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Tous plus malheureux qu’avant : et le coupable qui vient d’être démasqué est...
©Reuters

Dictature

Selon une étude américaine, les gens malheureux le sont pour la même raison. Et il est possible d'y remédier.

Catherine Berliet

Catherine Berliet

Catherine Berliet intervient depuis 15 ans en conseil, formation, coaching de cadres et dirigeants pour le compte de grandes entreprises françaises. Diplômée en communication, elle est également thérapeute, praticien en Rêve Eveillé libre. Elle est co-auteur de : Et si je choisissais d’être heureux  ! : Le bonheur mode d’emploi  paru en juillet 2014 aux Editions Eyrolles, Manager au quotidien et Les outils de développement personnel du manager aux Editions Eyrolles. Elle est auteur de Et si je prenais mon temps aux Editions Eyrolles et co-auteur de "Et si je choisissais d'être heureux" avec Capucine Berliet toujours aux éditions Eyrolles

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Atlantico : Une étude menée auprès d'un million de jeunes américains par notamment le professeur de psychologie à l'université de San Diego Jean Twenge pointe que les gens malheureux le sont pour les mêmes raisons. En dehors des critères sur lesquels ils ne peuvent peser (contexte économique difficile…), ce qu'ils font lors de leur temps libre influe sur leur sensation de bonheur. L'étude révèle que ceux qui pratiquent des activités durant leur temps libre n'étant pas liées à un écran se déclarent deux fois plus heureux que ceux qui passent plus de cinq heures par jour sur des écrans. Comment pourrait-on expliquer ce phénomène ?

Catherine Berliet :Cette étude me semble cohérente. Nous pouvons expliquer les résultats de plusieurs façons. Une équation du bonheur a été conceptualisée par Todd Kashdan, professeur à la Mason University de Virginie qui stipule que le bonheur est à la portée de chacun mais sous certaines conditions. La première étant d'être dans le moment présent, d'être curieux, de faire au moins une chose par jour que l'on aime, et d’entretenir ses relations en ayant des moments dans la journée dédiés aux autres, mais aussi d’être en capacité de faire 3 choses saines pour entretenir son corps et enfin d’être exposé à la lumière.

 En observant cette équation, on se rend compte que la consultation fréquente des écrans freine pour beaucoup la réunion des facteurs énumérés ci-dessus. La notion de réponse immédiate induite par les outils numériques empêche d'aller vers les autres. Si nous avons le pouvoir magique de communiquer avec la planète entière, l’instantanéité provoquée par ces mêmes outils finit par être anxiogène car la réactivité se doit d’être permanente. La relation est initiée, la communication entamée, mais l’échange est-il vraiment au rendez-vous ? J’en doute. Les écrans nous projettent dans le temps d’après, occultant le temps présent puisque nous sommes en haleine du temps qui suit. Notre acuité attentionnelle est parasitée et perturbée car toujours sollicitée avec une obligation d’immédiateté stressante.

La curiosité est présente mais la curiosité suscitée par les écrans nous emporte toujours plus loin dans une quête incessante de nouveauté animée par une avidité pantagruélique, qui ouvre le champ des possibles jusqu’à la béance et laisse un goût amer de vacuité. Une étude a été faite par Adam Alter, professeur de psychologie et marketing à l'université de New-York. Cette étude résonne avec celle de Jean Twenge car elle pose le fait que les écrans prennent une part exponentielle dans notre vie. Cette étude sépare les bonnes applications des mauvaises. Les bonnes étant des applications de relaxation, de sport et de santé qui auraient une incidence et des effets beaucoup moins nocifs que les réseaux sociaux par exemple ou que les jeux qui nous rendent « gameaholic » donc accrocs comme à une drogue dure.

Autre résultat intéressant, l'étude montre que ceux qui passaient un peu de temps sur les réseaux sociaux étaient plus heureux que ceux qui n'en passaient pas du tout. Au final est-ce que tout est une question de juste mesure ?

C'est une question de juste mesure, mais gardons aussi en tête que les réseaux sociaux sont conçus de manière à être addictifs. Ma crainte est celle de voir un jour ou l’autre chez ces utilisateurs modérés une dynamique en faveur d’une addiction progressive. Beaucoup de chercheurs tirent la sonnette d'alarme en appelant cela l'épidémie silencieuse et nous commençons même à entendre de hauts dirigeants d’entreprises comme Facebook se positionner en lanceurs d’alerte sur un phénomène qui risque de nous dépasser très vite. Les écrans et les réseaux sociaux ne sont pas sans effets, et provoqueraient un impact certain sur le développement cérébral, sur l'acuité attentionnelle et sur notre santé psychique…

D'autres études démontrent que les smartphones sont des pompes à dopamine conçues pour créer de la dépendance forte. La dictature du « like » et des « followers » nous enferme dans une ambition héroïque de bien faire, ou de surpasser les autres à tout prix, et ce désir d’exigence est terriblement anxiogène car l’idée n’est pas tant d’être aimé ou admiré, mais plutôt d’être le plus aimé et le plus admiré. Ce qui est fatiguant, voire angoissant.

Qu'est-il possible de faire pour lutter contre ce phénomène considérant l'omniprésence des écrans et "l'obligation" d'être connecté dans notre monde d'aujourd'hui ?

Un dernier effet à citer à propos de l'omniprésence des écrans et des réseaux sociaux dans nos vies, c'est le sentiment d'amertume qu'ils nous font ressentir. Lorsque vous êtes exposé toute la journée aux publications soi-disant idylliques de vos réseaux, vous oubliez qu'elles ne reflètent en rien la réalité de la vie du commun des mortels, et vous vous laissez happer par la dictature d’un prisme « people » sur papier glacé.  En pensant que les notifications sur les réseaux sociaux sont la norme, nous finissons immanquablement par nous comparer aux autres, et par nous sentir jaloux ou envieux car, in fine, elles nous renvoient à nos propres insuffisances et nous frustrent immanquablement.

Une bonne idée serait de faire comme certaines personnes, une diète numérique. Se dire par exemple, qu'une fois par semaine, nous aurons la force de nous fixer un objectif de consultation limité de nos écrans. Obligeons nous à nous ouvrir à d'autres horizons pour nous décentrer. Cela passe par la pratique d’un sport ou par des activités créatives. Le mieux étant de réapprendre à conjuguer le verbe musarder et savourer au présent de l’indicatif en se disant toujours et encore : « Qu’est-ce qui est bon pour moi ? »  

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