Union européenne : la panne du modèle allemand va tout changer…<!-- --> | Atlantico.fr
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Le fait nouveau est que la puissance et la force de l'Allemagne sont remises en cause.
Le fait nouveau est que la puissance et la force de l'Allemagne sont remises en cause.
©Christof STACHE / AFP

Atlantico Business

La panne du modèle allemand et la guerre en Ukraine offrent des opportunités de relancer un modèle européen plus cohérent et mieux équilibré, mais les responsables politiques sont obsédés par leurs intérêts nationaux et leur propre survie, au grand dam des chefs d’entreprise.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour beaucoup de chefs d’entreprise, la campagne pour les élections européennes offre le spectacle étonnant de responsables politiques qui n’ont pas compris que la panne du modèle allemand, conjuguée aux enjeux de la guerre en Ukraine, offrait des opportunités importantes pour modifier l'équilibre et le fonctionnement de l'Union européenne. Mais aucun courant politique, notamment en France, ne semble avoir tiré les leçons de ces deux événements historiques. Ils se complaisent hors sujet pour protéger leurs petits intérêts électoraux et sortir dans une position favorable pour les prochaines élections nationales. En bref, les principaux leaders politiques, de Jean-Luc Mélenchon à Jordan Bardella, de Marion Maréchal à Raphaël Glucksmann en passant par tous les responsables de la droite et du macronisme, prennent les élections européennes comme le moyen d’aborder les prochaines élections présidentielles dans une situation favorable.

Alors fait nouveau, aucun parti politique ne souhaite désormais la sortie de l’Union européenne et surtout de l’euro, exit le frexit… mais en dehors de ce cadre-là, l’Union européenne est critiquée par tous, dans son fonctionnement, mais aucun n’apporte de solutions alternatives. Donc, leur sujet est ailleurs.

C’est quand même très désolant, notamment pour le monde des affaires qui considère aujourd’hui qu'il existe une fenêtre d'opportunités pour modifier les conditions de fonctionnement de l'Union européenne et rendre cet espace plus efficace pour affronter les grands enjeux, parce que les équilibres intérieurs et les rapports de force sur la planète ont profondément changé.

L'organisation économique du monde n’est plus celle que la mondialisation, mise en place après l’effondrement du bloc communiste et l’arrivée de la Chine dans l’OMC nous promettaient. Un développement mondial des échanges commerciaux fondé sur les coûts relatifs de production, sur les spécialisations, et les accords multilatéraux. Ce monde-là a généré des effets pervers et des dégâts collatéraux au point d’imaginer une organisation entre grandes zones économiques qui resteront concurrentes certes, mais qui peuvent s'organiser en autarcie ou presque, avec :

  • Une grande zone d’Asie-Pacifique dominée par la Chine.
  • Une grande zone américaine du Nord dominée par les États-Unis, et sans doute,
  • Une zone américaine du Sud,
  • Une zone africaine où la Russie voudrait exercer le leadership. Dans ce schéma-là,.
  • l'Europe est actuellement en difficulté parce qu’elle manque de puissance économique et donc d’influence.

Confrontée à des nationalismes qui se nourrissent de peur et de démagogie populiste, les candidats aux élections européennes n’ont pas de projets cohérents qui permettraient à l’Union européenne d’éviter l’éclatement et d’échapper à l'impuissance. Pour le monde des affaires, qui est lui confronté à la concurrence internationale, les Européens passent à côté d’une opportunité qui permettrait de garantir leur avenir.

D’un côté, la guerre en Ukraine a montré qu’on ne pouvait pas faire de business avec un pays comme la Russie qui ne respecte pas les valeurs de la démocratie et surtout qui ne cache pas ses ambitions hégémoniques. Le risque d'agression militaire impose mécaniquement que les pays européens puissent se défendre, s'ils veulent préserver leurs valeurs de liberté individuelle et leur modèle de vie. D'où la nécessité d’une Europe de la défense, d’autant plus que le système de protection organisé par les Américains n’est pas garanti.

D’un autre côté, la panne du modèle économique allemand devrait redistribuer les cartes et l'équilibre du pouvoir à l'intérieur de l'Union européenne. Jusqu’alors, l'Union européenne a fonctionné, qu'on le veuille ou non, grâce à la garantie de la puissance économique de l'Europe du Nord et notamment de l’Allemagne. Bon gré mal gré, toute l'Europe a accepté que l’Allemagne fixe les règles de la copropriété européenne, notamment en matière monétaire.

Le fait nouveau est que la puissance et la force de l'Allemagne sont remises en cause. L’Allemagne a perdu la source principale de sa productivité qui était le gaz russe livré à bas prix. L’Allemagne a perdu une partie de ses marchés chinois. Donc l'Allemagne produit dans des conditions plus compliquées et plus chères qu’auparavant et vend moins bien à l’Asie les produits sophistiqués de son industrie.

L'Allemagne est donc en récession depuis plus d’un an. Par ailleurs, l’Allemagne a des problèmes de démographie et d’écologie. Le parti des Verts est très puissant mais l'Allemagne est incapable d’avoir une économie propre à échéance plus ou moins rapprochée. L'affaiblissement relatif des Allemands va mécaniquement faire évoluer le logiciel de fonctionnement de la BCE, puis de la Commission européenne, vers plus de souplesse et d’acceptation de la concurrence interne. L’Allemagne a perdu une partie de sa puissance, les changements en cours donnent l'occasion à l'Europe de trouver les ressources pour renforcer le potentiel de l'Union européenne toute entière. Aux lendemains des élections européennes, le mode de gouvernance ne pourra que changer. Pas seulement parce que les majorités seront nouvelles mais parce que l’Allemagne n’aura plus les moyens d’imposer une gouvernance qui lui soit favorable.

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