne de croissance.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Au-delà du protocole diplomatique et du cérémonial qui s'impose aux visites officielles, la tournée de Xi Jinping en Occident confirme ce que tous les Occidentaux ont perçu pendant le Covid. Les dirigeants chinois ont beau jurer qu'ils veulent sortir leur pays du statut  d’émergent en changeant leur modèle de production pour exploiter les ressources de l'innovation et de la montée en gamme... la réalité qui s'impose à eux est beaucoup plus simple et inquiétante : ils ne peuvent pas changer de modèle. Le caractère autoritaire, pour ne pas dire dictatorial, du régime, oblige les dirigeants à garder un modèle de pays émergent par peur des libertés qui se multiplieraient avec une société de consommation. Le souhait d’une économie de marché serait politiquement ingérable. 

La Chine, qui est devenue l'usine du monde en entrant sur le marché mondial au début des années 2000, n'a pas d'autre solution que de continuer à l'être. Sa priorité actuelle est donc visiblement d'écouler ses stocks invendus au prix le plus bas, à perte si nécessaire, pour faire tourner ses usines, offrir des emplois non qualifiés à une population chinoise qui n'a qu'une envie, descendre des montagnes, quitter la campagne pour aller s'installer en ville, là où il y a un peu de lumière. 

Cette situation ne correspond nullement à ce que les Occidentaux imaginaient au départ de la mondialisation. Ils pensaient que le développement économique et l'amélioration de la vie quotidienne auraient donné au peuple le goût de la liberté. La Chine a réussi son développement, mais ce développement n'a pas été fléché sur l'amélioration de la vie quotidienne avec plus de consommation. Les dirigeants chinois ont construit chez eux  une vaste usine du monde et se sont arrêtés là. 

Aujourd'hui, ce modèle a de quoi inquiéter l'Occident qui ne veut pas revivre les grandes délocalisations industrielles. D'autant qu'il reste encore des montagnes de produits textiles et d'objets de la vie quotidienne en plastique moulés à vendre chez Walmart, Carrefour ou Métro... 

Mais mieux, les dirigeants chinois ont compris très vite que le consommateur occidental avait désormais besoin de véhicules électriques, de batteries, de panneaux solaires et d'éoliennes... et qu'ils pouvaient en fabriquer car ils avaient les composants et la main-d'œuvre pour cela. Donc, ce qu'ils ont réussi à faire avec les tee-shirts à moins d'un euro, ils vont essayer de le reproduire avec les voitures électriques.

Pour les Occidentaux, c'est évidemment désastreux à cause des conséquences économiques et sociopolitiques que ce modèle a entraînées pour les classes moyennes. Cette organisation du monde a engendré des millions de chômeurs et alimenté les courants populistes dans toutes les grandes démocraties libérales, aux États-Unis comme en Europe. D'où la ruée sur les technologies de pointe capables de faire rebondir les activités. D'où la tentation normale de se protéger de l'invasion des produits bon marché fabriqués en Chine ou ailleurs. 

Les courants protectionnistes sont devenus d'autant plus forts que les pays émergents, la Chine en particulier, n'ont pas ouvert leur marché intérieur aux importations, sauf dans des secteurs très particuliers comme les produits de luxe et l'agroalimentaire. 

La période du Covid a révélé au monde entier que la Chine aurait du mal à évoluer. Elle est restée fermée, paralysée, incapable de partager les informations qu'elle pouvait détenir sur le terrain scientifique. Plus grave encore, la Chine n'a rien fait pour relancer la demande intérieure, les dirigeants chinois ont préféré soutenir leurs unités de production plutôt que les consommateurs... A tel point qu'aujourd'hui, les entreprises chinoises produisent beaucoup plus que ce que les consommateurs chinois peuvent acheter et cela dans tous les domaines : voitures automobiles, batteries, panneaux solaires, produits textiles, pétrochimie, pharmacie, etc.

Cette semaine , Xi Jinping a encore nié à Paris l'existence de surcapacités de production, mais les entrepreneurs chinois cherchent encore et toujours à accroître leurs débouchés. Ils visent les marchés occidentaux, mais également les pays sous sanctions comme la Russie depuis la guerre en Ukraine.

En fait, les dirigeants chinois sont coincés parce qu'ils n'ont pas pris la décision de transformer la société chinoise en société de consommation. C'est évidemment une décision politique qu'il leur était difficile de prendre car elle aurait entraîné de facto une modification du mode de vie vers plus de liberté et de choix individuels. 

Comme dans beaucoup de régimes autoritaires, le président de la Chine a assis son pouvoir absolu sur la promesse d'une prospérité économique et sociale. Jusqu'alors, il n'a pas délivré cette promesse. La croissance économique de la Chine serait de 4 % cette année... La Chine aurait plutôt besoin de 10 % de croissance. Le moteur de la consommation tourne au ralenti... reste le moteur de l'exportation...

Le problème, c'est que les dirigeants occidentaux ont enfin compris qu'il leur fallait se protéger des importations chinoises tant que le marché chinois ne sera pas ouvert aux produits occidentaux dans des conditions de réciprocité loyales et transparentes.

Sur le plan théorique, les réponses occidentales ne devraient pas faire débat puisqu'elles prouvent que nous sommes enfin sortis de la naïveté dans laquelle on s'était plongé depuis l'admission de la Chine dans l'OMC... mais en pratique, ces réponses protectionnistes ne sont pas partagées unanimement par tous les clients de la Chine, y compris en Europe. 

Beaucoup de partenaires commerciaux sont très ambigus pour des raisons très simples. L'importation de produits chinois a permis à beaucoup d'Occidentaux d'importer du pouvoir d'achat et c'est peut-être grâce à ce pouvoir d'achat que ces pays ont pu se payer un modèle social très généreux avec une démocratie politique relativement calme. 

Beaucoup de pays sont devenus dépendants de la Chine dans leur chaîne de valeur ,car ils sont devenus incapables de produire ce que les Chinois leur fournissent au prix où ils les fournissent. Par ailleurs, ils ont aussi besoin de métaux rares ou de composants que seule l'Asie exploite et peut nous fournir... 

Les États-Unis d'Amérique ont amorcé un mouvement de relocalisation industrielle avec des moyens considérables. En Europe, tous les pays sont globalement d'accord sur l'idée qu'ils ne pourront faire pression sur la Chine que s'ils sont unis, mais chaque pays a des secteurs à protéger et ses intérêts à défendre. L'Allemagne, par exemple, a réussi à devenir un gros exportateur de voitures haut de gamme sur le marché chinois... La France, elle, a perdu l'essentiel de son industrie nationale et gère jalousement son pré carré que représentent les industries de luxe et les alcools... 

La cohérence des positions européennes est sans doute nécessaire mais actuellement, sans une volonté politique très forte, elle s'avère très difficile à mettre en scène. Les Chinois le savent et en jouent. Ils vont encore pouvoir solder leurs excédents de production assez longtemps avant que l'Europe ne se réveille.

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