Visite de Xi Jinping en France : le double et discret avertissement d’Emmanuel Macron à la Chine<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président chinois Xi Jinping à sa descente de l'avion, accompagné de Gabriel Attal.
Le président chinois Xi Jinping à sa descente de l'avion, accompagné de Gabriel Attal.
©STEPHANE DE SAKUTIN / POOL / AFP

Rencontre attendue

Le président chinois Xi Jinping est arrivé dimanche en France pour une visite d'État.

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico : Le président chinois Xi Jinping est arrivé dimanche en France pour une visite d'État. Alors que la Chine est le principal allié de Vladimir Poutine et se fait de plus en plus menaçante vis-à-vis de Taïwan, quelle position diplomatique Emmanuel Macron doit-il avoir ? Jusqu’à présent, la stratégie du chef de l’Etat a-t-elle été payante ?

Emmanuel Lincot : C'est un abus de langage que de dire que Vladimir Poutine est un "allié" de la Chine. C'est un partenaire de la Chine, important certes mais qui n'oblige en rien les Chinois. Et c'est bien pour cette raison qu'Emmanuel Macron entend obtenir un soutien de la Chine par rapport au conflit ukrainien. Toutefois, il me paraît très difficile de voir la Chine pratiquer autre chose qu'une "neutralité pro-russe". Pourquoi ? Parce que cette guerre affaiblit paradoxalement son partenaire russe (lequel devient chaque mois davantage un vassal de la Chine) et retient quelque peu les Américains en dehors du jeu taïwanais. Et puis, tous les protagonistes sont suspendus aux enjeux des élections américaines. Verdict comme vous le savez en novembre et à partir de ce moment-là, les avis seront beaucoup plus tranchés. Pour le moment, il est urgent d'attendre et de continuer à discuter. Donc je considère qu'Emmanuel Macron est dans son rôle et honore, en accueillant son homologue chinois, le soixantième anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France. 

Certains lui reprochent de s’illusionner sur la Chine comme il l’avait fait avec la Russie. Ces critiques sont-elles justifiées ?

Le principe de base de la diplomatie, c'est la négociation. Emmanuel Macron s'y tient. Il sait que les dirigeants chinois et russe sont des dictateurs. Il sait aussi que tous les canaux de discussion doivent être ouverts y compris vis à vis des dissidents. Qu'il ait accueilli le 30 avril dernier à l'Elysée même l'un des plus importants officiels du gouvernement tibétain en exil révèle son pragmatisme en la matière. L'important est aussi de gagner du temps car rien ne nous dit comment la situation internationale va évoluer. Elle semble à l'avantage des Chinois. Mais la situation économique en Chine n'est pas bonne et je ne serais pas surpris que la déliquescence que je crois probable du pouvoir russe puisse avoir à terme de graves conséquences, en Chine même. Une chose est par ailleurs certaine: le découplage économique qu'appellent de leurs voeux les Américains n'est pas d'actualité pour les Français. La Chine reste un marché et il y a des opportunités à les développer. En somme, Emmanuel Macron depuis ses déclarations de Canton, l'année dernière, ne cesse de dire que notre allié ce sont bien les Etats-Unis. Toutefois, nous ne partageons pas avec eux les mêmes intérêts.

Ce matin, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen se joindra au duo franco-chinois à l'Elysée pour une session qui devrait permettre de soulever les différends commerciaux. Le chancelier Olaf Scholz est le grand absent. Comment interpréter cela ?

C'est un double avertissement à Xi Jinping d'une part en rappelant le fait que la France est solidaire de la politique européenne engagée vis à vis de la Chine et d'autre part à l'adresse de Belgrade et de Bucarest, là même où le Chef d'Etat chinois se rendra après sa visite en France. Une façon de leur dire: n'allez pas trop loin dans votre rapprochement tantôt avec Moscou tantôt avec Pékin. Quant à l'absence d'Olaf Scholtz, elle confirme ce que nous savons depuis longtemps: le couple franco-allemand a vécu même si le Chancelier allemand et le Président se sont concertés sur les grands sujets du moment. Désormais il existe trois Europe: la France, reconnue pour ses atouts (membre permanent au sein du Conseil de sécurité à l'ONU, seule puissance nucléaire militaire de l'Union Européenne), l'Allemagne (laquelle fait cavalier seul) et enfin, l'Europe des Balkans et la Hongrie convoités pour leur vulnérabilité. Le voyage de Xi Jinping est en cela révélateur des tensions entre les Européens. Le Chef de l'Etat chinois recevra in fine Vladimir Poutine à Pékin, ce qui signifie bien que nous ne pouvons guère escompter un infléchissement de la politique de la Chine vis-à -vis de la Russie.

Que penser de la lettre de Xi Jinping adressée à la France ? 

Elle dit tout le cynisme du personnage avec une morgue très réelle à notre encontre. En substance, déclare-t-il : la France est un pays que nous apprécions pour ses produits agricoles et ses cosmétiques, et nous ne sommes pas responsables des conflits menés par d'autres...Rien à espérer donc. Mais nous pouvons croire que le temps travaille pour nous et que la situation changera si nous nous en donnons les moyens.

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